Après le bétail, l’homme va-t-il être pucé pour être mieux tracé ?

Chers amis,

C’était il y a 10 ans, dans la Drôme : des centaines d’éleveurs défilaient à Valence pour dénoncer le puçage électronique, alors rendu obligatoire en France, des chèvres et des moutons.

Leur slogan : « Ni puces ni soumis »[1], en référence au mouvement féministe « Ni putes ni soumises » créé 10 ans plus tôt, en 2003.

Et c’est sous ce même slogan, « Ni puces ni soumis » qu’on retrouva d’autres éleveurs défilant partout en France contre l’obligation du puçage électronique de leurs bêtes, comme à Grenoble[2] ou dans le Pays Basque[3] au cours de l’année 2014.

Cette obligation a été très mal vécue par les petits éleveurs, dans un contexte de difficultés économiques, mais c’était aussi un refus du « flicage » de leurs bêtes – qu’ils connaissent par cœur ; on est loin de l’élevage intensif.

Parler de flicage n’est pas exagéré : il y a 9 ans, le journal Le Monde notait déjà à propos de la « Puce Radio Fréquence Identification » que « la puce RFID, si elle ne contient pour l’instant que des informations de base, comme un pass de transport par exemple, peut être enrichie et servir de support à une gestion informatique individualisée : alimentation, médicaments, surveillance hormonale, géolocalisation, etc. Le cyberélevage en germe.[4] »

Le puçage des animaux n’était, évidemment, qu’un avant-goût de ce qui nous, humains, nous attend.

« Bientôt, on sera obligés de pucer nos enfants »

Au cours de la manifestation drômoise de 2013, plusieurs manifestants avaient alerté : « bientôt on sera obligés de pucer nos enfants, où va-t-on ? »[5]

Ce « bientôt » approche à grands pas : la technologie est prête.

Il ne reste plus qu’à l’appliquer.

C’est-à-dire à la faire accepter par la population, et à l’injecter.

Le média de service public France info s’est ainsi fait, lundi dernier, l’écho enthousiaste de la « puce sous-cutanée humaine »[6] :

Plusieurs sociétés de biotechnologie américaine ont en réalisé une étape supplémentaire du transhumanisme fantasmé par les milliardaires de la Silicon Valley et les « Global young leaders » de Davos : la puce électronique humaine, qui permet

  • De vous identifier ;
  • De régler vos achats ;
  • De déverrouiller votre porte de maison, votre voiture (et peut-être même bientôt vos enfants et votre conjoint).

Rien dans les poches, tout dans la peau

Bref, c’est merveilleux, s’extasie-t-on dans les médias mainstream, plus besoin de s’encombrer d’un portefeuille ou d’un porte-clés !

Concrètement, voici les gestes que vous ferez demain[7] :

Vous paierez avec les phalanges, déverrouillerez votre téléphone avec le poignet et ouvrirez votre Tesla (comment ? Vous n’avez pas encore de Tesla ?) avec l’avant-bras.

Passeport biométrique, carte vitale, clés de voiture et de maison, carte bancaire : tout cela pourra tenir dans une puce électronique de la taille d’un grain de riz, que l’on vous greffera dans la main, à cet emplacement précis :

Ce n’est pas de la science-fiction : c’est bon, c’est prêt !

Il ne reste qu’à convaincre la population, c’est-à-dire vous, moi, nous.

« Ça fait des années qu’on en implante aux chiens »

Si vous vous demandez si avoir une puce électronique dans le corps n’est pas mauvais pour la santé, rassurez-vous, le journaliste soutient que « c’est fiable et totalement sûr ».

Ouf ! Si c’est France Info qui le dit !

L’argument ultime est confondant de bêtise : « Voilà des années qu’on en implante aux chiens pour les identifier. »

Si c’est bon pour les chiens, c’est bon pour vous. Vous n’allez pas faire la fine bouche, quoi !

(Vous reprendrez bien un peu de pâtée et ça ne vous dérangerait pas non plus de mettre une muselière tant qu’on y est ? Ça fait aussi des années qu’on en met aux chiens, avec un excellent rapport bénéfices/risques)

L’annonce d’innocuité et de fiabilité est du purement déclarative : nous n’avons rigoureusement aucun recul scientifique statistique concernant l’impact de la greffe humaine d’outils de nanotechnologie sous-cutanée.

Comme je vous l’écrivais dimanche dernier, cela fait des siècles que l’on pratique le tatouage, mais ça n’est que depuis 2017 que l’on sait que les nanoparticules toxiques issues des encres industrielles se concentre dans les ganglions lymphatiques des personnes tatouées.

Demain, tous pucés ?

L’innocuité de cette technologie est évidemment une question secondaire aux yeux des concepteurs et des promoteurs de la puce sous-cutanée humaine.

Le principal obstacle à sa diffusion est, toujours selon la voix de la raison (France Info), la suivante : « une technologie ne doit pas simplement être pratique. Elle doit aussi être acceptée socialement et culturellement. Il y a quelques années, on trouvait ridicule de payer avec son téléphone. Qui sait ? Peut-être que demain, on trouvera génial de payer avec le dos de la main. »

Le journaliste a raison.

Et pourtant il se trompe profondément. Et, ai-je même envie de dire, tragiquement.

Oui, avant d’être généralisée, cette technologie doit être « acceptée socialement et culturellement ».

Mais l’histoire récente nous a sinistrement démontré que cette acceptation est facile à obtenir : il suffit dans un premier temps d’acheter l’adhésion du public aux moyens de cadeaux et de friandises, et dans un second temps de la monnayer contre la liberté sociale.

