Une (très) mauvaise raison de paniquer et angoisser, selon moi

Chers amis,

Rappelez-vous, c’était il y a moins de dix ans : le 21 décembre 2012 devait avoir lieu… la fin du monde.

Cette date, qui constituait la fin d’un cycle de plus de 5125 ans dans le calendrier maya, avait été interprétée par certains comme celle de la fin des temps.

Déluge de feu provoqué par un astéroïde, la Terre avalée par un trou noir ou inversion des pôles magnétiques : on ne savait pas comment ça devait finir, mais l’apocalypse était programmée.

On a même vu alors en France, certains se réfugier au sommet du pic de Bugarach, qui devait échapper au cataclysme exterminateur.

La fin du monde n’a pas eu lieu, mais rassurez-vous, elle n’est que reportée.

Ce qui est une bonne raison pour cesser d’avoir peur.

La fin du monde, c’est toujours d’actualité

Il y a toujours quelqu’un, dans les médias ou même dans notre cercle d’amis ou de famille, pour jouer les oiseaux de mauvais augure.

Version réveillon ou anniversaire du petit neveu, c’est le grand-oncle qui, d’un air pénétré et convaincu, lâche tout à trac : « de toute façon, on a épuisé les ressources, le système est pourri, tout fout l’camp, ça va se péter la g… »

Version prophétie solennelle et sensationnelle : « C’est le châtiment !… Faites pénitence !… La fin des temps est venue… Tout le monde va périr !… Et les survivants mourront de faim et de froid !… Et ils auront la peste, la rougeole et le choléra !… »

Ces derniers mots sont ceux de Philippulus, le scientifique improvisé prophète qui annonce le pire aux braves gens dans la rue en tapant dans une timbale au début de L’Étoile mystérieuse.

Mais pas plus dans cette aventure de Tintin que dans la réalité, les prophètes de l’apocalypse n’alertent à bon escient la population : la fin du monde n’a jamais lieu. Ça rate toujours ! Peste ! 

Il y a pourtant eu de nombreuses échéances par le passé. Il y a eu la grande peur de l’an mil, celle du bug de l’an 2000, et maintenant… celle du Covid.

Les nouveaux prophètes de la fin du monde sont des scientifiques 

A l’image de Philippulus dans Tintin, les prophètes catastrophistes d’aujourd’hui sont des scientifiques.

Il y a mille ans, c’étaient les représentants de la religion qui avaient l’autorité et le prestige pour nous faire peur. A présent, ce sont les « experts » et les « spécialistes » de tel ou tel domaine.

Finies, donc, les prophéties religieuses – il ne s’est rien passé ni en 1000, ni en 1666, ni en 1999, années « diaboliques » – finies les lectures New Age de traditions ésotériques – 2012 est loin – les prédicteurs du pire portent aujourd’hui une blouse blanche et ont un doctorat au titre ronflant.

A tel point qu’ils portent un nom à faire frémir – ou rire : les collapsologues, de l’anglais « collapse », qui signifie « effondrement ». 

La « collapsologie », c’est donc littéralement la « science de l’effondrement ».

Ces experts alertent sur l’effondrement imminent de notre société telle que nous la connaissons, provoquée par la convergence de ces phénomènes :

  • Surpopulation et croissance démographique non-maîtrisée ;
  • Épuisement des ressources naturelles de la planète ;
  • Réchauffement climatique (et crainte des « réfugiés climatiques ») ;
  • Extinction de plusieurs espèces animales ;
  • Et évidemment… les épidémies. Je vais y revenir.

Ces dernières années, plusieurs livres d’experts autoproclamés en collapsologie sont parus pour « alerter » leurs braves concitoyens des raisons prochaines de l’effondrement de notre société : Comment tout peut s’effondrer, de Pablo Servigne[1] et Raphaël Stevens, Devant l’effondrement, d’Yves Cochet[2], À l’aube de la 6è extinction de Bruno David[3].

Pourquoi la théorie de l’effondrement est séduisante

Pris à part, tous les éléments que j’ai mentionnés plus haut donnent effectivement lieu de s’inquiéter.

Oui, la Terre se réchauffe.

Oui, la population humaine, croît, encore et toujours.

Oui, les ressources de la planète ont une limite.

Oui, l’homme est responsable d’« écocides » nombreux.

