Chers amis,
Le « progrès » est une notion très relative car elle dépend à la fois du point de vue choisi et de l’objectif visé.
Il est assez facile de juger des « progrès » en mathématiques de votre petit-fils à la lecture de son bulletin scolaire, ou même, sur une carte, des « progrès » d’une armée sur un territoire en guerre.
Mais ces deux exemples nous apprennent qu’un progrès n’est jamais acquis, et qu’un progrès effectué peut se traduire quelque temps plus tard par un recul tout aussi, voire plus important : les résultats en maths de votre petit-fils peuvent s’effondrer, une armée peut perdre le terrain qu’elle a gagné et même finalement sonner la retraite.
J’ai toujours été frappé par le fait que, dans l’inconscient collectif, le « progrès » scientifique – y compris médical – est perçu comme dépourvu de tous ces accidents de parcours, de tous ces reculs et, d’une manière générale, de tout relativisme.
Une locomotive lancée à toute vapeur vers un avenir meilleur
Le progrès médical et scientifique est ainsi vu comme une locomotive lancée à toute vapeur vers un avenir idéal dans lequel l’être humain disposera d’une santé de plus en plus solide, soigné par des médecins de plus en plus compétents, servis par des chercheurs de plus en plus savants.
Cette vision, héritée du XIXème siècle, a dominé tout le XXème siècle.
Au cours du siècle dernier, la science et la médecine ont en effet donné des gages constants de leurs progrès : la découverte de nombreux antibiotiques… l’âge d’or de la vaccination ayant officiellement contribué à l’éradication de la variole… les victoires spectaculaires remportées par la chirurgie (greffes du cœur et de multiples autres organes)… le recul apparent du cancer auquel Richard Nixon avait pompeusement déclaré la « guerre » (il promettait de l’éradiquer en 10 ans[1] ! )…
Il y a là-dedans de véritables victoires, qui ont commodément masqué le fait que ces « progrès » se sont faits en marginalisant, voire en écrasant, la plupart des approches traditionnelles de santé.
Toutes les promesses de la biomédecine n’ont certes pas été tenues mais, enfin, bon an mal an, ce fameux « progrès » a semblé, au pire, connaître quelques ralentissements, des cafouillages, des obstacles imprévus, sans être remis en cause.
Mais voici deux à trois décennies que la locomotive est arrêtée.
Voire qu’elle rouille.
Ainsi, plus aucune nouvelle classe d’antibiotique n’a été découverte depuis 60 ans.
Pire encore, ce spectaculaire progrès de la médecine, effectué durant la première moitié du XXème siècle, a eu pour effet pervers d’engendrer des bactéries encore plus résistantes qu’avant : les bactéries, elles aussi, font des « progrès », et en matière de course aux armements biologiques, elles disposent de l’avantage du temps !
L’annonce, il y a un an, de la découverte d’un nouvel antibiotique par… une intelligence artificielle[2] est à prendre avec beaucoup de pincettes : d’une part il ne s’agit que d’une découverte théorique, et d’autre part elle démontre le virage « techno » pris par la médecine, au détriment de l’humain.
Il suffit, de même, de s’arrêter deux minutes sur « l’extension du domaine de la lutte » contre le cancer pour admettre que non seulement cette famille de maladies que l’on croyait pouvoir éradiquer, il y a cinquante ans, est toujours bel et bien là, mais qu’elle touche une proportion croissante de la population… et notamment les plus jeunes.
Un autre indicateur symbolique vient de sonner le glas de cette vision naïve du progrès continu de la santé : c’est celui de l’espérance de vie.
L’espérance de vie globale non seulement ne progresse plus… mais elle recule
Une étude récente publiée dans The Lancet Public Health révèle que, depuis 2011, l’augmentation de l’espérance de vie a ralenti dans plusieurs pays européens[3].
Et les auteurs soulignent que ces données sont indépendantes de « toute limite maximale de l’espérance de vie », qui d’après eux n’a pas encore été atteinte.
Il ne s’agit donc pas simplement d’un ralentissement, ni même d’une stagnation de l’espérance de vie : il s’agit bel et bien d’un recul.
Pour le dire clairement : une personne née en France cette année a, dans l’absolu, une espérance de vie moins longue qu’une personne née il y a trente ans.
