Chers amis, 

Ma femme a trouvé la semaine dernière un numéro « hors-série spécial corps » d’un célèbre magazine féminin.

Je l’ai feuilleté afin de savoir si les publicités de produits cosmétiques prenaient toujours plus de place que les articles… (scoop : c’est le cas)

… mais quand j’ai commencé à lire les quelques articles en question, j’ai ressenti un vrai frisson d’horreur.

Ce numéro est en effet une vaste réclame pour différentes marques de crèmes solaires.

Entendons-nous : le titre de presse dont je vous parle n’a jamais été un magazine axé santé. C’est un magazine de mode et de beauté.

Mais j’affirme que prendre au pied de la lettre les « conseils » de ce numéro sur les crèmes solaires est dangereux pour votre santé.

Crème solaire obligatoire en avion ?!

Je discute plus loin de l’utilité ou non des crèmes solaires.

Pour l’heure, je me permets cette mise en garde : la crème solaire, comme tout produit industriel bardé de composants pro-chimiques, doit être utilisée avec modération.

Une telle retenue, un tel bon sens, sont impossibles si l’on prend pour argent comptant les conseils délirants de ce magazine .

Dans une rubrique intitulée « vrai/faux », une journaliste prétend ainsi offrir une protection intégrale contre les rayons UV :

En réalité, elle répond ainsi à des assertions d’une absurdité étourdissante, telles que : « dans l’avion, je dois aussi appliquer ma crème solaire » ; voyez sa réponse :

Vous avez bien lu : « crème solaire obligatoire » dans l’habitacle d’un avion.

 C’est délirant.

Du reste, que les réponses soient « vrai » ou « faux », elles n’ont qu’un seul but : vous faire acheter le plus de tubes de crèmes solaires possibles, et les vider le plus vite possible.

D’ailleurs la page suivante propose une « sélection » d’une douzaine de crèmes…

A en croire la journaliste, il faudrait donc s’enduire en permanence de crème solaire – et de la toute fraîche : même derrière une vitre, à l’ombre (!!), etc.

Ces assertions sont irresponsables et dangereuses.

Arrêtez de faire la guerre aux UV

Une exposition prolongée au soleil est dangereuse, en tout cas sous nos latitudes en été, et toute l’année sous les tropiques. La cause est entendue : cette exposition est, en premier lieu, un important facteur de risque pour les mélanomes, les cancers de la peau. J’y reviens plus précisément plus loin.

Mais protection ne signifie pas obligatoirement crème solaire.

Un chapeau est, déjà, plus efficace pour protéger la peau de votre visage que vous tartiner de crème solaire.

Il en va de même pour les vêtements à manche longue. Une matière comme le lin permet d’être correctement couvert sans crever de chaud.

Ensuite, vous le savez sans doute, votre exigence en matière de protection est déterminée par votre carnation : les personnes à la peau pâle (souvent rousses ou blondes) sont plus susceptibles d’attraper des coups de soleil que les personnes à la carnation plus foncée.

La dramatisation des risques associés au soleil – coups de soleil, vieillissement cutané et risque de développer un cancer de la peau – a fait perdre le sens commun aux autorités de santé et, surtout, engendré une manne financière pour les fabricants de crèmes solaires.

Ces intérêts industriels, soutenus par des discours sanitaires obsolètes, entretiennent l’idée que les rayons solaires sont des ennemis mortels dont il faut à tout prix se protéger.

Rien n’est plus faux, ni surtout plus dangereux.

Le gros problème de la crème solaire du point de vue santé, c’est qu’elle bloque tous les UV.

Or vous n’êtes ni une taupe ni un verre de terre : vous avez besoin du soleil pour être en bonne santé, ne serait-ce que pour synthétiser la vitamine D.

Écran total, guerre totale

Ces dernières années, de nombreuses études ont alerté sur les graves conséquences santé associées à cette guerre totale menée contre les rayons solaires.

Car il y a, dans le soleil, d’autres amis médecins : les rayons ultra-violets, indispensables pour nous protéger de maladies cardiovasculaires et auto-immunes, et de cancers.

Vous le savez, l’hypertension artérielle est un facteur de risque important de maladies cardiovasculaires – crise cardiaque, AVC, etc. – dont la fréquence augmente pendant les mois d’hiver… et dans les pays les moins ensoleillés.

Or, lorsque l’on soumet la peau de volontaires à un rayonnement UVA, la quantité d’oxyde nitrique dans leur sang grimpe en flèche[1].

Les rayons UVA permettent en effet la transformation des nitrites qui sont stockés dans le sang en oxyde nitrique, ce qui provoque un relâchement de la paroi des vaisseaux sanguins.

Effet immédiat de cette vasodilatation : la baisse de la pression artérielle.

La découverte de ce mécanisme simple, dépendant des rayons UVA du soleil, contribue à expliquer la faible mortalité par maladie cardiovasculaire observée au Portugal, en Espagne, en Italie, en Grèce et dans le sud de la France par rapport aux autres pays d’Europe.

La bonne santé cardiaque des habitants de ces régions méditerranéennes ne s’expliquerait donc pas seulement par leur régime alimentaire traditionnel (la fameuse « diète méditerranéenne ») mais aussi par leurs niveaux d’ensoleillement plus élevés[2] !

L’oxyde nitrique intervient en outre :

  • dans l’immunité, où il facilite la guérison des plaies et joue un rôle antimicrobien et antitumoral ;
  • dans la transmission des messages au niveau du cerveau ;
  • dans la diminution de l’intolérance au glucose et la résistance à l’insuline – réduisant ainsi probablement le risque de diabète de type 2.

