Chers amis,
Un millénaire durant, en Chine, on bandait les pieds des jeunes filles pour en stopper la croissance.
Cela donnait aux pieds une forme triangulaire étrange, et comme recroquevillée :
Cette « coutume », dite des « pieds de lotus », était une marque de haut rang social : non seulement les petits pieds étaient considérés comme plus séduisants mais, mutilés ainsi – car c’était bel et bien une mutilation – ils « confinaient » la femme aux travaux domestiques.
Les pieds non bandés, autrement dit les pieds normaux, étaient en effet réservés aux femmes des classes populaires, qui travaillaient dans les champs, en sandales ou pieds nus.
Les femmes aux pieds bandés, à l’inverse, portaient des sortes de chaussons finement brodés :
Le bandage des pieds commençait dès l’âge de 5 ou 6 ans. La taille idéale à atteindre était de trois pouces, soit environ 7,5 cm.
On obtenait cette forme triangulaire en recourbant le gros orteil et en repliant les quatre autres contre la plante du pied. On augmentait alors la pression jusqu’à obtenir un angle aigu du tarse et du métatarse[1].
Les femmes ainsi mutilées peinaient à marcher sans douleur, et encore plus à courir.
Le résultat, dont voici une radiographie, est un cauchemar pour tout podologue digne de ce nom :
Apparue au Xème siècle, cette pratique n’a été interdite qu’en 1912, lorsque la Chine est devenue une République. Son usage s’est cependant poursuivi durant quelques décennies clandestinement.
Si vous trouvez cette pratique barbare… vous avez raison.
Et pourtant, si vous observez ce que vous faites à vos propres pieds, chaque jour, en trouvant cela « normal », vous comprendrez que vous n’en êtes pas si loin.
Des prisons joliment lacées
Depuis l’enfance, nous enfermons, étouffons, déformons, nos pieds.
Les chaussures traditionnelles – rigides, épaisses, archi-amorties – sont censées protéger les pieds.
En réalité, elles les déconnectent et les contraignent.
Elles bloquent leur mobilité naturelle, perturbent votre équilibre, affaiblissent vos muscles plantaires, modifient votre posture… et tout cela au nom du confort et de la mode.
Conçues pour protéger les pieds des surfaces dangereuses et du froid, les chaussures sont aussi devenues, au fil du temps, des accessoires esthétiques et marketing, permettant parfois d’exposer l’appartenance à un groupe ou à un statut social.
Cette « mode », littéralement, quelle que soit sa forme, a cependant un coût.
Chez les hommes, la mode des bouts pointus est une catastrophe pour les orteils pouvant causer ou aggraver des oignons (hallux valgus), des orteils en marteau, ou des griffes d’orteils.
Chez les femmes, plus le talon est haut, plus la posture qu’elle impose au corps est désastreuse.
Quand Rachida Dati exhibe l’une de ses paires de Louboutin, son ego s’en trouve sans doute valorisé, mais ses pieds et sa structure musculo-squelettique paient une facture salée.
De telles chaussures modifient la répartition du poids, pouvant causer une inflammation du fascia plantaire (douleur intense sous le pied), déplacent le centre de gravité vers l’avant, obligeant le dos à compenser (créant des tensions dans le bas du dos, les hanches et le cou).
Cela se traduit par une hyperlordose lombaire, c’est-à-dire une cambrure excessive du bas du dos due à la bascule du bassin vers l’avant, des douleurs aux genoux – la posture modifiée augmente la pression sur les articulations du genou, contribuant à l’usure du cartilage (arthrose) – ainsi qu’un raccourcissement du tendon d’Achille : les talons hauts maintiennent le tendon dans une position raccourcie, limitant la flexibilité à long terme.
Et ce sans parler des cols et durillons causés par le frottement et la pression excessive des chaussures rigides sur certaines zones du pied.
Si vous portez des chaussures de sport… ça n’est pas beaucoup mieux.
Depuis 1970, les chaussures de sport sont elles aussi créées selon des critères visuels et de mode.
Sous prétexte de réduire les blessures, les fabricants ont intégré dans leur conception des technologies d’absorption, de support et de stabilité de plus en plus complexes.
Or, aucun, je dis bien aucun argument technique ni médical ne vient justifier ces « innovations » – amorti gel, semelles à coussins d’air, renforts anti-pronation – comme l’a démontré en 2009 une étude retentissante[2].
Pire encore : des études montrent que ces dispositifs augmentent les déséquilibres et donc le risque de blessures.
Nos pieds sont conçus pour sentir le sol. Pour plier, s’adapter, propulser. Pour être nus – ou presque.
La meilleure façon de marcher
Chacun de vos pieds est doté de 26 os, 107 ligaments et 20 muscles qui vous permettent de vous tenir debout en équilibre, de supporter votre poids de corps et de vous déplacer en marchant ou en courant.
