Chers amis,

Il y a des maladies qui vous prennent en traître : les premiers « symptômes » n’apparaissent que lorsque votre état est irréversible.

On les appelle les « tueurs silencieux ».

Le plus répandu c’est l’hypertension artérielle, sur laquelle je reviendrai. Il y a aussi le cancer du pancréas, quasi indétectable, jusqu’à ce que les premiers maux de ventre apparaissent. Alors les chances de survie sont très faibles.

L’ostéoporose fait partie de ces maladies « silencieuses » et traîtresses.

On s’en rend compte (presque) toujours trop tard

La majorité des personnes touchées par l’ostéoporose ne sont diagnostiquées qu’au moment où leurs os sont devenus tellement fragiles… qu’ils se fracturent.

C’est souvent un accident domestique qui se produit : une marche manquée, un trébuchement sur un tapis, etc. Vingt ans plus tôt, pour une telle petite chute, vous en auriez été quitte pour un bleu ou un muscle froissé. Si vos os cassent pour si peu, c’est que l’ostéoporose est déjà bien installée.

La fracture la plus handicapante de l’ostéoporose est celle du col du fémur : environ 50 000 personnes en subissent une par an en France[1].

Or une fracture du col du fémur conduit dans 1 cas sur 4 en moyenne à un décès dans l’année[2] ! Pour la moitié des autres personnes touchées, elles garderont un handicap à vie.

L’ostéoporose passe pour une conséquence irrémédiable du vieillissement.

La vérité est fort différente – et devrait vous rendre optimiste !

Vos os sont vivants

Parlons d’abord de vos os. Ce sont des tissus vivants : ils suivent en permanence un cycle de construction, de déconstruction, de reconstruction, etc.

On appelle cela le remodelage osseux.

Durant l’enfance et l’adolescence, nous constituons notre masse osseuse qui atteint un pic aux alentours de vingt ans. Ce remodelage fonctionne alors à plein régime. Après vingt ans… le rythme baisse progressivement. La perte osseuse l’emporte peu à peu sur le remodelage.

Chez les femmes, cette perte s’accélère après la ménopause. Cela est dû à la baisse brutale des œstrogènes : ces hormones jouent un rôle dans la bonne utilisation de la vitamine D et de l’absorption du calcium, dont je vous expliquerai un peu plus loin l’importance.

Chez les hommes, la perte de masse osseuse se fait plus « en pente douce ».

C’est pourquoi après 50 ans, les femmes sont bien plus sujettes aux fractures liées à l’ostéoporose (elles sont 40%) que les hommes (15%).

Il n’y pas de raison d’être fataliste

Ce qu’on ne dit pas assez, c’est que l’ostéoporose est bel et bien une maladie : les médecins qui prétendent que c’est « normal, vu votre âge » vont un peu vite en besogne.

On peut avoir une prédisposition génétique à l’ostéoporose. On peut être « défavorisé » d’un point de vue hormonal, comme dans le cas d’une ménopause précoce.

Mais l’ostéoporose est en grande partie due au mode de vie.

Et il est possible, à tout âge, de renforcer sa masse osseuse… ou du moins, ralentir son affaiblissement. 

Il y a deux moyens rois à cela : l’activité physique et l’alimentation.

Vous n’êtes pas en orbite, profitez-en

Prenons le cas des astronautes qui partent dans l’espace. Ils sont soumis à un programme intensif d’exercices physiques au cours de leur mission. Pourquoi ? Parce que, dans l’espace, l’absence de gravité fait que leurs muscles et leurs os perdent rapidement en densité.

Le meilleur moyen d’enrayer cette perte de densité c’est l’exercice physique, qui exerce une contrainte mécanique sur vos os.

Sans lui, tous les autres moyens (qu’ils soient alimentaires ou médicamenteux) ne servent à rien.

La bonne nouvelle, c’est que vous … n’habitez probablement pas en orbite. Et que donc vous n’avez pas besoin de faire des exercices intensifs plusieurs heures par jour. Des exercices simples, comme le vélo ou même porter ses courses sur une longue distance, peuvent déjà faire la différence.

Toutes les études prouvent qu’un entraînement physique régulier permet aux femmes qui ne prennent pas de substitution hormonale de préserver leur densité osseuse[3].

Il est important que cette activité physique soit régulière : idéalement 30 mn à 1 heure durant, trois fois par semaine.

Si vous n’avez pas l’habitude de faire régulièrement des activités physiques, n’hésitez pas à demander conseil à un médecin ou à un entraîneur spécialiste qui vous conseillera une activité adaptée.

Le but n’est pas que vous vous épuisiez, ni vous fassiez mal, mais que vous y preniez progressivement plaisir.