Bref, le consentement, ça s’obtient ; il suffit de savoir comment s’y prendre.

Une fois que la majeure partie de la population a basculé, la pression qui s’exerce sur la minorité est suffisamment forte pour la contraindre de gré ou de force. 

Devoir justifier d’un acte médical non désiré et non-consenti pour avoir le droit de se déplacer, rentrer dans un cinéma ou un restaurant, aurait paru à tout un chacun invraisemblable il y a encore trois ans.

En moins d’un an, cela a paru normal : le consentement a été acheté par le chantage social ; on lui a donné le nom pompeux de « responsabilité ».

Donc, non, cette acceptation n’est pas le principal problème. Les gouvernants, main dans la main avec les industriels, savent comment franchir cette étape.

Le principal problème, c’est celui de l’intégrité humaine, au sens propre du terme.

Transhumanisme vs. Intégrité

Se faire implanter une puce électronique qui conditionnera nos faits et gestes au quotidien – payer le pain, justifier de notre identité auprès de gendarmes, rentrer à la maison – n’est pas un progrès technologique conçu pour nous faciliter la vie : c’est un point de non-retour sur l’autoroute du transhumanisme. 

Le transhumanisme, c’est cette idée que l’avenir de l’homme est d’être « augmenté » par la machine, dans un mariage biotechnologique du corps organique et de la robotique.

Ce transhumanisme a fait des progrès fulgurants dans le milieu médical : rien que cette année, des implants cérébraux ont permis à des paraplégiques de remarcher[8] à des personnes paralysées de retrouver la parole[9].

Ces applications sont fantastiques.

Mais mon opinion est qu’il faut les garder pour réparer les êtres humains gravement abîmés par la vie ; pas les appliquer à l’ensemble de l’espèce humaine.

C’est tout le paradoxe de ce progrès : il permet à des personnes paralysées de retrouver une part de leurs capacités humaines perdues, mais il prive les autres, qui ont la chance d’être en bonne santé, de leur intégrité physique.

Aujourd’hui, votre téléphone suffit à tracer vos moindres faits et gestes, les caméras de vidéosurveillance qui vont être généralisées à Paris avec le consentement du Sénat[10] permettront de vous suivre à la trace…

Le puçage sous-cutané permet de rendre ce traçage organique. Un téléphone, ça s’éteint et ça s’oublie. Une caméra de surveillance, ça s’évite. Mais lorsqu’on est pucé et qu’on l’on porte avec soi toutes ses informations civiles, biomédicales, et tout son « historique » géographique, il n’y a plus d’échappatoire.

En fait, il n’y a pas à tortiller : in fine, la principale application du puçage sera exactement celle imposée d’abord aux chiens et aux chats domestiques, puis aux moutons.

Un outil de surveillance, de contrôle, organique et implacable. On vous dira que c’est pour votre bien, évidemment. Et vous le croirez. En tout cas beaucoup le croiront.

Mais avec une puce dans la main, je vous assure que vous n’aurez plus votre vie privée entre les mains.

Est-ce cela que vous voulez ?

Il est hélas probable qu’avant longtemps, nous devions à notre tour manifester au slogan de « Ni puces ni soumis ». J’en mettrais ma main à couper ; pardon, à pucer.

Je suis curieux de lire en commentaire tout ce que cela vous inspire.

Portez-vous bien.

Rodolphe


[1] AFP, « Ni puces ni soumis : fronde des bergers dans la Drôme contre le puçage électronique », L’Alsace, 1er février 2013 ; disponible ici : https://www.lalsace.fr/actualite/2013/02/01/ni-puces-ni-soumis-fronde-des-bergers-dans-la-drome-contre-le-pucage-electronique

[2] S. Berthaud-Clair, « Sus aux puces », Le Monde, 25 août 2014 ; disponible ici : https://www.lemonde.fr/planete/article/2014/08/25/sus-aux-puces_4475994_3244.html

[3] C.O., « Éleveurs du Pays Basque : « Ni puce ni soumis » ! », France 3, 3 janvier 2015 ; disponible ici : https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/pyrenees-atlantiques/eleveurs-du-pays-basque-puce-soumis-623482.html

[4] Le Monde, art. cit.

[5] L’Alsace, art. cit.

[6] A. Mbida, « Puce sous-cutanée : nos clés ou notre carte bancaire toujours à portée de main avec un implant électronique dans la paume », France Info, 4 septembre 2023 ; disponible ici : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/aujourd-hui-c-est-demain/puce-sous-cutanee-nos-cles-ou-notre-carte-bancaire-toujours-a-portee-de-main-avec-un-implant-electronique-dans-la-paume_6030185.html

[7] Capture d’écran du site internet de la société Vivokey : https://vivokey.com/

[8] Anonyme, « Une technologie innovante de contrôle par la pensée permet à un patient paraplégique de remarcher », France Inter, 24 mai 2023 ; disponible ici : https://www.radiofrance.fr/franceinter/une-technologie-innovante-de-controle-par-la-pensee-permet-a-un-patient-paraplegique-de-remarcher-8436097

[9] M. Parra, « Des personnes paralysées retrouvent la « parole » grâce à des implants cérébraux », Sciences et Avenir, 4 septembre 2023 : disponible ici : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/des-personnes-paralysees-retrouvent-la-parole-grace-a-des-implants-cerebraux_173593

[10] F. Vignal, « JO 2024 : le Sénat adopte la vidéosurveillance par algorithme, la gauche dénonce un nouveau « big brother », Public Sénat, 25 janvier 2023 ; disponible sur : https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/jo-2024-le-senat-adopte-la-videosurveillance-par-algorithme-la-gauche-denonce