Cependant les résultats sont contrastés d’un pays à l’autre. Et c’est ce qui les rend intéressants.
Les chercheurs ont comparé les changements dans l’espérance de vie à la naissance, les causes de décès et l’exposition de la population aux facteurs de risque dans 16 pays de l’Espace économique européen (Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Islande, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Espagne et Suède) et les quatre pays du Royaume-Uni (Angleterre, Irlande du Nord, Écosse et Pays de Galles) sur trois périodes : 1990-2011, 2011-2019 et 2019-2021.
L’espérance de vie a globalement augmenté, dans tous les pays, entre 1990 et 2011.
Entre 2011 et 2019, cette augmentation a notablement ralenti.
Et à partir de 2019… elle recule.
Les auteurs écrivent qu’à partir de cette date « tous les pays enregistrent une baisse absolue de l’espérance de vie à l’exception de l’Irlande, de l’Islande, de la Suède, de la Norvège et du Danemark, qui ont affiché une amélioration marginale de l’espérance de vie, et de la Belgique, qui n’a affiché aucun changement dans l’espérance de vie. »
Comment expliquer une telle dégringolade ?
Ce n’est pas le Covid
Les auteurs le soulignent : le changement de tendance a commencé bien avant – dix avant, au moins – le Covid.
Inutile, donc, de blâmer le coronavirus.
Les principales causes identifiées sont les maladies cardiovasculaires, l’obésité, l’hypertension artérielle et des régimes alimentaires déséquilibrés.
La séquence coronavirus a « simplement » contribué à cette tendance en accentuant les vulnérabilités existantes et citées plus haut.
De façon ironique, cette étude a été financée par la fondation Gates, celle-là même qui préconise de vacciner la planète entière.
Or la leçon à tirer de cette étude, c’est que si l’espérance de vie est en train de reculer, ce n’est ni à cause des virus, ni donc d’un problème dont la solution serait un vaccin, mais… d’un problème civilisationnel.
En France, après des gains significatifs au cours du XXème siècle, l’espérance de vie semble plafonner depuis quelques années, et maintenant reculer. Les cancers ont été formellement identifiés comme la première cause de décès en 2019[4].
Parallèlement, la France connaît une baisse significative de sa natalité. En 2023, le nombre de naissances a diminué de 6,6 % par rapport à 2022, soit une réduction de 48 000 naissances en un an. Depuis 2010, cette baisse atteint près de 20 %[5].
Ce « renversement » des courbes annoncé – plus de décès que de naissances – a pour conséquence un tassement de la démographie française : raison pour laquelle Emmanuel Macron a appelé, il y a un an, à un « réarmement » démographique… peu suivi d’effets, puisque la natalité a encore baissé en 2024[6] !
Les deux faces d’une même pièce de monnaie
À mes yeux – et c’est mon interprétation – le fait que l’espérance de vie globale et le nombre de naissances baissent tous deux à un rythme analogue, n’a rien d’accidentel.
Ces deux phénomènes ont des causes multiples et distinctes, et pourtant une chose simple et fondamentale les relie : c’est tout simplement notre époque.
L’espérance de vie et le « baby boom » ont tous deux accompagné une époque de reconstruction et surtout d’espoir.
Or je ne vois plus beaucoup d’espoir dans les yeux de nos contemporains. Plutôt de la fatigue, de la défiance et de la peur.
Notre société a pris un virage nettement anxiogène depuis le début du siècle, et cela s’est aggravé avec la succession des « crises » depuis 2020 : crise sanitaire, crise ukrainienne, crise énergétique, etc., etc.
Pour continuer d’avoir envie de vivre – et de donner la vie – dans cette époque plus marquée par l’inquiétude, le nombrilisme digital et la tension permanente, il faut avoir une foi sacrément chevillée au corps et à l’âme.
Cette foi, elle vous regarde. Elle peut prendre des formes extrêmement différentes, et pas uniquement religieuses d’ailleurs. Mais spirituelles, oui.
Ainsi, je ne prétends pas avoir de solution miracle pour relancer la natalité.
En revanche, pour relancer votre espérance de vie, nous savons ce qu’il faut faire.