En 2020, une étude commandée par la fondation Jean Jaurès révélait que 65 % des Français croient que « la civilisation telle que nous la connaissons actuellement va s’effondrer dans les années à venir »[4]. 

La même fondation fait un constat logique mais passionnant. Selon leur âge, leur situation sociale et leur « sensibilité » politique, les personnes croyant à l’effondrement pensent qu’il sera provoqué par des raisons différentes :

  • Les gens jeunes et de tendance gauche-écolo pensent que l’effondrement sera dû aux conséquences du réchauffement climatique et de la surconsommation des ressources ;
  • Les gens plus âgés et de tendance de droite misent davantage sur des vagues migratoires incontrôlées, une guerre (civile ou mondiale) et une décadence progressive mais inéluctable.

Autrement dit… chacun voit dans l’effondrement à venir la « validation » de ses propres angoisses, préoccupations et peurs.

La collapsologie est-elle une science ?

En réalité, la théorie selon laquelle tous ces sujets inquiétants, pris ensemble, mèneraient à l’effondrement de notre société est, au mieux, une lecture erronée des faits, au pire… une pseudo-science.

Pourtant, la « collapsologie » est née sous des cieux apparemment très sérieux !

En 1972, le Club de Rome, un groupement de scientifiques et d’économistes annonçait l’épuisement des ressources énergétiques, en minerais et en terre arable pour les années 1990.

Scoop : cet épuisement n’a pas eu lieu. « Ce n’est que partie remise » clament aujourd’hui les membres de ce même Club, qui désormais tablent sur… 2030[5].

L’épuisement des réserves de pétrole, de minerais, de gaz et de terres arables paraît pourtant logique.

La vérité est que les « experts » sont eux-mêmes très partagés sur, notamment, l’épuisement des terres rares et arables. Même le « pic pétrolier », c’est-à-dire le moment où nous atteindrons les réserves pétrolifères de la planète, est sans cesse différé.

Bonne ou mauvaise nouvelle, là n’est pas la question.

Ce que nous devons retenir, c’est que dans le domaine socio-économique comme dans le domaine religieux, les prédictions sont toujours risquées. Le report, quart de siècle après quart de siècle, de ce fameux « effondrement » ne fait pas exception à la règle.

« Plus ça rate, plus ça a de chances de fonctionner », auraient dit les Shadoks.

La collapsologie repose sur une figure tutélaire, que personnellement j’estime beaucoup… mais qui a donné lieu à beaucoup d’interprétations à mon sens erronées. 

L’île de Pâques, la Terre et le « boom » des théories de l’effondrement

En 2006, le scientifique américain Jared Diamond a publié un livre qui a eu un retentissement considérable, intitulé Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie[6].

J’ai trouvé cette lecture passionnante, moins toutefois que son précédent livre De l’inégalité parmi les sociétés, qui « refaisait » de manière lumineuse l’histoire de l’Humanité à l’aune des avancées technologiques, des ressources naturelles et… des maladies.

Effondrement (Collapse en anglais) raconte comment plusieurs sociétés à travers l’histoire et le monde ont géré l’épuisement de leurs ressources naturelles.

L’exemple le plus célèbre est celui de l’île de Pâques : Jared Diamond explique que la société traditionnelle de cette île perdue au milieu du Pacifique se serait effondrée suite à l’exploitation abusive des arbres.

Il y a deux « problèmes » avec cet ouvrage : un problème propre au livre lui-même, et un autre relatif aux interprétations qui en ont été faites.

Le premier problème est que l’ouvrage de Jared Diamond, notamment pour la partie sur l’île de Pâques, repose sur des hypothèses, et non des faits historiques – pour la simple et bonne raison qu’aucun témoignage direct des insulaires de l’époque ne nous est parvenu !

Cette lecture de l’histoire est même vivement critiquée par d’autres scientifiques, dont l’anthropologue Benny Peiser, qui reproche à Diamond de manipuler les données pour « soutenir sa théorie néocatastrophiste »[7].

Ensuite, contrairement à ce que l’on pourrait croire avant de lire le livre, celui-ci ne décrit pas que des effondrements ! Jared Diamond décrit en détail comment certaines civilisations ont réagi à temps aux menaces qu’elles faisaient peser sur leurs ressources naturelles et ont « corrigé le tir ».

