Chers amis,
Je suis tombé hier sur une étude amusante, et pourtant tout à fait sérieuse, qui « décrypte » l’écriture des textes juridiques et officiels.
Des chercheurs en sciences cognitives de l’Université du Massachussetts sont en effet parvenus à établir que les lois sont rédigées dans un style délibérément incompréhensible[1].
Une écriture « non typique des langues humaines »
La complexité de nos lois n’est pas une simple conséquence de la bureaucratie ou de l’évolution naturelle du droit.
Non, c’est bien plus insidieux que cela : il s’agit d’une stratégie délibérée.
Il existe en effet un « style » d’écriture pour rédiger les lois, utilisé par les légistes, si prégnant en réalité que même les non-juristes se mettent à appliquer ce style lorsqu’ils sont incités à rédiger à leur tour un texte juridique, démontrent les chercheurs.
Ce « style », ou cette technique d’écriture, a entre autres pour caractéristique d’insérer de longues définitions au milieu des phrases.
Cela ressemble à des poupées russes : une phrase, dans une phrase, dans une phrase.
En somme, plus cette technique nommée center-embeeding est employée, plus le texte est incompréhensible : les chercheurs notent en effet que cette insertion de structures à l’intérieur d’autres structures est « non-typique des langues humaines ».
Je précise ici que l’étude, menée par des chercheurs américains, porte sur des textes anglophones. Je ne sais pas, par conséquent, si on retrouve le même type de structures linguistiques non-naturelles dans les textes juridiques français.
Mais il suffit de lire – c’est-à-dire d’essayer de lire – le Journal Officiel pour se convaincre que, rédigés en anglais ou en français, les textes de loi sont du chinois pour le commun des mortels.
Et là où ça devient intéressant, c’est la raison derrière ce langage alambiqué.
La technique des formules magiques
Les chercheurs ont émis plusieurs hypothèses pour expliquer pourquoi le jargon juridique est, d’une part, si compliqué et, d’autre part, si répandu.
L’une d’elles est « l’hypothèse de la copie et de la révision », qui suggère que les documents juridiques commencent par une prémisse simple, puis que des informations et des définitions supplémentaires sont insérées dans des phrases déjà existantes, créant ainsi des clauses centrales complexes.
Les résultats de l’étude ont toutefois conduit à une autre hypothèse, celle dite de la « formule magique ».
Tout comme les formules magiques sont rédigées avec un style particulier qui les distingue du langage courant, le style alambiqué du langage juridique semble signaler un type particulier d’autorité, affirment les chercheurs.
Dans les formules magiques, en effet, on emploie des mots compliqués, des mots latins, dans un ordre bizarre et souvent avec des rimes.
Ce « style » de la formule magique a pour but d’être incompréhensible pour les non-magiciens ou, pour reprendre un terme venu de chez Harry Potter, pour les moldus.
Je vous invite à lire ou à regarder les aventures du petit sorcier, truffées de formules magiques, pour vous en convaincre.
Et ainsi, à l’image des magiciens qui profèrent des « formules magiques » utilisant des rimes spéciales et des termes archaïques pour signaler leur pouvoir, le langage alambiqué du jargon juridique agit pour transmettre un sentiment d’autorité auprès du « non-initié ».
Le langage de l’autorité
Cette stratégie, bien rodée, a un objectif simple mais redoutablement efficace : maintenir la population dans une forme d’ignorance juridique, rendant ainsi impossible toute véritable opposition citoyenne.
C’est un peu comme si, face à une règle du jeu que vous ignorez, vous vous retrouviez perdant avant même d’avoir commencé à jouer.
De la même manière que certains virus développent des stratégies pour contourner les défenses de votre système immunitaire, les législateurs semblent concevoir des lois de plus en plus complexes pour contourner la compréhension du public.
Le résultat ?
