Chers amis,

Le sucre, c’est très bon.

Les problèmes commencent quand le « très » se transforme en « trop » : quand on aime trop le sucre, qu’on en mange trop, et que l’on consomme des aliments trop sucrés.

La surconsommation de sucre fait le lit de la plupart des maladies de civilisation modernes : l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, et par ricochet le cancer et diverses maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer.

Le consensus scientifique et médical sur ce sujet est complet.

Mais il est extrêmement récent.

Pour une raison très simple : l’industrie agroalimentaire, et en particulier le lobby du sucre, a « truqué » durant des décennies la recherche biomédicale pour occulter les effets dévastateurs de ses produits trop riches en sucre sur la santé humaine.

Ces trucages ont été dénoncés il y a moins de dix ans – je vais vous en parler dans un instant – mais, hélas, l’industrie n’a pas dit son dernier mot.

Et ses techniques sont toujours aussi pernicieuses.

Comment le lobby du sucre a corrompu, pendant plus de 50 ans, la recherche biomédicale

En 2015 et 2016, plusieurs publications dans des revues scientifiques ont mis en lumière les méthodes peu scrupuleuses employées par l’industrie du sucre pour influencer la recherche scientifique dans le but de minimiser les preuves des effets néfastes du sucre sur la santé.

PLOS Medicine révélait ainsi, en mars 2015, comment l’industrie du sucre a influencé l’agenda de recherche du National Institute of Dental Research (NIDR) dans les années 1960 et 1970 afin de détourner l’attention du sucre comme cause de carie dentaire[1].

Son but était simple : empêcher que les politiques de santé dentaire publiques restreignent l’apport en saccharose.

Son action a été couronnée de succès.

Les méthodes rappellent celles employées par l’industrie du tabac (je vous conseille le visionnage du film de Michal Mann Révélations, avec Russel Crowe, qui raconte comment ces méthodes crapuleuses ont finalement été dénoncées).

A l’origine de ces preuves accablantes de profonde corruption imputable au lobby du sucre on trouve notamment un cardiologue, Stanton A. Glantz, qui est également… militant anti-tabac, et qui avait publié en 1998 le livre The Cigarette Papers, divulguant que les cigarettiers américains étaient, durant des décennies, parfaitement au courant des méfaits de la cigarette, mais qu’ils se sont efforcés de dissimuler ces effets[2].

Quelques mois après avoir révélé les intrigues du lobby du sucre pour « détourner » les recommandations de santé bucco-dentaire, Stanton A. Glatz frappait encore plus fort.

Lobby du sucre – lobby du tabac, même (sale) combat

Stanton A. Glatz est en effet également à l’origine d’une autre étude, publiée en novembre 2016 dans JAMA Internal Medicine.

Dès les années 1950, des signaux d’alerte avaient émergé sur les risques de la consommation de sucre pour les maladies coronariennes.

En examinant les documents internes de la Sugar Research Foundation, Stanton Glatz et ses collègues ont découvert que le premier projet de recherche sur les maladies coronariennes qu’elle a financé, publié dans le New England Journal of Medicine en 1965, mettait en cause les graisses et le cholestérol comme causes diététiques des maladies cardio-vasculaires, minimisant par là même le rôle du sucre.

La Sugar Research Foundation était le bras armé du lobby du sucre pour cet effort de propagande et de corruption : durant des années, elle a commandé des recherches, fixé ses objectifs « scientifiques », contribué à la sélection des articles, et reçu des brouillons… sans divulguer ni son financement, ni son rôle.

Une véritable éminence grise au sein de la recherche biomédicale, au service exclusif du lobby du sucre. Avec beaucoup de moyens, et beaucoup de sous.

Ainsi, lorsque dans les années 1960 trois chercheurs de Harvard identifient le sucre comme responsable des maladies cardio-vasculaires… une enveloppe équivalente à 45 000 euros actuels leur est versée à chacun par la Sugar Research Foundation.

