Chers amis, 

Le médecin de campagne ou de famille, bienveillant et fidèle, est en train de lentement disparaître. 

Cette disparition rend urgente l’évolution de notre rapport à la santé. 

J’ai consulté le rapport que la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) a publié il y a 6 mois au sujet des déserts médicaux en France

Les déserts médicaux ce sont des territoires où il n’y a simplement… plus de médecin. Les auteurs les appellent pudiquement des « territoires vie-santé » classés par « dotation »[1]. 

Vous allez le constater, la dégradation est impressionnante.

Près de 4 millions de Français concernés

L’étude portait sur l’année 2018 et concluait que 3,8 millions de Français souffrent d’un accès trop rare et lointain à un médecin généraliste ou un centre de soins

3,8 millions de personnes, cela pourrait sembler « acceptable ». Mais ils n’étaient que 2,5 millions dans la même situation 3 ans plus tôt.

Cela veut dire qu’entre 2015 et 2018, le nombre de personnes habitant dans un « territoire sous-doté » a augmenté de 50 % en France

Nous ne connaissons pas encore les chiffres de 2020.

Mais il n’y a aucun doute que nous ne sommes qu’au début d’une lame de fond. 

La France se vide de ses médecins de proximité

J’ai vérifié les chiffres auprès de l’Ordre des médecins, d’ici à cinq ans, nous aurons perdu un généraliste sur quatre, comparé à 2007[2]. 

Comment la France, en moins de vingt ans, a-t-elle pu perdre un quart de ses médecins généralistes ? 

C’est le fruit d’une politique de santé des années 1990 où on limitait le nombre d’étudiants en médecine (numerus clausus). 

Le résultat se lit tout près de chez vous : des milliers de médecins formés dans les années 1970 et 1980 partent à la retraite et ne sont pas remplacés

Le gouvernement a supprimé le numerus clausus l’an dernier.

Mais ça ne suffira pas, car d’autres phénomènes ont aggravé le problème. 

Pourquoi c’est inexorable

La France compte proportionnellement moins de médecins que les autres pays de l’Union européenne, alors que son budget santé est un des plus importants.

La moyenne européenne est à 3,6 médecins pour 1000 habitants. 

Nous, en France, sommes à 3,2 pour 1000[3]. 

Près de la moitié des généralistes exerçant aujourd’hui ont plus de 55 ans[4]. Dans dix ans, cette génération sera partie à la retraite.

Nous ne sommes donc qu’aux débuts de la « désertification ».

Comment est-ce possible dans un pays où les dépenses de santé sont chaque année plus élevées ?

En fait quand on regarde les chiffres de près, le nombre de médecins ne diminue pas en valeur absolue. Mais :

1.    La spécialisation monte en flèche : le nombre de généralistes baisse de 3,5 % en moyenne par décennie, alors que le nombre de spécialistes s’accroît de 14 %[5]
2.    Les médecins généralistes s’installent de plus en plus en ville, renonçant au travail harassant et mal rémunéré du « médecin de proximité »
3.    Les dépenses de fonctionnement et de développement sont mal réparties, allant vers des centres qui grossissent, grossissent, grossissent, pendant que des structures hospitalières plus petites, elles, sont sous-dotées. Et parfois disparaissent, ce qui accélère la désertification médicale.

Le paradoxe français

Voilà ce qu’on appelle le « paradoxe français » :

Des dépenses de santé en augmentation constante…

Et des patients de moins en moins bien pris en charge dans leur santé quotidienne.

Deux phénomènes aggravent ce paradoxe :
–    La part que l’État accorde au traitement des pathologies lourdes et chroniques, qui « mangent » 2/3 des dépenses et sont en augmentation constante (cancer, diabète, maladies cardiovasculaires, maladies psychiatriques)[6]
–    La prise en charge quasi complète, par ce même État, des médicaments chimiques : 82 % des médicaments, en France, sont remboursés[7]

Autrement dit : la France « paye » sa priorité absolue accordée :
–    Au curatif plutôt qu’au préventif
–    À la médication chimique.

A l’inverse, l’Allemagne consacre beaucoup plus d’argent à la prévention d’une part, aux méthodes de thérapies naturelles d’autre part. En Allemagne les naturopathes sont officiellement reconnus par l’État et remboursés par les complémentaires ; pas en France.

Pourquoi les campagnes sont laissées pour compte

Un dernier phénomène moins visible est à l’œuvre dans cette désertification.

C’est le mouvement profond dans notre pays, depuis des années, à rendre les campagnes de moins en moins habitables.

Par souci d’économies bien sûr, la dette publique étant devenue stratosphérique :
–    Fermeture des haltes gare SNCF « pas assez rentables »
–    Fermeture des petites classes d’écoles de village « qui ont trop peu d’élèves »
–    Raréfaction des passages du facteur de la Poste « trop coûteux »
–    Disparition des commerces de proximité au profit de grandes zones commerciales, froides, sans âme et accessibles en voiture seulement
–    Fermeture des petites maternités « qui ne font pas assez de naissances par an »

Comment voulez-vous qu’un jeune médecin qui a fait ses études de médecine dans des villes d’une certaine importance, quitte brusquement tout pour s’installer dans une région dépossédée de ses infrastructures de vie ? Qu’il y scolarise ses enfants ? Que son conjoint puisse y trouver un travail ?

Le résultat est dramatique : pendant que des départements entiers se vident de leurs médecins… d’autres plus densément peuplés en ont presque trop. C’est le cercle vicieux de notre époque : les régions déjà attractives pour les professionnels de santé le sont de plus en plus, les autres progressivement abandonnées.  

Cette situation nous oblige à faire profondément évoluer notre rapport à la santé.

Je pense, chaque jour un peu plus, qu’il est urgent de devenir plus autonomes avec notre santé.

Je vous ferai part d’un projet que j’ai conçu en ce sens, qui répondra à la question : pouvons-nous nous soigner nous-mêmes ? Et comment ?

Portez-vous bien, 

Rodolphe 


[1] F. Lenglart, « En 2018, les territoires sous-dotés en médecins généralistes concernent près de 6 % de la population », E & E n° 1144, DREES, 2020, disponible sur : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1144.pdf
[2] F. Béguin, « En 2025, la France aura perdu un médecin généraliste sur quatre en vingt ans », juin 2016, Le Monde, consulté en septembre 2020, disponible sur : https://www.lemonde.fr/sante/article/2016/06/02/le-manque-de-medecins-generalistes-s-accentue_4930689_1651302.html
[3] E. Cohen, O. Galland, « Le système de santé français est-il à la hauteur ? », avril 2020, Telos, consulté en septembre 2020, disponible sur : https://www.telos-eu.com/fr/societe/le-systeme-de-sante-francais-est-il-a-la-hauteur.html
[4] Ibid.
[5] F. Béguin, « La France n’a jamais compté autant de médecins en activité », mai 2018, Le Monde, consulté en septembre 2020, disponible sur : https://www.lemonde.fr/sante/article/2018/05/03/la-france-n-a-jamais-compte-autant-de-medecins-en-activite_5294004_1651302.html
[6] « Système de santé et remboursement », octobre 2019, leem, consulté en septembre 2020, disponible sur : https://www.leem.org/systeme-de-sante-et-remboursement
[7] idem