Il peut se propulser en avant afin d’effectuer chaque pas, et il joue également un rôle d’amortisseur.
Le corps humain est naturellement formé pour se déplacer pieds nus.
Si vous regardez vos pieds marcher, vous observerez une flexion de vos orteils qui améliore l’adhérence et l’efficacité du pas.
Lors de la course, le développement de votre foulée est plus dynamique, la partie medio-pied (partie la plus large du pied) touche en premier le sol (si vous courez correctement) ; la plante entre en premier en contact avec le sol, puis le talon touche, et enfin le talon se relève ainsi que la plante, puis les orteils propulsent le coureur.
Lorsque vous allez dans des pays réputés pauvres d’Afrique ou d’Asie, vous constatez que les pieds des gens qui marchent pieds nus n’ont pas du tout la même forme que les vôtres.
Outre qu’ils ont une corne qui les protège des cailloux et autres brindilles sur le sol, la position de leurs orteils est comme répandue « en éventail » quand les nôtres sont tous recroquevillés et parfois même se chevauchent, à force d’être comprimés dans des souliers rigides.
Pourtant, il existe depuis quelques années une solution pour renouer avec la position naturelle du pied sur le sol, sans pour autant se mettre à marcher pieds nus par terre.
Chaussures « minimalistes » ou respectueuses ?
Voici les chaussures que je porte :
Ce sont des chaussures dites « minimalistes ».
Leur promesse : offrir à vos pieds une structure qui à la fois les protège des agressions extérieures, et respecte leur anatomie fonctionnelle naturelle.
Elles offrent une semelle fine et souple, un espace large pour les orteils, et ne surélèvent pas le talon.
Le pied est donc « à plat », comme si vous marchiez pieds nus, mais tout de même en vous offrant l’équivalent de la corne dont je vous parlais plus haut.
Résultat(s) ?
Une meilleure posture.
Un pas plus fluide.
Une diminution des douleurs de dos, de genoux, de hanches.
Et – cerise sur le talon – une redécouverte sensorielle du monde.
Car marcher avec des chaussures minimalistes, c’est un peu comme enlever des gants après des années : tout à coup, vous ressentez vos pas, vous réapprenez à marcher.
Je suis venu aux chaussures minimalistes un peu contraint et forcé il y a six ans, je vais vous raconter comment.
Bon pour vos genoux, votre dos, vos pieds… et pour éviter les chutes !
J’ai été opéré plusieurs fois des deux genoux en cinq ans (multi-fracture de la rotule à gauche, ablation du ménisque à droite) suite à des accidents.
Plusieurs de mes médecins et de mes rééducateurs m’ont averti que j’aurais régulièrement mal et que je boiterais toute ma vie.
De fait, j’ai de l’arthrose précoce et avancé aux deux genoux.
Mais… je ne boite pas, et je n’ai pas mal.
J’ai d’abord pris des dispositions nutritionnelles pour compenser l’absence de cartilage et de ménisque, et renforcer les muscles de mes jambes et autour des genoux.
Surtout, un kiné a eu un jour la lumineuse idée de me recommander de porter des chaussures minimalistes.
Ce kiné – que je salue et remercie encore ici au passage – m’a, littéralement, réappris à marcher, après des décennies à porter des chaussures lambda, c’est-à-dire comprimant les orteils et dotées d’un talon surélevé.
Ça a changé beaucoup de choses, si ce n’est tout.
Je n’ai presque plus jamais mal aux genoux – sauf en cas de brusque changement de temps ou d’effort trop violent.
Il y a, à cela, une explication très simple.
En 2023 une étude a démontré que marcher avec des chaussures minimalistes réduit significativement la pression exercée sur les articulations, notamment celles du genou[3].
C’est donc d’autant plus intéressant si vous souffrez, en outre, de surpoids, même modéré : votre corps pèse moins sur vos articulations avec des chaussures minimalistes.
Ce n’est pas tout : mes douleurs de dos, que j’avais depuis l’enfance, ont disparu du jour au lendemain. En changeant mes chaussures, et donc ma façon de marcher, c’est toute la posture de mon corps que j’ai changée.
Il est par ailleurs prouvé que le port de chaussures minimalistes renforce les muscles profonds du pied, essentiels à la stabilité, ce qui pourrait protéger les structures musculo-squelettiques contre certains dommages[4].
Encore plus intéressant, et rassurant, si vous atteignez un certain âge et craignez de tomber : une étude de 2020 a établi que marcher avec des chaussures minimalistes procure une meilleure stabilité et réduit les risques de chute, notamment chez les seniors[5].
Je ne saurais donc que trop vous conseiller de troquer peu à peu vos chaussures traditionnelles pour des chaussures minimalistes.
Vos pieds, vos genoux, votre dos, et votre « confiance » en vous pour vous tenir bien debout s’en trouveront renforcés, croyez-moi sur parole.
