Chers amis,

Les kiosques à journaux sont un excellent reflet d’une société. Du meilleur comme du pire de cette société.

Je vous ai récemment parlé de l’indépendance réduite à peau de chagrin de la presse mainstream, rognée de tous côtés par le pouvoir et les industriels[1].

En voici un nouvel et déplorable exemple, glané le week-end dernier chez mon marchand de journaux :

La promotion des produits laitiers comme « super alliés » santé n’est évidemment pas neuve. Elle est au contraire très ancienne – si ancienne qu’elle est dépassée !

La rhétorique des « produits laitiers bons pour la santé » est en effet battue en brèche par toutes les études de nutrition depuis trente ans.

Plus aucun médecin à la page, plus aucun pédiatre informé, et, évidemment, plus aucun diététicien ni nutritionniste sérieux n’incite ses patients à consommer des produits laitiers pour leurs « vertus santé ».

Ceux qui continuent à le faire, en général, ressortissent de deux catégories : soit ils sont de la vieille école et restent, par exemple, persuadés que le calcium des produits laitiers renforce prodigieusement les os (ce qui est un dangereux trompe-l’œil, je vais y revenir), soit ils sont… disons… « influencés » par le lobby du lait.

J’adore les produits laitiers. Mais il ne faut pas se leurrer sur leurs « effets santé »

A ce stade, je dois préciser une chose importante : je n’ai rien contre les produits laitiers.

Bien au contraire, je les adore ! En tout cas pour ce qui est du fromage.

Je ne résiste pas à un bon camembert bien fait, ni à un Neufchâtel crémeux. Et, bien que Normand, je ne suis pas exclusif, puisque je confesse un faible pour la tomme d’Abondance et la Rouergue du Tarn.

Bref, les fromages sont mon péché mignon.

Cependant j’essaie de les consommer avec le plus de modération possible, car je sais aussi que ce sont des produits pro-inflammatoires… entre autres.

Autrement dit, avec les produits laitiers, l’exercice consiste surtout à trouver, selon chaque produit, l’exception qui confirme la règle – la règle étant que les produits laitiers ne contiennent aucun nutriment « indispensable ».

Je vous le dis donc sans fard : la une de ce numéro de Dr Good est non seulement trompeuse et mensongère, mais dangereuse.

Commençons par les mensonges, en tout cas le plus gros et le plus persistant d’entre eux.

Le mythe du lait, du calcium et des os solides

« Mangez des produits laitiers, car ils sont riches en calcium et rendent les os solides ! »

Voilà l’injonction rabâchée depuis des décennies par les autorités de santé en France.

C’est l’un des plus néfastes raccourcis jamais empruntés par les instances officielles en matière de nutrition.

Le calcium est certes impliqué dans la minéralisation de l’os.

Mais par exemple dans le cas de l’ostéoporose, si l’os est déminéralisé, ce n’est pas par manque de calcium : c’est parce que la « trame » de l’os, sur laquelle doit se fixer le calcium, a été détruite.

Prendre plus de calcium revient alors à remplir un réservoir percé !

Pire : dans le cas d’une personne dont la trame osseuse est déconstruite, une grosse prise de calcium va aller se déposer ailleurs : dans les vaisseaux sanguins, dans les articulations, dans les reins, dans le cerveau

Qui a vraiment besoin de calcium ?

De bons niveaux de calcium sont indispensables à l’enfance et à l’adolescence : c’est à cette période de la vie que nos tissus osseux se construisent. Meilleurs sont les apports à ce moment-là, meilleure sera la solidité de nos os en vieillissant.

C’est à 16-17 ans pour les filles, et à 18-19 ans pour les garçons, que se finalise le « capital osseux »[2]. Et c’est à partir de ce capital que les femmes (dès la ménopause) et les hommes (en prenant de l’âge) vont perdre de la densité osseuse[3].

On estime qu’à ce jeune âge, les apports optimaux en calcium se situent entre 1000 et 1200 mg par jour, avec un pic à 1500 mg lors de la période de croissance la plus rapide[4].

Ces bonnes doses de calcium doivent s’accompagner d’une bonne dose d’activité physique, d’apports suffisants en zinc, silicium, magnésium, vitamines B6, C, D et K, afin d’être correctement assimilés.

Une fois la période de la puberté passée et le pic de masse osseuse atteint, on estime qu’un apport de 1000 mg/jour permet au squelette de conserver une bonne densité.