Alimentation : il n’y a pas que le calcium

Le minéral le plus couramment cité pour renforcer les os, c’est le calcium.

Je vous enverrai une lettre spécifiquement consacrée aux erreurs communément commises au sujet du calcium.

Mais laissez-moi déjà vous dire ceci : prendre plus de calcium ne renforcera pas davantage vos os !  Tout comme mettre plus d’essence dans le réservoir de votre auto ne vous permettra pas de rouler plus vite !

En effet, pour que la prise de calcium puisse être utile pour votre masse osseuse, vous avez d’abord besoin d’avoir des niveaux suffisants en :

  • Zinc, car c’est un minéral indispensable au processus de construction de l’os, la véritable cheville ouvrière de l’os !
  • Vitamine B6, qui permet à l’échafaudage de l’os de tenir ;
  • Magnésium, car plus de la moitié du magnésium de l’organisme se trouve dans nos os… et celui-ci « fuit » très rapidement, notamment en cas de stress. Autrement dit le stress ronge aussi nos os.
  • Vitamine C, qui protège le tissu osseux de l’inflammation
  • Vitamine D, qui participe à la réabsorption du calcium permet le bon remodelage du tissu osseux
  • Vitamine K qui sert à fixer le calcium

Bref, vous l’avez compris, inutile de prendre du calcium si vos apports en tous ces nutriments ne sont pas suffisants.

Et spécifiquement en vitamines D et K, car ces deux vitamines attirent le calcium, le magnésium et le zinc dans l’os et ralentissent leur fuite dans les urines.

Concernant la vitamine K, j’ai consacré récemment une lettre au natto, la meilleure source alimentaire qui existe. Les autres sources riches de vitamine K sont l’huile de colza, l’huile d’olive, les haricots verts, les fèves, les pois, les brocolis, les épinards, les poireaux, les asperges.

Il y a un examen, oui mais…

Il y a un moyen de savoir si l’on est touché par l’ostéoporose avant la fracture : c’est l’ostéodensitométrie.

Cet examen radiologique permet de mesurer la densité minérale osseuse (DMO) en grammes par cm carré.

Cet examen peut être utile, mais il est imparfait :

  • il ne mesure que les minéraux et non le collagène, la partie organique sur laquelle reposent les minéraux ;
  • il ne prend pas en compte la profondeur de l’os ;
  • il exclut d’autres paramètres comme la présence de microlésions, l’architecture de l’os, qui rentrent en compte dans le risque de fracture.

Dans tous les cas, si l’on vous diagnostique une ostéoporose par ce moyen, soyez prudent avec le traitement qu’on vous proposera. Ceux que cela intéresse liront mon post-scriptum ci-dessous.

Portez-vous bien,

Rodolphe

P.S. Les médicaments anti-ostéoporose, comme le dénosumab, sont des molécules proches du calcium osseux… mais qui n’en sont pas.

Or, ces molécules sont « prises » pour du calcium par notre organisme, qui les intègre donc dans l’os à leur place. Ils freinent la destruction de l’os, c’est vrai. Mais si l’os regagne en minéralité osseuse, son fonctionnement normal est cependant perturbé, et il n’est pas forcément plus solide pour autant !

Pire, suite à la prise de ces médicaments[4] :

  • les os peuvent se nécroser, en particulier dans la mâchoire ;
  • une hypocalcémie[5] peut se développer.

Enfin, si votre médecin vous prescrit une supplémentation en calcium, que ce soit par un complément alimentaire ou même en vous encourageant à consommer des produits laitiers, sachez que dans les études, la supplémentation en calcium n’est pas efficace contre les fractures[6].

En outre, prescrire du calcium à une personne qui n’a pas reconstruit sa trame osseuse va « rediriger » ce calcium là où il ne doit pas se déposer : les vaisseaux sanguins, les articulations, les reins et le cerveau !

Désolé d’avoir été aussi technique, mais le sujet est difficile, vous l’avez compris !

Et promis, je consacrerai bientôt une lettre complète au calcium.


[1] https://www.mon-osteoporose.fr/comprendre/epidemiologie/

Consulté le 17 mai

[2] Ibid.

[3] Bocalini DS, Serra AJ, dos Santos L, Murad N, Levy RF. Strength training preserves the bone mineral density of postmenopausal women without hormone replacement therapy. J Aging Health. 2009 Jun;21(3):519-27.

[4] https://www.vidal.fr/actualites/14043/prolia_denosumab_risques_d_osteonecrose_de_la_machoire_et_d_hypocalcemie_actualisation_des_mesures_de_minimisation_des_risques/

Consulté le 17 mai

[5] Taux anormalement bas de calcium dans le sang

[6] https://www.bmj.com/content/351/bmj.h4183

Consulté le 17 mai