Ne changez pas tout d’un coup
Attention toutefois : après des années passées à tasser vos pieds dans des carapaces rigides, il est important d’effectuer cette transition en douceur.
La première fois que vous marcherez avec des chaussures minimalistes, vous trouverez cela étrange.
C’est normal. Vous devez, au sens propre du terme, réapprendre à marcher.
Commencez par quelques minutes par jour, sur terrain souple. Et augmentez la durée de port progressivement.
Et là encore, je parle d’expérience : au bout d’un certain temps, c’est marcher avec des chaussures « classiques » qui vous semblera bizarre, non-naturel et inconfortable. Et même douloureux.
Rassurez-vous, cela ne signifie pas qu’il vous faut bazarder du jour au lendemain le contenu actuel de votre meuble à chaussures.
Même si, pour ma part, je n’ai désormais plus que des chaussures minimalistes, j’ai gardé quelques belles paires vernies, que je garde pour les grandes occasions – mariage, pince-fesse, etc.
Et encore, de moins en moins !
Car il existe toute sortes de « styles » de chaussures minimalistes, et vous trouverez forcément chaussure à votre pied, c’est le cas de le dire.
Si vous souhaitez de l’aide et des conseils pour vous y retrouver dans le choix de ces chaussures meilleures pour votre santé, je vous invite à consulter l’article de fond, et très pratique, qui y est consacré dans le numéro de mars d’Alternatif Bien-Être.
Et si d’aventure vous n’étiez pas abonné à la revue, je vous offre ce numéro pour tout nouvel abonnement, sans engagement ; c’est-à-dire que vous le recevrez immédiatement dans votre boîte mail, en plus de ceux des douze prochains mois.
Si vous n’êtes pas content des informations contenues dans ce numéro, vous pouvez sous quinze jours demander à être intégralement remboursé, sans avoir à vous justifier. Et vous gardez bien sûr votre numéro offert.
Vous avez donc tout à gagner à essayer !
Je reçois mon numéro offert d’Alternatif Bien-Être avec le dossier « chaussures minimalistes »
Portez-vous bien,
Rodolphe Bacquet
[1] https://voyage.tv5monde.com/fr/les-pieds-bandes-en-chine – « Les pieds bandés en Chine », site Voyage TV5 Monde, 10 octobre 2016
[2] C E Richards, P J Magin, R Callister, « Is your prescription of distance running shoes evidence-based ? », in. Br J Sports Med 2009;43:3 159-162
[3] Kayll S. et al., « Do biomechanical foot-based interventions reduce patellofemoral joint loads in adults with and without patellofemoral pain or osteoarthritis? a systematic review and meta-analysis », in. British Journal of Sports Medicine, 2023. doi.org/10.1136/bjsports-2022-106542
[4] Ridge S. et al., « Walking in minimalist shoes is effective for strengthening foot muscles », in. Medicine & Science in Sports & Exercise, 2019.
[5] Petersen E. et al., « Walking barefoot vs. with minimalist footwear – influence on gait in younger and older adults », in. BMC Geriatrics. 2020.
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Répondre à Benoît Annuler la réponse
En soumettant mon commentaire, je reconnais avoir connaissance du fait que Total Santé SA pourra l’utiliser à des fins commerciales et l’accepte expressément.
Bonjour, quel est l’effet des chaussures à semelles avec plaque de carbone utilisées pour la course à pied sur le squelette à long terme ?
« J’ai d’abord pris des dispositions nutritionnelles pour compenser l’absence de cartilage et de ménisque, et renforcer les muscles de mes jambes et autour des genoux » ….
Bonjour,
J’aimerai bien que vous écriviez un article là dessus….
Cordialement
(Vos articles et vos revues m intéressent, mais mes moyens sont insuffisants pour m’abonner)
Bonjour, je ne peux qu’être d’accord. Aprés des douleurs aux pieds mon médecin m’a envoyé chez le podologue qui m’a fait des semelles que je n’ai pratiquement pas portées. Le podologue me disait que je ne devais jamais marcher à pieds nus, que cela « déformait » les pieds! Or c’est ce que j’ai toujours fait à la maison. Mes sports étaient judo, karaté, aikido. En ville je porte des Teva qui m’ont accompagnées dans de nombreux trekkings. A presque 70 ans j’ai de l’arthrose aux genoux. A part des compléments alimentaires et l’éviction totale du gluten je vais à la salle de sport pour muscler les genoux et les jambes et je pratique le yoga pour la mobilité. Mon médecin m’avait promis des prothèses, par contre mon ostéopathe était bluffée par ma récupération. Bien sûr je ne fais plus de jogging ni de trekkings mais je me déplace. Donc marcher à pieds nus est pour moi très positif. Benoite Cela permet également d’être connectés à la terre et d’en recevoir l’énergie! Merci pour tous tes bons conseils!