C’est le cas notamment du Japon, lui aussi menacé par la déforestation, avant que l’État ne contrôle rigoureusement l’exploitation des arbres de l’archipel.

Mais surtout : la Terre n’est pas l’île de Pâques ! La majeure partie des « effondrements » de civilisation décrits par Diamond ont eu lieu soit sur des îles, soit dans des parties du monde très isolées.

Même si la Terre est ronde, elle n’est pas une île. Nous vivons dans l’inverse d’une île en réalité : dans un monde hyperconnecté, où les carences d’un pays peuvent être compensées par les richesses d’un autre.

Où, même si les ressources disponibles ne sont pas partout rationnellement gérées, les innovations et les progrès des uns « rattrapent » les faiblesses et les bêtises des autres.

Et où, ensemble, les peuples ont les reins plus solides. La meilleure preuve, c’est… le Covid.

Covid : encore une catastrophe qui fait pschitt

Lors du début de la crise du Covid, beaucoup y ont vu l’un des signes annonciateurs de ce fameux effondrement. 

C’était la grande pandémie redoutée : la grippe espagnole en pire, voire le retour de la grande peste noire ! 

Le Covid a eu lui aussi ses prophètes : les statisticiens et autres membres de « conseils scientifiques », dont les projections promettaient hécatombe sur hécatombe.

En France, le bilan officiel fait aujourd’hui état de 100 000 morts… Un chiffre qui peut impressionner, mais qu’il est capital de relativiser.

Je ne m’attarderai pas sur les décès abusivement étiquetés Covid, en réalité attribuables aux comorbidités de patients ayant contracté le virus. Il est très difficile d’avoir des chiffres transparents sur ce sujet. 

En revanche, vous remarquerez une chose : c’est que l’on compte les décès liés aux épidémies de grippe par année

Nos « 100 000 morts du Covid » sont, eux, cumulés depuis plus d’un an. Imagine-t-on les morts de la grippe, additionnés année après année ? On atteindrait des chiffres stratosphériques. On ne s’embarrasse pas de telles nuances quand il s’agit du Covid. 

Or, nous connaissons maintenant, grâce à une étude parue dans l’European Journal Clinical Investigation le mois dernier la létalité réelle du Covid : c’est-à-dire le ratio nombre de personnes infectées/nombre de personnes décédées.

Ce ratio est de 0,15%. C’est un chiffre comparable à… la grippe saisonnière[8].

Autrement dit, la catastrophe annoncée ne s’est pas produite. A tous les niveaux.

On nous avait prédit une catastrophe démographique. Elle ne s’est pas produite. On vient de le voir, l’impact sur la mortalité est en réalité dans les « clous » des épidémies saisonnières.

On nous avait prédit un effondrement du système hospitalier. Il ne s’est pas produit. Les services de réanimation ont subi une forte pression, les soignants ont payé un lourd tribut en termes de stress et de dévouement… mais le système hospitalier tient bon.

On nous avait prédit une crise économique pire encore que celle de 2008. Elle ne s’est pas produite. La récession a eu lieu, elle était inévitable, mais elle a été beaucoup moins forte que redouté.

Le Covid est un enseignement : nos sociétés sont beaucoup plus résistantes que nous le croyons. Elles sont bien plus capables d’« encaisser » que les esprits chagrins ou manipulateurs veulent nous le laisser croire.

Nous devons retenir cette leçon : les « prophètes » du Covid ont joué, et continuent à jouer, sur la peur… Comme tous les catastrophistes.

Il n’y a pas d’effondrement, il n’y a que des changements 

La plupart des civilisations, et des sociétés, ne s’effondrent pas : elles traversent des crises et mutent.

Les pyramides d’Égypte, les temples d’Angkor ou le Colisée à Rome ne sont pas les ruines de civilisations qui se sont effondrées : elles sont les restes d’un moment culturel du pays qui les a vues naître !

Les civilisations, contrairement à une croyance répandue, ne meurent pas, donc : elles mutent, se marient, se séparent et se dissolvent dans différentes représentations – état, religion, communauté. 

Bref, la « catastrophe finale » qui verrait notre civilisation s’effondrer est un fantasme. Un miroir aux alouettes qui se nourrit de peurs intimes pour engendrer des peurs collectives. 

C’est une peur humaine, ancestrale. Mais, j’en suis convaincu, c’est une peur stérile, et pire encore : dangereuse.