Un fossé qui se creuse toujours plus entre ceux qui écrivent les lois (et les comprennent) et ceux qui les subissent, sans en saisir les subtilités.
Vous vous demandez comment vous pourriez un jour comprendre un texte juridique sans l’aide d’un avocat ? C’est voulu.
Tout comme certains virus parviennent à échapper à notre surveillance immunitaire, les législateurs ont perfectionné l’art de rendre la loi inaccessible au commun des mortels.
Les lois s’appliquent à tous, mais pour les comprendre, il faut en maîtriser le jargon alambiqué.
Il faut être initié. Et c’est la seule chose qu’il vous est permis de comprendre.
Portez-vous bien,
Rodolphe Bacquet
[1] https://www.sciencedaily.com/releases/2024/08/240819172340.htm – Massachusetts Institute of Technology, « Study explains why laws are written in an incomprehensible style », in. Science Daily, 19 août 2024
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Bonjour,
Votre article est intéressant, mais omet une dimension essentielle : le but d’un texte juridique est de ne prêter à aucune équivoque possible. C’est quasiment impossible à réaliser, mais les juristes s’y emploient malgré tout. Même si les hypothèses que vous évoquez sont peut-être pertinentes, ce souci de rendre le langage transparent le rend paradoxalement complètement opaque. Le style d’un langage « normal » est au contraire de laisser les mots libres de jouer entre eux, au risque de laisser le lecteur ou l’auditeur libre d’interpréter ce qu’il lit ou entend. La métaphore est la figure de style qui va le plus loin dans ce sens. Elle ouvre à la dimension de la fiction, dont l’être humain a besoin pour vivre. La langue juridique, a contrario, cherche à détruire la possibilité même de la fiction.
J’ajoute que la différence entre les hypothèses que vous évoquez et ma remarque, est la même que celle qui sépare le « complotisme » d’autres approches : il existe de multiples complots, la politique et l’économie en sont farcies. Mais il n’est pas toujours nécessaire d’évoquer un complot pour expliquer certaines incohérences, certaines fautes éthiques, certaines folies politiques. Il ne faut jamais oublier la dimension de l’inconscient, qui nous meut tous et qui a des conséquences sociales souvent insoupçonnées.
Oui, je suis avec vous. Et j’aime votre lien entre le virus et la loi. C’est une forme de virus en effet.
En Australie et dans les pays anglophone, beaucoup de gens s’intéresse au « common law », avec grand succès d’ailleurs, pour contrer beaucoup des aberrations actuelles. Je me suis toujours demandé s’il y avait un équivalent en France, j’imagine que oui mais je ne sais pas si c’est très connue. Je vous invite à rechercher Cal Washington, qui fait un travail remarquable, et a fait que beaucoup de nos « leaders » ont démissionnés, après recevoir des notices de son équipes.
très intéressant … mais ce flou dans les textes juridique se retrouve aussi dans les discours ^politiques ! lol
Dans l’utilisation de multiples propositions enchâssées, du type « L’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours », un but de l’avocat qui plaide est de faire en sorte que le juge comprenne que l’homme ( proposition principale ) a VU l’ours, et non un ouï-dire.
Pour ceux zé celles qui comprennent l’anglais, je vous invite à écouter cette vidéo de Robert Ménard :
The power of words : you will need some tools
1- A good English dictionary Preferably early 1900 if you can find one.
2- Black’s Law dictionary 3rd or 4th Edition and a newer Edition to compare and see the changes they made to the definition of the words. [they are commercial legal dictionaries]
3- Bouvier’s law dictionary (U.S. common law).
4- Canadian law dictionary. (Duhaime is first choice)
The definitions you find in a legal dictionary (and others) DO NOT GIVE YOU THE MEANING OF THE WORDS !
The meaning of the words is only found when one looks at the assumptions that the definitions must rest upon, and then examines the implications created by those definitions.
Words part 1 https://www.youtube.com/watch?v=zF582gRIDM0 10 min.