Résultat, les trois chercheurs ont modifié les conclusions de leurs recherches : ils ont finalement décrété que l’impact du sucre dans la cause de ces maladies était « négligeable »[3].

Durant des décennies, l’industrie du sucre a financé et piloté de la sorte, en sous-main, un programme de recherche qui a non seulement réduit les alertes sur les dangers du sucre sur la santé, mais a accusé les graisses – le cholestérol – d’être les principales coupables des maladies cardiovasculaires.

En résumé, si aujourd’hui tant de statines – médicaments réduisant le cholestérol – sont prescrits… c’est en grande partie à cause de l’industrie du sucre !

Je rappelle que, sans connaître à l’époque ces pratiques scientifiques crapuleuses, de courageux médecins comme le Dr Michel de Lorgeril ont « innocenté » le cholestérol.

Bref, cette série d’articles du milieu des années 2010 a démontré que les stratégies de l’industrie du sucre sont en tout point similaires à celles de l’industrie du tabac, visant à protéger leurs profits au détriment de la santé publique.

Et vous savez comme moi que l’industrie pharmaceutique n’est pas non plus épargnée par ces enjeux de corruption – je vous invite cette fois à lire l’excellente enquête d’Anne Jouan et du Pr Christian Riché La Santé en bande organisée[4].

Mais revenons au sucre.

A présent que les magouilles du lobby du sucre, mêlant science et argent, ont été dénoncées et sont de notoriété publique, on pourrait penser que les « ingrédients » pour que le monde mange mieux sont enfin réunies.

C’est mal connaître les méthodes, et le cynisme, des grands groupes de l’industrie agro-alimentaire.

Comment les industriels « surfent » sur les discours de santé publique ciblant le sucre… et font pire qu’avant

Si les industriels avaient tiré les leçons de cette affaire et changé leurs méthodes crapuleuses, le monde serait en meilleure santé, croyez-moi.

La preuve que les choses ne se sont pas améliorées, et même empirent, c’est que l’épidémie d’obésité ne cesse d’enfler partout dans le monde, dans les pays riches comme dans les pays pauvres[5].

Il faut d’abord noter que, dans cette affaire, l’industrie agro-alimentaire a ses « idiots utiles », qui vous assurent qu’après tout, être en surpoids, c’est normal, et qui vous promettent que vous pourrez continuer à manger trop sucré tout en n’en payant pas le prix.

Ces discours sont séduisants car ils laissent croire que l’on peut manger n’importe quoi, dès le moment qu’on mange quelques feuilles de salade verte à côté.

Bien pour ne plus avoir mauvaise conscience ; catastrophique pour être en bonne santé.

Le succès retentissant de Jessie Inchauspé, la « glucose goddess », est à ce titre aussi évident que déplorable : comme sa « méthode » consiste à simplement réduire les pics de glycémie, elle encourage de façon insidieuse à continuer à manger tout aussi sucré qu’avant, et ne fait guère de différence sur l’origine transformée ou non des aliments[6].

Or c’est précisément là que le cynisme et les crapuleries de l’industrie pharmaceutique ont trouvé refuge : dans les produits transformés.

Surfant sur le « sans-sucre » ou l’« allégé-en-sucre », les industriels bourrent leurs produits de composés chimiques tels que les édulcorants artificiels ou des substituts de sucre.

Bien que ces produits soient commercialisés comme des alternatives plus saines, certains de ces composés chimiques ont des effets catastrophiques sur le métabolisme, la flore intestinale et le risque de maladies chroniques.

Ironie suprême, les sodas industriels « sans sucre » provoquent encore plus de diabète de type 2 que les sodas classiques[7]!

Moins de sucre, plus de m***e

Dans un rapport publié la semaine dernière, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (l’ANSES) a révélé que, malgré la réduction des ingrédients au pouvoir sucrant dans les aliments consommés par les Français… les aliments ne sont pas pour autant moins sucrés !