Pour la femme enceinte et allaitante, ces besoins passent à 1200 mg/jour.

Ces niveaux sont loin d’être atteints[5].

Beaucoup d’entre nous ne bénéficions donc pas d’apports suffisants en calcium, alors qu’ils sont nécessaires au maintien de notre capital osseux.

Et c’est là que se situe le piège des produits laitiers.

Les produits laitiers sont riches en calcium… mais celui-ci est mal assimilable

Croire qu’on va augmenter ses apports en calcium grâce aux produits laitiers est une terrible erreur, malheureusement entretenue par les discours de santé officiels et la propagande trompeuse comme celle de Dr Good.

Le lait est très riche en calcium, c’est vrai. Mais il y a deux gros bémols.

Premier bémol, seuls 30 % environ du calcium des produits laitiers est assimilable. A titre de comparaison, 60 % du calcium présent dans les crucifères (choux, brocolis) est assimilable ! Autrement dit : pour obtenir le même apport en calcium, vous devez manger deux fois plus de fromage ou de yaourt que la quantité de brocoli nécessaire pour atteindre ce taux.

Second bémol, le lait est aussi très riche en phosphore… qui fait fuir le calcium ! Le phosphore a en outre des effets négatifs sur les reins et l’absorption du magnésium.

Quand on boit du lait, les bienfaits du calcium rentrent donc en conflit avec les méfaits du phosphore[6] !

Un aparté important : les sodas industriels sont également très riches en phosphore, et on sait que les grands buveurs de Coca-Cola présentent un risque accru de fractures[7].

Les « bonnes » sources de calcium

La promotion des produits laitiers comme bonne source de calcium est donc une erreur tragique : autant pour la bonne assimilation du calcium que pour la santé en général !

Est-ce à dire qu’il vaut mieux prendre du calcium sous forme de compléments ?… Non plus.

Plusieurs études ont montré une augmentation de la mortalité cardiovasculaire et de la mortalité de toutes causes suite à une complémentation en calcium[8] [9] !

Toujours pour la même raison : à partir du moment où l’on est carencé en d’autres nutriments, en premier lieu en magnésium et en vitamine K, la prise de calcium est dangereuse.

La solution la plus saine est donc le choix de sources non laitières de calcium :

  • les légumes verts (épinards, blettes) ;
  • les crucifères (choux, chou-fleur, brocoli, chou kale) ;
  • les amandes, et leurs dérivés (lait d’amande, purée d’amande) ;
  • les eaux riches en calcium (La Salvetat, Châteldon, Contrex, Hépar, Courmayeur, Badoit…) ;
  • les algues (kombu et wakamé) ;
  • les saumons et les sardines (surtout avec les arêtes pour les sardines !).

Voilà pour la principale « promesse », trompeuse et mortifère, de Dr Good.

Mais il n’y a pas que cela qui en fait une mauvaise recommandation de la part des autorités de santé.

Le problème avec les produits laitiers ? Leurs protéines, leurs acides gras et leurs sucres

Il y a trois autres raisons pour lesquelles nous devrions limiter au maximum la consommation de produits laitiers – et, dans tous les cas, ne pas en faire une « source de calcium » privilégiée.

La première, ce sont leurs protéines :

  • elles sont riches en leucine, un acide aminé pro-inflammatoire qui accélère le vieillissement ;
  • elles engendrent chez certaines personnes des anticorps qui augmentent le risque de diabète de type 1[10] ;
  • elles stimulent l’IGF1, un facteur de croissance qui, chez l’adulte, accélère le vieillissement et favorise la croissance des tumeurs cancéreuses[11] (notamment de la prostate) ;
  • elles sont la première cause d’intolérance alimentaire chez les enfants et les adultes.

La deuxième, ce sont leurs acides gras, qui sont majoritairement saturés et trans, c’est-à-dire les plus mauvais :

  • ils favorisent le surpoids ;
  • ils sont mauvais pour la santé cardiovasculaire ;
  • ils augmentent les risques allergiques et inflammatoires ;
  • ils empêchent la bonne assimilation des oméga-3.

La troisième enfin, ce sont leurs sucres.

Le lactose est soit mal digéré, et entraîne alors des troubles digestifs (dus à la fermentation), soit absorbé. Dans ce dernier cas, il se concentre dans le cristallin de l’œil et dans les nerfs, augmentant les risques de cataracte et de neuropathies.

