Chers amis,

La DGCCRF – acronyme imprononçable de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes – a les « médecines non-conventionnelles » dans le collimateur.

Ce n’est pas nouveau : en 2018, ce département rattaché au ministère de l’économie avait réalisé une première « campagne de contrôles dans ce secteur ».

Mais entre-temps, la crise du Covid a eu lieu et la DGCCRF n’a pas lésiné sur les moyens pour, dixit le nouveau rapport publié il y a quelques jours[1], « élargir le champ des investigations » à près d’une cinquantaine de disciplines différentes, « des plus connues comme la naturopathie ou la réflexologie, à certaines plus rares comme les guérisseurs Reiki ou des pratiques revendiquant une action sur les ondes ou les flux d’énergie. »

Ce rapport est riche d’enseignements… sur la DGCCRF elle-même.

Oui, le contrôle est nécessaire

Tout d’abord, je vais peut-être vous surprendre, mais j’estime normal, et sain, que l’État s’intéresse aux pratiques thérapeutiques sortant du cadre de la médecine officielle.

Cette surveillance devrait poursuivre deux buts sains :

  • Identifier et poursuivre les « charlatans » – car, oui, dans le domaine des médecines naturelles, il y a aussi des abus, qui nécessitent une vigilance de notre part d’autant plus importante que ces rares escrocs portent préjudice aux autres thérapeutes, pour l’écrasante majorité honnêtes ;
  • Contribuer à légitimer ces pratiques en attestant de leur conformité au droit et à la loi ; autrement dit les sortir de l’ornière de « l’alternatif » accusé de peu de sérieux.

Le problème, c’est que ce rapport passe à côté de ces objectifs.

Plus exactement, il dévoile des critères pour le moins surprenants concernant le premier (identifier les abus et les escrocs) ; et se positionne très nettement contre ces médecines conventionnelles concernant le second ! 

Critères ubuesques

Les services de la DGCCRF, au terme d’une enquête de presque un an, « ont relevé un taux d’anomalie de 66% ».

66% !!! 

Ce chiffre alarmant laisse entendre que deux tiers des praticiens de médecines non-conventionnelles auraient des pratiques frauduleuses !

Mais la lecture des critères retenus pour identifier les « pratiques commerciales trompeuses » laisse pantois.

Si vous êtes debout, asseyez-vous ; si vous êtes assis, accrochez-vous.

Voici ce que la DGCCRF reproche aux praticiens :

1 – Le fait que certains soient installés, je cite, « à proximité ou au sein même de lieux de santé (maison de santé, cabinet médical pluridisciplinaire…). Cette proximité, sans plus de précision sur la non-appartenance au corps médical du praticien est source de confusion pour le consommateur. » 

 Traduction : ces médecines dites non-conventionnelles n’ont rien à voir avec la santé, et devraient être installées loin, très loin des cabinets médicaux – auprès des casinos, des parcs d’attraction ou même des lieux de prostitution j’imagine !

2 – La reprise de « codes » médicaux, comme l’installation de plaques sur le lieu d’exercice, le recours à des logos ressemblant à un caducée ou encore la présence d’ouvrages médicaux dans les salles d’attente ou les cabinets.

 Traduction :

  • Amis naturopathes, dévissez vos plaques, pour signaler votre présence, un post-it fera l’affaire ; à la rigueur un graffiti ;
  • Bien qu’il existe depuis 2500 à 3000 ans, et qu’on en trouve des variations dans la mythologie grecque et la médecine ayurvédique, le caducée, apprend-on, est donc l’apanage unique de l’Ordre des médecins – tant pis pour l’Histoire !
  • Pour les ouvrages en consultations, amis thérapeutes, préférez Picsou Magazine au Larousse de la médecine, vous vous épargnerez un rappel à l’ordre pour pratique commerciale trompeuse !

3 – L’usage, par les thérapeutes, de termes de santé et de maladie.

Alors là, c’est le pompon. Le rapport cite des exemples extrêmes, tel un « libérateur d’entités » prétendant agir sur la grippe… mais peut-on décemment reprocher à un acupuncteur ou à un réflexologue de parler à son patient (pardon, à son client) de santé ?!

De qui se moque-t-on ????

Guerre culturelle

Ces critères témoignent ni plus ni moins d’une offensive menée conjointement par l’État et la « médecine traditionnelle » – et qui n’est nulle autre que la médecine conventionnelle, et chimique – contre les médecines dites alternatives.