Words part 2 http://www.youtube.com/watch?v=t7vxtMJl7H8&NR=1 7 min 37
Other videos of Robert: Ménard https://www.youtube.com/@mrmitee/videos
Bonne écoute.
soleil
Vous avez parfaitement exprimé mon ressentiment envers les systemes qui utilisent une écriture, un langage juridique pour imposer leur loi …Tout comme l occident à imposé ces lois sur les territoires amerindien/ australien /caledonien ..etc …
Nous sommes malheureusement manipulés par ceux là même qui nous gouvernent !
Bonjour et un grand Merci pour vos infos intéressantes.
Depuis 12 ans un remède presque miraculeux est très répandu en Allemagne – et en France pas un mot. Le DMSO. Je l’utilise pour nous et nos animaux avec grand succès pour toutes sortes de problèmes. Le Dr. H. Fischer a écrit un excellent livre (« DMSO Handbuch » en le décrivant scientifiquement mais dans un langage facile à comprendre. Il l’a écrit en Allemand et il a été traduis en Anglais, Espagnol, Portugais, Polonais, et d’autres. Certes, ce produit n’est pas vendu en pharmacie – mais aujourd’hui, grâce à eBay, on peut facilement le commander en Allemagne. DMSO est une molécule très répandu dans la nature, y inclut dans l’homme. Il beaucoup de propriété exceptionnel et augmente la fonction de toutes sortes de cellules et soigne donc beaucoup de problème. C’est la raison pour la quelle Bigpharma ne veut pas que ce soit connue. En France, en médecine, il est utilisé pour conserver les organes lors de leur transplantation. Il n’est pas connu des médecins mais de quelques vétérinaires initiés soignant des chevaux de haut niveau. – Aussi, c’est un produit peu dangereux et donc idéal pour l’automédication. Avec les doses utiles on est loin de la dose léthale.
Pour plus d’info contactez moi (hjschreier@orange.fr) ou le site de l’auteur sur https://medizinzumselbermachen.de (à faire traduire par votre navigateur).
Bonjour Rodolphe, si vous voulez voir une version humoristique de ce que vous avez écrit sur les formules juridiques, je vous conseille ce morceau d’anthologie des inconnus sur Youtube : les langages hermétiques.
Tout y passe, le médecin, le mécanicien, l’avocat, l’architecte, le maçon, la concierge, et le prêtre ! Sans compter bien sûr les 3 femmes antillaises de la Sécurité sociale qui concluent avec beaucoup de brio, tout ce sabir ! Bon amusement.
Quel est ce morceau d’anthologie dont vous parler ? Un lien menant au document serait bien apprécié.
Merci d’avance,
S.
P.S.: Les anglais appellent le langage juridique « Legalese » Ça ressemble à de l’anglais, ou à du français, mais c’est une langue/jargon juridique Voir mon commentaire avec la vidéo de Robert Ménard.
En prenant un avocat pour vous représenter, vous renoncer à vos droits. Les avocats ne peuvent représenter QUE DES PERSONNES. PERSONNES = CORPORATIONS.
Avec le nouveau code civil de 1991 (effectif le 1er janvier 1994) le gouvernement a fait disparaître les hommes et les femmes du Registre de l’état civil (at. 51, comparé à l’art. 54 du Code civil du Bas Canada)
Merci cela confirme qu’il faut pouvoir comprendre une obligation avant d’y obéir.
Et de plus, nul n’est sensé ignorer la loi !!! Bravo .
Merci ! cela au moins c’est clair
Bonjour, tellement vrai ce que vous expliquez , les lois sont difficiles à comprendre, pour cela on ne prend même pas la peine de les lire, au besoin on doit appeler un juriste ou avocat pour nous défendre et même les lois sont détournées ou ignorées par les autorités quand cela leur convient……
Très intéressant. Ça recoupe ce que je pensais par intuition