Chers amis,

Cette semaine, j’ai passé plusieurs jours à Paris… et donc, également… plusieurs nuits.

Comme toujours lorsque je me rends dans la capitale, j’ai enchaîné les rendez-vous professionnels, passé de longues soirées avec des amis de tout aussi longue date, passant sans cesse d’un endroit à l’autre.

Bref, j’ai parcouru la ville en tous sens, effectué pléthore de trajets en métro, arpenté une panoplie de quartiers à pied.

À la fin de chacune de ces journées, riches en rencontres et en kilométrage, j’étais évidemment fatigué. Voire très fatigué.

Pourtant, je n’ai guère dormi plus de trois ou quatre heures grand maximum par nuit.

J’envie les personnes qui s’endorment en un clin d’œil où qu’elles se trouvent, et dorment sereinement aussi bien dans leur lit que sur la couchette d’un wagon-lit. Ce n’est pas mon cas.

Peut-être connaissez-vous cela, vous aussi : dès que vous n’êtes plus chez vous, vous dormez moins bien.

Que ce soit lors d’un séjour à l’hôtel, chez des amis, ou même dans la famille, le sommeil semble moins profond, moins réconfortant.

Pourquoi ?

Il y a deux réponses : votre lit, et votre cerveau.

Votre lit : votre nid

Votre lit est plus qu’un simple meuble : c’est un nid douillet que vous avez personnalisé et adapté à vos besoins.

Vos oreillers ont la bonne fermeté, votre couverture n’est ni trop chaude, ni trop froide, elle a le poids idéal, et même votre matelas semble épouser parfaitement les contours de votre corps. Peut-être même avez-vous investi dans des draps de soie, doux au toucher.

Bref, vous avez choisi avec soin chaque élément selon votre goût et pour votre confort à vous, et rien qu’à vous.

Les lits dans lesquels on dort lorsque l’on couche à l’extérieur sont, littéralement, des lits « étrangers » et ne bénéficient pas toujours de cette attention personnalisée, ce qui peut affecter la qualité du sommeil.

Plus généralement, votre chambre à coucher est un havre où les bruits extérieurs vous sont connus et souvent maîtrisés. Les odeurs de votre maison vous sont familières et rassurantes. Vous contrôlez la température et l’éclairage pour créer des conditions idéales pour votre sommeil.

Certains préfèrent dormir dans le noir complet, d’autres avec les volets entr’ouverts ; les uns ont besoin d’un verre d’eau sur leur table de chevet, les autres du tic-tac rassurant de leur vieux réveil-matin.

Cette familiarité crée un sentiment de sécurité et de confort, facilitant ainsi l’endormissement et la qualité du sommeil.

À l’inverse, ces conditions peuvent varier considérablement dans un nouvel environnement, perturbant votre rythme circadien et la qualité de notre repos.

Le tic-tac rassurant et familier d’un vieux réveil-matin devient une insupportable nuisance sonore quand c’est celui des autres, et ne pas trouver un verre d’eau en plein milieu de la nuit, une source de stress.

Changer de lit et de chambre expose littéralement votre cerveau à des stimuli inconnus, le maintenant en état d’alerte même pendant le sommeil.

C’est ce qu’a confirmé une étude en 2016.

Ne dormir que d’un œil (ou plutôt que d’un hémisphère)

Au fil du temps, votre cerveau associe en effet votre lit à la relaxation et au sommeil.

Cette association mentale est renforcée par vos routines nocturnes et vos habitudes de sommeil. Lorsque vous n’êtes pas dans votre lit, cette association est perturbée, ce qui peut rendre l’endormissement plus difficile.

Et vous avez probablement également connu ces réveils perturbants, en pleine nuit ou au petit matin, où l’on ne reconnaît plus son environnement et que l’on met quelques secondes à se rappeler où l’on se trouve.

Des chercheurs ont identifié un phénomène connu sous le nom de « l’effet première nuit », où la qualité du sommeil est réduite lors de la première nuit passée dans un nouvel environnement, et plus généralement les nuits passées dans un environnement inhabituel.

Ce phénomène est dû à une activité cérébrale accrue, votre cerveau restant partiellement éveillé pour surveiller les menaces potentielles.

Vous connaissez l’expression « ne dormir que d’un œil » ; eh bien, c’est exactement ce qui arrive à votre cerveau : un hémisphère – le gauche – reste en partie éveillé au cours de la nuit, en alerte[1].

Un environnement non familier est en effet considéré comme potentiellement dangereux, et c’est l’hémisphère gauche de votre cerveau qui joue pour ainsi dire le rôle de veilleur de nuit.

Il reste sensible aux sons et aux stimuli externes.

Cet état de vigilance, hérité de notre histoire évolutive, où tout nouveau campement pouvait être associé à des menaces connues et inconnues, est donc un facteur de survie. Il s’agit d’être à l’affût de tout danger potentiel.

Cependant, comme nous vivons à une époque où il est plus rare de voir débouler par surprise un tigre à dents de sabre au cours de la nuit, cet état d’alerte affecte la qualité du sommeil : vous mettez plus de temps à vous endormir, il est plus léger et discontinu, et dure moins longtemps que d’habitude.

Cet effet d’alerte, en principe, s’estompe dès la deuxième nuit passée à un même endroit. Mais… cela dépend également de votre facilité à vous endormir et de votre qualité de sommeil en règle générale – laquelle a tendance à se détériorer avec l’âge.

Je lisais encore cette semaine que les Français auraient perdu 1h30 de sommeil en un demi-siècle, et que le phénomène touche particulièrement les plus de 50 ans. 37 % de cette population dormirait moins de 6 heures par nuit[2].

Et vous, que faites-vous pour faire de votre chambre une oasis de confort et de sécurité ?

Dormez bien,

Rodolphe


[1] Masako Tamaki, Ji Won Bang et al. « Night watch in one brain hemisphere during Sleep Associated with the First-Night Effect in Humans » 50 Current Biology. 2016

[2] Stéphane Kovacs « « À 3 heures du matin, quand je n’ai pas encore fermé l’œil, je panique » : plongée dans la France qui dort mal » Le Figaro. 2024