Le galactose, lui, augmente le stress oxydatif et l’inflammation[12], entraîne des phénomènes de neurodégénérescence précoce, provoque des troubles de la mémoire[13] et raccourcit la durée de vie[14].

Les fromages constituent un cas encore différent. Le principal problème est évidemment leur richesse en graisses saturées, mais certains sont en outre très salés : c’est un facteur bien connu d’hypertension et d’AVC.

Cependant, dans certaines conditions – comme lorsqu’ils sont au lait cru – les fromages sont porteurs de bonnes bactéries et levures, ayant un effet protecteur contre les allergies et l’asthme.

Par ailleurs la consommation de fromages au lait cru de chèvre et de brebis semble « neutre », voire même en partie bienfaitrice pour la santé (dans le cadre du régime méditerranéen par exemple).

Pour le reste, vous comprenez bien à quel point la couverture de Dr Good, avec ses promesses irraisonnées, est fallacieuse.

La question à laquelle il reste à répondre est : pourquoi un tel magazine grand public tombe-t-il dans cette erreur grossière de faire des produits laitiers des « alliés santé », envers et contre tous les consensus scientifiques de ces dernières années ?

Le poids insensé de l’industrie laitière

La vache laitière n’est pas seulement le plus gros mammifère domestique foulant le sol de notre chère Europe, et en particulier de notre chère France : c’est aussi un « poids lourd économique ».

L’industrie laitière, en France, pèse en effet très lourd : elle représente près de 30 milliards d’euros et plus de 250 000 emplois[15]

… Et la filière est le premier investisseur publicitaire dans l’agroalimentaire, la France « possédant » les leaders mondiaux avec :

• Lactalis, le n°1 mondial du lait ;

• Danone, le leader des produits laitiers ;

• et Bongrain et Sodiaal, qui sont les deux autres géants avec toutes leurs marques.

Ces géants, tout comme l’industrie pharmaceutique, possèdent des relais dans toutes les strates du pouvoir et influencent les discours aussi bien publics que privés : il existe des nutritionnistes proches de l’industrie laitière dans des situations de conflit d’intérêts.

Dr Good, en tant que magazine santé mainstream, est évidemment un canal privilégié pour les propagandistes de l’industrie laitière.

Son porteur, le médecin ORL Michel Cymès, ne s’est jamais distingué, c’est le moins qu’on puisse dire, par sa pensée à contre-courant des doxas industrielles.

Lors de la campagne d’injections anti-Covid, ce bon client médiatique n’hésitait pas à qualifier de « criminels » ceux qui osaient interroger l’innocuité et l’efficacité des produits Pfizer et Moderna[16]… ce qui ne l’empêcha pas, un mois et deux doses plus tard, d’être malade du Covid[17] !

Il n’est donc pas invraisemblable que M. Cymès soit aussi sensible aux discours des propagandistes de l’industrie laitière qu’à ceux de l’industrie pharmaceutique.

Il est également tout aussi possible que M. Cymès se contente de prêter son nom et son image à des publications dans lesquelles il ne s’implique pas personnellement.

Peu importe, le résultat est le même : une publication arriérée qui, sous couvert de donner des conseils feel good et de bon sens, sert littéralement la soupe aux grands industriels de l’agro-alimentaire. Et ce sans s’inquiéter des conséquences à long terme pour la santé de ses lecteurs qui prendraient pour argent comptant ces conseils biaisés.

Un lecteur averti en vaut deux !

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] https://alternatif-bien-etre.com/societe/rodolphe-etes-vous-franc-macon/ – Rodolphe Bacquet, « Rodolphe, êtes-vous franc-maçon ? », in. Alternatif Bien-Être, 21 avril 2024

[2] R. P. Heaney, « Adolescence, a key period for building bone capital », in. L’Alimentation des adolescents, CIDIL, Paris, 1988, pp. 53-60.

[3] S. K. Grimston et al., « Bone mineral density and calcium intake in children during puberty », in. P. Burkhardt et al., Nutritional aspects of osteoporosis, Sereno Symposia Publications de Raven Press, 1991, pp. 77-89.

[4] H. Dupin et al, Apports nutritionnels conseillés pour la population française, Toc et Dec, Paris, 1992

[5] B. Lesourd, « Les apports calciques en France enquêtes de consommation », in. Ostéoporose : pour une prévention nutritionnelle du risque ?, CERIN, Paris, 1992, pp. 35-47.