Ce ne sont pas les spectaculaires progrès technologiques de la médecine qui résoudront le problème de l’espérance de vie – ce serait plutôt la dimension humaine de cette médecine, que nous sommes en train de perdre petit à petit.
Et que même, hélas, l’État programme et organise.
Car, pour vivre longtemps, heureux, et en bonne santé, ça n’est pas de gadgets dont vous avez besoin – toute la boîte à outils de la biomédecine, à cet égard, vous sert de béquille, pas de colonne vertébrale.
La colonne vertébrale, c’est un accord profond entre votre corps et votre esprit, entre vous et votre entourage, entre vous et votre environnement ; entre votre envie de vivre, tout simplement, et le mode de vie que vous adoptez.
Ces moyens, nous les connaissons depuis un moment. Ils n’ont rien à voir avec le « progrès » tel qu’on l’entend ordinairement. Ce n’est pas un hasard si les « zones bleues », ces régions du monde où l’on vit plus longtemps et en meilleure santé, sont situées dans des régions du monde plutôt pauvres et isolées.
La sève qui vous maintient en vie – envie ! – ne passe pas par un cathéter.
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] https://alternatif-bien-etre.com/maladies/cancer/la-guerre-contre-le-cancer-et-ses-terribles-desillusions/ – Rodolphe Bacquet, « La “guerre contre le cancer” et ses terribles désillusions », site d’Alternatif Bien-Être, 1er décembre 2019
[2] https://www.rts.ch/info/sciences-tech/14601006-de-nouveaux-antibiotiques-emergent-pour-combattre-les-bacteries-resistantes.html – Alexandra Richard, « De nouveaux antibiotiques émergent pour combattre les bactéries résistantes », RTS Info, 5 janvier 2024
[3] Une étude récente publiée dans The Lancet Public Health révèle que, depuis 2011, l’augmentation de l’espérance de vie a ralenti dans plusieurs pays européens.
[4] https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/28977/564.esperance.vie.france.2019.3.fr.pdf – Gilles Pison, « Pourquoi l’espérance de vie augmente-t-elle moins vite en France ? », revue de l’INED n°564, mars 2019
[5] https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/baisse-de-la-natalite-il-est-important-de-comprendre-pourquoi-les-personnes-renoncent-a-avoir-des-enfants – Stéphane Duguet, « Baisse de la natalité : il est important de comprendre pourquoi les personnes renoncent à avoir des enfants », Public Sénat, 16 janvier 2024
[6] https://rmc.bfmtv.com/actualites/societe/un-an-apres-ou-en-est-le-rearmement-demographique-il-ne-s-est-rien-passe_AV-202501080466.html – Léo Manson, « Un an après, où en est le réarmement démographique ? “Il ne s’est rien passé” », site de BFM-RMC, 8 janvier 2025
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En soumettant mon commentaire, je reconnais avoir connaissance du fait que Total Santé SA pourra l’utiliser à des fins commerciales et l’accepte expressément.
Bravo et merci pour ces infos que l’on ne trouve pas dans les médias « contrôlés « ,cad presque tous. Je vous suggère de rendre public l’essentiel de ce que le peuple « mouton » ignore. Par affichage sauvage comme le font certains partis politiques, par banderoles qui existent déjà dans les manifs, mais en abondance et répétitives. Bien sûr il faut du monde, mais une fois lancée l’opération se multiplie très vite. Il est urgent de de niaiser nos compatriotes endormis devant leur TV. Bon courage ! À 90 ans, je ne peux que vous accompagner par la pensée, hélas. Salutations.
Bonjour
Dans l’ensemble j’aime beaucoup vos articles. Sur le progrès je me pose la question de savoir pourquoi par exemple, selon le témoignage d’un ami qui y séjourne régulièrement, l’espérance de vie à Madagascar où les gens ne mangent que du bio et vivent simplement et dans la nature, est elle si faible ? Je ne parle pas de statistiques mais du fait qu’à 40 ans on est déjà vieux et qu’on dépasse rarement les 60 ans.
Autre remarque concernant la natalité: Nous sommes trop nombreux semblent il sur la terre alors, c’est mieux de freiner les naissance et l’expression « réarmer » quand on parle de naissances est abominable à moins de considérer ces êtres humains comme de « la chair à canon »