Chers amis,

Parmi les nombreuses études sur la santé que je lis, rares sont celles qui me laissent perplexe, intrigué, ou même un peu gêné. Mais récemment, une étude parue dans Nature m’a fait réfléchir.

Vous savez que fumer est une habitude destructrice, le tabac étant responsable de nombreux cancers, de maladies cardiovasculaires, et de bien d’autres maux.

Pourtant, la recherche scientifique nous confronte parfois à des paradoxes déconcertants : fumer pourrait avoir un effet protecteur contre la maladie de Parkinson.

Oui, vous avez bien lu. Les fumeurs présenteraient un risque réduit de développer cette maladie neurodégénérative, qui touche près de 200 000 personnes en France.

Rien n’est simple avec le tabac.

Cette plante, considérée comme une plante médicinale et même une « plante enseignante » par les sociétés traditionnelles amérindiennes[1], a été victime de son exploitation industrielle par les fabricants de cigarette au XXème siècle.

C’est ainsi qu’une plante complexe, aux vertus éprouvées par des millénaires de pratiques médicinales outre-Atlantique, est devenue malgré elle synonyme de mort.

Toutefois, les propriétés bienfaisantes du tabac, et notamment de la nicotine, sont bien documentées.

C’est ainsi qu’il y a quatre ans, en pleine première vague du Covid, on s’était rendu compte que les fumeurs réguliers (au moins une cigarette par jour) étaient significativement moins susceptibles de développer un Covid symptomatique ou grave[2].

De même, il est démontré, depuis plus de vingt ans, que le tabagisme est un facteur de protection contre les maladies neurologiques : les fumeurs ont moitié moins de risque de développer la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer que les non-fumeurs[3].

Dans la mesure où le tabac est un stimulant neurologique naturel, il n’y a là rien de très étonnant.

Ce qui est plus étonnant, c’est que l’aspect neuroprotecteur du tabac était, jusqu’ici, attribué à la nicotine.

Or, l’étude qui vient d’être publiée démontre que c’est un autre phénomène qui est en jeu.

Ce qu’ont découvert les auteurs de l’étude publiée il y a quelques jours dans Nature, c’est que c’est le monoxyde de carbone qui « protègerait » les neurones[4].

Et cela est, en somme, encore plus dérangeant.

Car le monoxyde de carbone (CO), le plus simple des oxydes de carbone, est un gaz toxique et mortel !

Il est généré par la combustion de la cigarette ou du cigare. Mais aussi par celle du bois, du pétrole, du charbon, etc.

Comment un gaz toxique pourrait-il réduire le risque développer les pires maladies neurodégénératives ??

Eh bien la réponse tient à la dose.

Les chercheurs démontrent en effet, je cite, que le monoxyde de carbone « à faible dose atténue la neurodégénérescence et réduit la pathologie αSyn ».

« αSyn » ? Quézaco ?

L’alpha-synucléine (ou α-synucléine) est une protéine qui joue un rôle crucial dans le fonctionnement des neurones, en particulier dans les régions du cerveau associées à la régulation des mouvements et des comportements cognitifs.

Elle est principalement présente dans les synapses, les structures qui permettent la communication entre les neurones.

Dans le cas de la maladie de Parkinson, l’alpha-synucléine peut s’agréger et former des amas toxiques à l’intérieur des cellules nerveuses, appelés corps de Lewy.

Ces agrégats interfèrent avec les fonctions normales des cellules et contribuent à leur dégénérescence et à leur mort, entraînant les symptômes caractéristiques de la maladie de Parkinson : tremblements, rigidité, troubles de la coordination.

Ce qu’ont observé les chercheurs, c’est que le monoxyde de carbone, davantage présent dans le liquide céphalorachidien des fumeurs, améliore la dégradation de cette protéine, empêchant son accumulation.

Tout comme je vous avais écrit il y a quatre ans de ne pas vous mettre à fumer dans l’espoir d’éviter le Covid, je vous déconseille aujourd’hui d’en griller une pour espérer échapper à Parkinson (ou Alzheimer) !

La raison est simple : c’est que si le tabac est un neuroprotecteur avéré, c’est aussi – entre autres – un facteur de risque essentiel d’AVC !

En outre, il n’y a aujourd’hui dans les cigarettes pas que de la nicotine, et sa fumée ne génère pas que du monoxyde de carbone.

Les cigarettes industrielles sont un tel pot-pourri de substances chimiques qu’il serait illusoire d’espérer, en fumant, ne bénéficier « que » du monoxyde de carbone.

En revanche cette découverte nous ramène à cette leçon décidément indémodable de Paracelse, à savoir que tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison.

Le monoxyde de carbone du tabac, à petite dose, ne serait non seulement pas un poison, mais bel et bien un neuroprotecteur.

Je ne doute pas que la recherche médicale et l’industrie pharmaceutique vont de ce pas plancher sur un médicament permettant d’exploiter de faibles doses de monoxyde de carbone pour ralentir l’apparition et la progression des symptômes chez les malades atteints de Parkinson.

Mais se dire que le tabac pourrait contribuer à combattre la maladie est singulièrement ironique !

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] Jeremy Narby Rafael Chanchari Pizuri, Plantes enseignantes : le tabac et l’ayahuasca, Mama éditions, 2021

[2] https://alternatif-bien-etre.com/coronavirus/la-revanche-du-tabac/ – Rodolphe Bacquet, « La revanche du tabac », in. Alternatif Bien-Être, 25 avril 2020

[3] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10942038/ – L- Fratignoli & H. X. Wang, « Smoking and Parkinson’s and Alzheimer’s disease : review of the epidemiological studies », in. Behavioural Brain Research n°113, août 2000

[4] https://www.nature.com/articles/s41531-024-00763-6 – K. N. Rose, N. Zorlu, A. Fassini, et al., « Neuroprotection to low dose carbone monoxide in Parkinson’s disease models commensurate with the reducate risk of Parkinson’s among smokers », in. NPJ Parkinson’s Disease n°10, 22 août 2024