[6] N. C. Grandi et al., « Calcium, phosphate and the risk of cardiovascular events and all-cause mortality in a population with stable coronary heart disease », in. British Medical Journal, 2012, vol. 98, no 12, pp. 926-933, consulté en août 2019, disponible sur https://heart.bmj.com/content/98/12/926.short

[7] G. Wyshak & R. E. Frisch, « Carbonated beverages, dietary calcium, and dietary calcium/phosphorus ratio, and bone fractures in girls and boys », in. Journal of Adolescent Health, mai 1994, vol. 15, no 3, pp. 210-215, consulté en août 2019, disponible sur https://doi.org/10.1016/1054-139X(94)90506-1

[8] K. Michaëlsson et al., « Long term calcium intake and rates of all cause and cardiovascular mortality: community based prospective longitudinal cohort study », in. British Medical Journal,  2013, 346 :f228, consulté en août 2019, disponible sur https://doi.org/10.1136/bmj.f228 ;

« Apports en calcium et mortalité cardiovasculaire : une étude de cohorte souligne l’intérêt de considérer la source de calcium », in. Société Française de Nutrition, consulté en août 2019, disponible sur http://sf-nutrition.org/apports-calcium-mortalite-cardiovasculaire-etude-de-cohorte-souligne-linteret-de-considerer-source-de-calcium/

[9] L. Kuanrong, R. Kaaks, J. Linseisen & S. Rohrmann, « Associations of dietary calcium intake and calcium supplementation with myocardial infarction and stroke risk and overall cardiovascular mortality in the Heidelberg cohort of the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition study (EPIC-Heidelberg) », in. British Medical Journal, 2012, vol. 98, pp. 920-925, consulté en août 2019, disponible sur http://dx.doi.org/10.1136/heartjnl-2011-301345

[10] J. Rosenbauer, P. Herzig, P. Kaiser & G. Giani, « Early nutrition and risk of Type 1 diabetes mellitus – a nationwide case-control study in preschool children », in. Experimental and Clinical Endocrinology Diabetes, 2007, 2007, vol. 115, no 8, pp. 502-8, consulté en août 2019, disponible sur https://doi.org/10.1055/s-2007-973829

[11] B. C. Melnik, S. M. John, P. Carrera-Bastos et L. Cordain, « The impact of cow’s milk-mediated mTORC1-signaling in the initiation and progression of prostate cancer », in. Nutrition & Metabolism (Lond), 2012, vol. 9, no 74, consulté en août 2019, disponible sur https://doi.org/10.1186/1743-7075-9-74

[12] L. Hao et al., « The influence of gender, age and treatment time on brain oxidative stress and memory impairment induced by d-galactose in mice », in. Neuroscience Letters, 13 juin2014, vol. 571, pp. 45-9, consulté en août 2019, disponible sur https://doi.org/10.1016/j.neulet.2014.04.038

[13]X. Cui et al., « Chronic systemic D-galactose exposure induces memory loss, neurodegeneration, and oxidative damage in mice: protective effects of R-alpha-lipoic acid », in. Journal of Neuroscience Research, 22 mars 2006, vol. 83, no 8, pp. 1584-90, consulté en août 2019, disponible sur https://doi.org/10.1002/jnr.20845

[14] X. Cui) et al., « D-galactose-caused life shortening in Drosophila melanogaster and Musca domestica is associated with oxidative stress », in. Biogerontology, 2004, vol. 5, no 5, pp. 317-25, consulté en août 2019, disponible sur https://doi.org/10.1007/s10522-004-2570-3

[15] Benjamin Darlouch, « Faut-il éviter les produits laitiers pour être en bonne santé ? », in. Secrets de nutrition n°30, novembre 2022

[16] https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/ils-sont-criminels-de-tenir-un-tel-discours-michel-cymes-cash-sur-les-anti-vaccins_503537 – Alexis Patri, « Ils sont criminels de tenir un tel discours : Michel Cymès cash sur les anti-vaccins », in. Gala, 4 octobre 2022

[17] https://www.lematin.ch/story/michel-cymes-atteint-par-le-covid-19-malgre-deux-doses-de-vaccin-983957896586 – « Michel Cymés atteint par le Covid-19 malgré deux doses de vaccin », in. Le Matin, 21 novembre 2022