On peut y voir, pour la France en tout cas, l’expression d’un pessimisme et d’un déclinisme chers à notre pays.

Mais si ça n’était que ça !

Effondrement contre intelligence collective 

La théorie de l’effondrement et ses avatars, comme le survivalisme, ne cultivent qu’une seule chose : le quant à soi.

La peur et l’attente du pire nous entraînent dans un engrenage de méfiance, de défiance envers l’autre, d’égoïsme.

C’est une vision du monde apeurée, où le pessimisme et le « chacun pour soi » prennent le pas sur les bonnes raisons de garder espoir et la solidarité – le « tous pour un, un pour tous ».

Alors, certes, il y a un côté amusant : un aspect « MacGyver », débrouillard, prêt à faire face à toutes les situations.

Mais cette « débrouille » possède un côté obscur et contradictoire car celles et ceux qui se préparent à un effondrement collectif, provoqué par l’épuisement des ressources, prétendent y répondre par… le fait de les épuiser plus encore.

Ils font des stocks de tout et de n’importe quoi (on l’a vu encore lors du premier confinement l’an dernier), et en premier lieu de nourriture, rendant précisément cette production de nourriture stérile ! C’est absurde de bout en bout.

Pourtant… il serait tout aussi absurde de ne rien faire du tout.

Notre planète n’est pas en très grande forme, ce n’est un mystère pour personne. Nous exploitons de manière outrancière ses ressources, c’est acquis. Notre système de santé est malade, en misant tout sur les solutions chimiques et en ignorant les naturelles.

Mais, plutôt que d’y réagir façon « après moi le déluge », je préfère suivre l’exemple de belles âmes, qui prônent des solutions de santé et de vie alternatives, tournées vers le bon sens, la responsabilité et le partage. 

C’est une réaction « positive », cultivant non pas la peur de la catastrophe ou celle de l’autre, mais la recherche de modèles de vie sains et durables.

C’est le cas, par exemple, de mon amie Mathilde Combes, qui plutôt que de nous faire peur sur l’effondrement des qualités nutritives des aliments… nous indique comment retrouver, près de chez nous, plantes et herbes à cueillir, pour se nourrir et se soigner.

Ce n’est pas une démarche qui résoudra tout. Mais c’est une démarche simple et innovante, inscrite dans le temps long ; et pas des solutions-gadget à court terme, compliquées, pour faire face à un « effondrement »… qui à mon avis ne se produira pas.

Si vous ne connaissez pas son projet, vous pouvez le découvrir ici.

C’est, j’en suis certain, en nourrissant ces partages, et non nos peurs, que nous vivrons mieux, et repousserons ce spectre de l’effondrement.

Portez-vous bien,

Rodolphe

P.-S. : j’ai créé une chaîne Youtube, sur laquelle je vais prochainement diffuser des vidéos d’information sur :

  • le thé et le café
  • les vertus thérapeutiques du rire
  • certains composés du fromage

Pour ne pas manquer ces contenus, je vous invite à vous abonner à cette chaîne. C’est évidemment gratuit.


[1] Servigne, P. & Stevens, R. (2015). Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes. Éditions Seuil. EAN : 9782021223316

[2] Cochet, Y. (2019). Devant l’effondrement. Essai de collapsologie. Édition Les liens qui libèrent. EAN : 9791020909077.

[3] David, B. (2021). À l’aube de la 6ème extinction. Édition Grasset. EAN : 9782246820123.

[4] Cassely, J.-L., & Fourquet, J. (2020). La France : Patrie de la collapsologie ? Fondation Jean Jaurès. https://jean-jaures.org/nos-productions/la-france-patrie-de-la-collapsologie

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_de_Rome

[6] Diamond, J. (2006). Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie. Éditions Gallimard. ISBN : 9782070776726.

[7] Dortier, J.-F. (2006). Île de Pâques : la catastrophe a-t-elle vraiment eu lieu ? Sciences Humaines. https://www.scienceshumaines.com/le-de-paques-la-catastrophe-a-t-elle-vraiment-eu-lieu_fr_14450.html

[8] Ioannidis, J. (2021). Reconciling estimates of global spread and infection fatality rates of COVID-19 : An overview of systematic evaluations. European Journal of Clinical Investigation 51(5) : e13554. https://doi.org/10.1111/eci.13554