Cette offensive a pour armes d’attaque l’appropriation culturelle non seulement des symboles de la santé, mais aussi des mots eux-mêmes (« santé », « maladie »).

Ne croyez-vous pas, Mesdames et Messieurs de la DGCCRF, que l’abus n’est pas du côté des naturopathes qui osent parler de santé, mais bel et bien de cette forme d’inquisition leur reprochant jusqu’à la situation physique de leur lieu d’exercice ?

Ces abus visent non pas à encadrer ces pratiques non-conventionnelles, mais bel et bien à les marginaliser, pour ne pas dire à les démolir.

À cela, il y a une bonne raison.

Et cette bonne raison est aussi une bonne nouvelle.

La population française de moins en moins dupe des lacunes et des abus de la « médecine conventionnelle »

Cette enquête sur les médecines alternatives témoigne en effet d’un phénomène, que le rapport de la DGCCRF admet d’ailleurs sans fard : la désaffection croissante des Français pour la médecine conventionnelle, et le recours de plus en plus fréquent à d’autres méthodes thérapeutiques.

La bonne nouvelle, elle est là : « 40% des Français auraient recours à des « traitements alternatifs », est-il noté en introduction du rapport.

C’est moins que la Suisse, où cette proportion avoisinait déjà les 50% (soit un patient sur deux) il y a déjà dix ans[2], ou que l’Allemagne, où elle atteint… 81%[3] !

Sous le rapport de l’intégration des thérapies alternatives au modèle de santé, la France en est donc encore à l’âge de pierre.

Mais c’est en train de changer.

Le rapport de la DGCCRF note que le mouvement s’est particulièrement amplifié depuis la crise du Covid : y’a-t-il un signe plus clair des limites que perçoivent nos concitoyens de notre système de santé ?

Autrement dit, cet essor témoigne, dans notre pays, autant d’une plus grande ouverture pour les soins sortant du strict domaine de l’allopathique, que d’une prise de conscience du poids des intérêts financiers de l’industrie pharmaceutique, des coupes budgétaires de l’État et des positions de plus en plus dogmatiques de l’Ordre des médecins dans leur santé.

L’Allemagne et la Suisse, pour citer à nouveau nos voisins directs, ne considèrent pas la santé en termes de « médecine conventionnelle » contre « médecine non-conventionnelle » : les deux sont complémentaires. 

Ainsi, l’homéopathie, la médecine anthroposophique, la phytothérapie, ou encore la thérapie neurale et la médecine traditionnelle chinoise sont partie intégrante de l’assurance santé de base en Suisse[4].

Nous devons résister à cette opposition stérile

Cette guerre menée aux médecines douces est un effet de notre époque, aggravé par le Covid, mais particulièrement grave en France.

Le rapport de la DGCCRF n’est qu’un boulet de canon supplémentaire lancé dans le cadre d’une entreprise de décrédibilisation et de démolition de ces thérapies libres.

Ma conviction et mon travail, vous le savez, me conduisent à défendre et à promouvoir ces méthodes de santé aujourd’hui dans le collimateur de l’État, au détriment de vous et nous, patients.

Je fais cela avec passion mais aussi esprit critique, pour ne pas non plus laisser libre cours à n’importe quelle pseudo-thérapie farfelue qui n’a pas donné de preuve sérieuse de son efficacité.

C’est ce travail empirique d’investigation, de terrain, qui, je l’espère, contribue à vous donner la possibilité de faire le moment venu le bon choix, de façon informée et éclairée, pour votre santé.

Ne nous laissons pas priver de cette liberté fondamentale !!!

Portez-vous bien,

Rodolphe

[1] DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). (14.03.2022). Attention aux risques des pratiques de soins « non conventionnelles ». https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/attention-aux-risques-des-pratiques-de-soins-non-conventionnelles

[2] Baumann P (29.09.2020). « Une intervention médicale sur cinq est inutile ». L’Illustré. https://www.illustre.ch/magazine/une-intervention-medicale-cinq-inutile

[3] Devillard A (2019). L’Allemagne – pays de prédilection pour la médecine alternative. Une vue panoramique. Cairn, Allemagne d’aujourd’hui, 229 (73-78). https://www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2019-3-page-73.htm

[4] Chandrasekhar A. (27.04.2020). Les médecines alternatives, intégrées dans le système de santé suisse. SWI, swissinfo.ch. https://www.swissinfo.ch/fre/sant%C3%A9_les-m%C3%A9decines-alternatives–int%C3%A9gr%C3%A9es-dans-le-syst%C3%A8me-de-sant%C3%A9-suisse/45713852