L’ANSES a analysé l’utilisation des sucres et édulcorants dans les aliments transformés, en examinant plus de 54 000 produits entre 2008 et 2020.

Le rapport révèle que la majorité des produits contient au moins un ingrédient sucrant, y compris dans des produits salés. Une tendance à la baisse de l’utilisation de ces ingrédients a été observée, particulièrement pour les sirops de sucre et les édulcorants[8].

Autrement dit, l’industrie agroalimentaire utilise moins de saccharose et moins de substituts au saccharose comme l’aspartame…

… Mais les produits qu’elle commercialise ont le même pouvoir sucrant !

Comment les industriels ont-ils réussi ce miracle ?

Par la reformulation.

Les industriels savent que les consommateurs sont de plus en plus attentifs à la quantité affichée de sucres et de ses substituts sur les emballages. Surtout, depuis 2018 une taxe proportionnelle à la teneur en sucres ajoutés s’applique sur ces produits.

Elle les réduit donc.

Et les remplace par d’autres composants, dont le pouvoir sucrant est tout aussi puissant… et qui sont beaucoup moins pistables.

Un sacré tour de passe-passe !

C’est ainsi que les efforts – louables – des autorités de santé pour faire baisser les taux de sucre, et ainsi espérer réduire l’épidémie d’obésité et de diabète, conduisent à la mise sur le marché de produits de plus en plus trafiqués, à la composition opaque.

Face à ce cauchemar, une seule planche de salut : fuir les aliments transformés comme la peste.

Si vous me lisez, c’est probablement ce que vous faites déjà… mais ce dernier rapport de l’ANSES démontre que le cynisme des industriels n’a aucune limite, et qu’il ne faut décidément pas se fier aux gages affichés sur les emballages.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


[1] https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001798 – Cristin E. Kearns, Stanton A. Glantz & Laura A. Schmidt, « Sugar Industry on the Scientific Agenda of the National Institute of Dental Research’s 1971 National Caries Program : A Historical Analysis of Internal Documents », in. PLOS Medicine, 10 mars 2015

[2] https://en.wikipedia.org/wiki/The_Cigarette_Papers – fiche Wikipedia « The Cigarette Papers»

[3] https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/article-abstract/2548255 – Cristian E. Kearns, Laura A. Schmidt & Stanton A. Glantz, « Sugar Industry and Coronary Heart Disease : A Historical Analysis of Internal Industry Documents », in. JAMA Internal Medicine, novembre 2016

[4] https://www.lisez.com/livre-grand-format/la-sante-en-bande-organisee-dissimulations-menaces-et-barbouzeries-le-monde-du-medicament-et-ses-arrangements-entre-amis/9782221262511 – Anne Jouan & Christian Riché, La Santé en bande organisée, Robert Laffont, 2022

[5] https://www.letemps.ch/sciences/une-epidemie-surpoids-dobesite-europe-sinquiete-loms – Keystone ATS, « Une “épidémie” de surpoids et d’obésité en Europe, s’inquiète l’OMS », in. Le Temps, 3 mai 2022

[6] https://alternatif-bien-etre.com/alimentation/soyez-tres-prudent-avec-cette-methode-revolutionnaire/ – Rodolphe Bacquet, « Soyez TRES prudent avec cette méthode “révolutionnaire” », in. Alternatif Bien-Être, 11 mai 2023

[7] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22282311/ – H. Gardener,T. Rundek, M. Markert et al., « Diet Soft Drink Consumption is Associated with an Increased Risk of Vascular Events in the Northern Manhattan Study », in. Journal of General Internal Medicine, septembre 2012

[8] https://www.anses.fr/fr/content/bilan-utilisation-sucres-edulcorants-aliments – « Bilan de l’utilisation des sucres et édulcorants dans les aliments transformés », site de l’ANSES, 19 mars 2024

Lien clivable vers une vidéo de vente Lorgeril sur ce sujet svp