Le risque de sclérose en plaques et d’autres maladies auto-immunes FOND au soleil

Les vrais jumeaux constituent des volontaires de choix pour les études santé : ils partagent le même patrimoine génétique et donc a priori les mêmes risques santé… qu’ils vont exprimer différemment en fonction de leur environnement et de leurs habitudes.

Ainsi, des chercheurs ont étudié les habitudes durant leur enfance de vrais jumeaux, s’intéressant en particulier à leurs activités de plein air.

Les chercheurs ont constaté que les jumeaux ayant passé plus de temps dehors ont développé moins de maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques[3].

Une bonne dose de soleil reçue pendant les premières années de vie permettait de réduire le risque de développer cette maladie de 25 à 57 % !

Des résultats similaires[4] ont été observés pour les autres maladies auto-immunes comme :

  • la polyarthrite ;
  • le psoriasis ;
  • le diabète de type 1 ;
  • le syndrome de Gougerot, etc.

Si la maladie est installée, l’exposition au soleil est également recommandée car les rayons solaires calment les réactions auto-immunes, ralentissent l’évolution et diminuent le besoin en médicaments.

Trop de crème solaire = cancer

C’est ce qui étonne souvent le plus souvent les gens auxquels j’en parle : oui, l’exposition à la lumière naturelle, contribue à réduire le risque de cancer.

« Ah bon ?! Mais, et le cancer de la peau ?? »

Eh bien, je vous le dis, attention aux messages commerciaux des vendeurs de crème solaire :

  • ils laissent entendre que s’exposer au soleil est dangereux – ce qui est faux ;
  • et que s’exposer au soleil en se tartinant de crème solaire toutes les deux heures n’est pas dangereux… ce qui est tout aussi faux !

Je m’explique.

Oui, le rayonnement ultraviolet est capable d’entraîner des mutations au niveau de l’ADN des êtres vivants et cette caractéristique, chez l’être humain, peut favoriser le développement de cancers de la peau.

C’est pourquoi les autorités mettent en garde contre une exposition excessive et que les fabricants de crème solaire en remettent une couche – sans jeu de mots.

Mais nos ancêtres ont vécu des centaines de milliers d’années sans crème solaire, et… ils faisaient beaucoup moins de cancers de la peau que nos contemporains.

Il y a deux raisons très simples à cela.

La première raison, c’est que notre organisme a prévu une arme pour nous protéger notre ADN des rayons UV : c’est la mélanine, ce pigment qui peut nous donner une belle peau bronzée.

Et la seule façon de produire de la mélanine… c’est de s’exposer au soleil !

Nous avons une seconde arme, les caroténoïdes, que seule l’alimentation peut nous apporter – par la consommation de fruits et légumes, poussant principalement en été.

Si vous bronzez facilement, vous produisez rapidement de la mélanine ; si en revanche, vous développez vite des coups de soleil, vous en produisez peu… ce qui devrait d’autant plus vous inciter à compenser par de bons apports en caroténoïdes !

La seconde raison, c’est que les crèmes solaires bloquent la synthèse de la mélanine, mais aussi de la vitamine D, qui toutes deux protègent du cancer de la peau.

En outre ces mêmes crèmes solaires incitent à rester exposé plus longtemps : on est ainsi exposé au soleil jusqu’à ce que « ça chauffe » ; les crèmes retardent les coups de soleil, et ceux qui les utilisent ressentent moins la nécessité de se mettre à l’ombre…

Ainsi, des études ont montré que les utilisateurs de crème solaire passent beaucoup plus de temps exposés au soleil que les non-utilisateurs, ce qui augmente leur risque de cancer de la peau[5] ! Un comble !

S’exposer naturellement au soleil, sans crème, mais aussi naturellement sans brûler, permet donc de réduire le risque de cancer de la peau… Ainsi que d’autres types de cancer !

Des études épidémiologiques ont montré que les personnes qui s’exposent régulièrement au soleil sans crème, ont une moindre fréquence de cancers colorectal, du sein, de la prostate et du lymphome non hodgkinien[6].

Conclusion : pour ce qui est de la mode et de la beauté, continuez à lire ce type de magazine si ça vous chante… mais pour votre santé, changez de lecture !

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] Liu D et al., « UVA Irradiation of Human Skin Vasodilates Arterial Vasculature and Lowers Blood Pressure Independently of Nitric Oxide Synthase », in. J Invest Dermatol. Juillet 2014 ; 134 (7) : 1839-46. doi : 10.1038/jid.2014.27. Epub 2014 Jan 20.

[2] Wong A., « Incident Solar Radiation and Coronary Heart Disease Mortality Rates in Europe », in. Eur J Epidemiol, 2008 ; 23 (9) : 609-14. doi : 10.1007/s10654-008-9274-y. Epub 2008 Aug 14.

[3] Islam T. et al., « Childhood Sun Exposure Influences Risk of multiple Sclerosis in Monozygotic Twins », in. Neurology, 24 juillet 2007 Jul 24 ; 69 (4) : 381 – 88.

[4] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15971932/ – A.-L. Ponsonby, R.-M. Lucas, I. A F van der Mei, « UVR, vitamin D and three autoimmune diseases : multiple sclerosis, type 1 diabetes, rheumatoid arthrisis », in. Photomchem Photobiol, novembre-décembre 2005, 81(6)

[5] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2363574/ – P. Autier, J.-F. Doré, A. C. Reis et al., « Sunscreen use and intentional exposure to ultraviolet A and B radiation : a double blind randomized trial using personal dosimeters », in. Br J Cancer, novembre 2000, 83(9)

[6] Van der Rhee H. et al., « Is Prevention of Cancer by Sun Exposure More Than Just the Effect of Vitamin D ? A Systematic Review of Epidemiological Studies », in. Eur J Cancer, avril 2013 ; 49 (6) : 1422-36. doi : 10.1016/j.ejca.2012.11.001. Epub 2012 Dec 10.