Chers amis,

Mieux vaut ne pas traîner trop tard dans les rues la nuit : le risque de croiser de dangereux déséquilibrés, violeurs et tueurs est notoirement plus élevé passé minuit.

C’est en effet toujours à la nuit tombée que Jack l’Éventreur, Mister Hyde ou le lycanthrope – plus connu sous le nom de loup-garou – sévissent dans les rues de Londres.

Ces mythes horrifiques reposent sur une réalité : le loup-garou, Docteur Jekyll et Mister Hyde sont une métaphore de la part sombre, maléfique et bestiale de l’homme susceptible de ressurgir la nuit venue.

Quant au sinistre Jack l’Éventreur, il a bel et bien existé et la sauvagerie de ses crimes se retrouve chez ses multiples parangons qui, presque systématiquement, laissent libre cours à leurs instincts pervers et meurtriers au cœur de la nuit.

Tout cela peut-être ne se produirait pas… s’ils se couchaient plus tôt !

« Se coucher tard nuit ! »

Vous connaissez probablement cet excellent mot du regretté Raymond Devos : « Se coucher tard nuit ! »[1]

Eh bien, en-dehors de toute considération sur votre chronotype (je vais y revenir dans un instant), il semble bien en effet que vous coucher après minuit soit nuisible.

Il est fascinant de constater à quel point notre comportement quotidien peut influencer notre santé mentale, particulièrement en ce qui concerne le moment où nous choisissons de dormir.

Une étude récente menée par l’Université de Stanford a exploré ce phénomène en analysant les habitudes de sommeil de 73 888 adultes (moyenne d’âge : 63,5 ans).

Les résultats montrent que le fait de se coucher avant ou après 1 heure du matin, quelle que soit votre préférence naturelle pour le sommeil, peut considérablement influencer votre bien-être mental[2].

Peu importe votre chronotype, il vaut mieux vous coucher avant minuit !

Je vous ai déjà parlé du chronotype[3] : il s’agit de votre horloge circadienne interne, qui va déterminer en gros si vous êtes plutôt « du matin » ou « du soir », autrement dit si vous aurez biologiquement tendance à vous coucher et à vous réveiller plus au moins tôt ou tard.

Les chercheurs ont découvert que le fait de dormir tôt semble offrir des avantages en termes de santé mentale indépendamment de ces tendances naturelles.

Autrement dit : les personnes se couchant avant minuit jouissaient selon cette tude d’une meilleure santé mentale tandis les personnes allant au lit plus tard montraient une augmentation des risques de troubles mentaux tels que la dépression et l’anxiété.

Vu l’importance de la cohorte, cette étude bouscule pas mal des certitudes que nous avions jusqu’ici au sujet du sommeil : l’opinion scientifique courante consistait jusqu’à présent à considérer que, tant que vous respectiez votre chronotype naturel, votre qualité de sommeil, et donc de vie, étaient meilleures.

Cette nouvelle étude tend à démontrer, au contraire, que quel que soit votre chronotype, il est préférable d’éteindre la lumière avant minuit.

Troubles du comportement

Ce qu’il y a d’intéressant avec cette étude, c’est que quelles que soient les variables que l’on fait intervenir – en l’occurrence la durée et la qualité de sommeil – se coucher après minuit provoque 20 à 40 % de risque en plus d’être atteint d’un trouble mental.

Même si vous dormez bien et jouissez d’un sommeil réparateur en vous couchant systématiquement tard, vous êtes bien plus à risque de souffrir d’anxiété, de dépression… et de développer des troubles du comportement.

Cette étude fait en effet écho à une précédente, publiée il y a deux ans, intitulée « L’esprit après minuit : éveil nocturne, dérégulation comportementale et psychopathologie[4] », qui explorait les effets de la veille nocturne sur nos comportements et notre santé mentale.

Les auteurs de l’étude proposent l’hypothèse du Mind after Midnight (« esprit après minuit »), selon laquelle l’éveil nocturne est associé à des biais attentionnels, à une régulation affective négative, à une altération du traitement des récompenses et à une désinhibition préfrontale, conduisant à une dysrégulation comportementale et à des troubles psychiatriques…

Exactement comme pour nos « amis » Jack l’Éventreur, Mister Hyde et le Loup-Garou.

Votre cerveau ne fonctionne plus pareil après minuit (et vos comportements sont plus risqués)

Suicide et automutilation

L’étude révèle que le risque de suicide est trois fois plus élevé entre minuit et 6 heures du matin par rapport aux autres moments de la journée. Cela s’expliquerait par une combinaison de veille nocturne, de diminution des capacités cognitives et de régulation de l’humeur durant la nuit.

Comportements violents

Les crimes violents, y compris les homicides, augmentent de manière significative pendant la nuit. La prévalence des comportements violents est plus élevée de 55 % entre 19 heures et 7 heures du matin, même si la majorité de la population dort à ces heures-là.

Consommation de substances addictives

L’utilisation inappropriée de substances addictives telles que l’alcool et les drogues augmente également pendant la nuit. Par exemple, la consommation d’alcool atteint son pic à 22 heures, et le risque de surdose d’opioïdes est 4,7 fois plus élevé la nuit.

Régulation de l’humeur et du traitement des récompenses

L’éveil nocturne affecte notre capacité à réguler nos émotions et à traiter les récompenses, conduisant à une prise de décision impulsive et à des comportements à risque. Ces altérations peuvent exacerber les troubles existants ou en déclencher de nouveaux.

A ma connaissance, il n’existe pas d’étude montrant si, oui ou non, en « forçant » à se coucher plus tôt des personnes ayant un chronotype tardif, ces dernières jouissent d’un meilleur bien-être et souffrent moins de troubles comportementaux.

Dans le doute, le fait de vous coucher avant minuit devrait vous garantir de ne pas vous transformer en loup-garou, ni surtout d’en rencontrer un !

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] https://www.youtube.com/watch?v=a4YuGmO53pI – Philippe Devienne, « Se coucher tard », YouTube, 14 mars 2018

[2] https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165178124002415 – Renske Lok, Lara Weed, Joseph Winer & Jamie M. Zeitzer, « Perils of the nighttime : Impact of behavorial timing and preference on mental health in 73,888 community-dwelling adults », in. Psychiatry Research, vol. 337, juillet 2024

[3] Rodolphe Bacquet, « Êtes-vous plutôt poule ou hibou? », in. Alternatif Bien-être, 14 janvier 2024

[4] https://www.frontiersin.org/journals/network-physiology/articles/10.3389/fnetp.2021.830338/full – Andrew S. Tubbs, Fabian-Xosé Fernandez, Michael A. Grandner, Michael L. Perlis, Elizabeth B. Klerman, « The Mind after Midnight : Nocturnal Wakefulness, Behavorial Dysregulation and Psychopathology », in. Frontiers, 3 mars 2022