Le secret du thé Matcha a traversé les siècles

Chers lecteurs,

Avant d’aller au combat, les samouraïs prenaient un breuvage qui leur procurait une énergie durable et améliorait leur vivacité mentale.

Le secret de ce breuvage, dont la préparation et la consommation étaient strictement réservées à l’élite japonaise, avait été consigné en 1214 dans un manuscrit, le Kissa Yōjōki (喫茶養生記), « Guide de santé par la consommation du thé ».

Cet ouvrage visionnaire encourage la consommation du thé pour :

  • ses effets positifs sur la santé : meilleur équilibre de l’humeur, digestion facilitée;
  • l’allongement de l’espérance de vie ;
  • la clarté de l’esprit.

Vous vous en doutez : il ne s’agit pas du thé que l’on trouve aujourd’hui dans n’importe quel supermarché, vendu en sachet ou même en vrac, infusé, et surtout bourré de pesticides.

Le Kissa Yōjōki porte en effet sur un « thé » qui était alors un véritable secret d’état.

Le secret de l’or vert

L’auteur de ce manuscrit est un moine bouddhiste du nom d’Eisai.

Eisai, le père du bouddhisme zen au Japon

Après plusieurs voyages, il a rapporté de Chine une pratique spirituelle entièrement nouvelle… et a fondé le bouddhisme zen au Japon.

Eisai n’a cependant pas rapporté qu’une philosophie de Chine… Il en a rapporté l’or vert.

Au cours d’un de ses voyages, il a remarqué que les moines d’un monastère perdu dans les montagnes étaient capables de rester plus alertes et concentrés pendant leur séance de méditation que tous ceux des autres monastères qu’il avait visités jusqu’ici.

Mieux encore, ces moines atteignaient un âge plus avancé que partout ailleurs, en parfaite santé.

Eisai a percé leur secret.

Un thé à nul autre pareil

Ces moines préparaient une boisson à base d’une essence particulière de thé vert. Ils en broyaient les feuilles à l’aide d’un mortier et d’un pilon. Puis ils mélangeaient la poudre obtenue à de l’eau chaude.

Cela produisait une boisson mousseuse à l’arôme de chlorophylle très développé.

Eisai n’avait jamais rien vu de pareil.

Il n’avait jamais rien goûté de pareil.

Mais, surtout, il fut impressionné par les effets de ce thé sur lui-même.

Il se sentait à la fois plus serein et plus fort. Il fut habité par une énergie diffuse. Il se sentait plus conscient, plus alerte.

Eisai décida de quitter la Chine en emportant des graines de ce thé et surtout le secret de la culture et de la préparation de l’or vert : le thé Matcha.

Il développa les premières plantations de thé Matcha au Japon. Et ce thé intéressa très vite la classe dominante.

C’est ainsi que les samouraïs, les moines bouddhistes zen et la cour impériale en firent leur boisson de prédilection.

Cette importation fut profitable à tous les niveaux :

  • pour Eisai lui-même (il vécut jusqu’à 75 ans, ce qui exceptionnel dans le Japon du XIIè siècle) ;
  • pour l’or vert en tant que tel : la tradition du matcha s’est perdue en Chine (remplacée par le thé infusé), mais s’est perpétuée au Japon
  • et pour la culture japonaise, donc, qui a fait du thé matcha le centre d’une de ses traditions les plus emblématiques (je vous en parlerai un peu plus loin).

Aujourd’hui encore, le Japon cultive, prépare et consomme le thé Matcha de la même façon qu’il y a 900 ans.

La cérémonie du thé

Lors de mon tout premier voyage à Okinawa, l’an dernier, j’ai pu constater à quel point le Matcha est resté au centre d’une tradition japonaise de santé et de bien-être.

Le thé Matcha est en effet la boisson au cœur de la cérémonie du thé au Japon.

Le plaisir esthétique du chanoyu – la cérémonie du thé – fait partie intégrante des arts de vivre cultivés au Japon, au même titre que la calligraphie, l’art floral, la poésie, la cuisine et le jardin zen : une appréciation simple et sensible de la beauté du quotidien.

Au cours du chanoyu, on prépare le Matcha comme on le faisait il y a 900 ans : la poudre de thé est prélevée au moyen d’une délicate cuillère en bois, le chasaku.

Préparation traditionnelle du thé Matcha (XVè siècle)

Puis, l’on mélange la poudre à de l’eau chaude dans un bol à l’aide d’un fouet en bambou, le cha-sen.

Au bout de quelques minutes, une légère mousse apparaît : le Matcha est prêt.

Toute cette opération, au fond très simple, fait partie du plaisir zen que procure le Matcha.

Pas besoin d’avoir appris les codes du chanoyu dans une école spécialisée pour préparer, avec plaisir, un Matcha avec ces instruments en matériaux naturels. J’y reviendrai plus en détail dans un prochain message.

Cependant, en vous contant l’histoire de l’or vert, et la façon dont le Japon a sauvegardé cette boisson miraculeuse et en a fait une tradition nationale, je ne vous ai encore rien dit des découvertes scientifiques qui ont récemment été faites sur le Matcha.

Ces découvertes confirment et expliquent les extraordinaires bienfaits constatés par Eisai… et le lien entre le Matcha et la longévité exceptionnelle des Japonais, et en particulier des habitants d’Okinawa.

Et c’est ce que nous verrons dans un prochain message.

A très vite,

Rodolphe Bacquet