Chers amis,

Ça y est, les pays européens jouent à celui qui sortira le plus vite de la crise.

C’est le but affiché du gouvernement autrichien : sortir de cette crise « plus vite que les autres[1] », dit son chancelier Sebastian Kurz.

D’autres pays lui emboîtent le pas : le Danemark, la République tchèque, la Norvège.

Il y a trois semaines, l’urgence européenne était de contenir cette épidémie par le confinement à tout prix.

Aujourd’hui l’urgence semble de mettre un terme au confinement rapidement alors que cette épidémie n’est absolument pas terminée.

Y comprenez-vous quelque chose ?

Non sans doute.

Mais il y a des raisons à cela, profondes et cachées.

Mesures incohérentes

En l’espace de 24 heures, la maire de Paris Anne Hildago a lancé des signaux spectaculairement contradictoires, d’abord pour renforcer le confinement… ensuite pour en sortir.

Le 7 avril, la mairie de Paris annonce l’interdiction du jogging à Paris de 10h à 19h[2].

Le lendemain, 8 avril, Anne Hidalgo propose au gouvernement un plan de déconfinement de Paris grâce à des « certificats d’immunité ».

Quelles sont les raisons scientifiques à cette interdiction du jogging le 7 avril puis à ces « certificats d’immunité » le 8 ?

La réponse : AUCUNE.

L’interdiction du jogging de 10h à 19h est une absurdité :

  • retirer aux gens une possibilité de faire un minimum d’exercice physique extérieur est quasiment un crime sanitaire, la Suisse, la Suède, l’Allemagne, qui ont, eux, une vraie culture sportive, l’ont compris et laissent les gens sortir pour cela ;
  • le potentiel contagieux de la fraction de seconde durant laquelle deux joggers se croisent est proche du néant, d’autant plus que ces joggers portent aujourd’hui quasiment tous des masques ;
  • en considérant néanmoins ce risque comme réel, cette mesure va simplement renforcer le risque, pour les joggers, de se croiser chaque jour beaucoup plus avant 10h et après 19h!

Le « certificat d’immunité » est tout aussi fantaisiste.

« Délivré par un médecin, ce document “pourra permettre à toute personne immunisée de s’abstraire de certaines obligations de confinement ou de mesure barrières”. [3]»

Alors là… c’est le pompon !

Les épidémiologistes du monde entier cherchent désespérément ce qui immunise contre le Covid-19 mais la mairie de Paris pense avoir trouvé la clef de l’énigme !

S’agira-t-il de passer un test ? Je vous l’écrivais dans ma dernière lettre, on sait qu’ils sont peu fiables actuellement.

Posons donc cette question à Mme Hidalgo : comment va-t-on mesurer cette immunité ?

S’il faut par exemple apporter la preuve d’une infection préalable au Covid-19 et en avoir guéri, cela pose deux problèmes :

  • une rémission complète de l’infection pourrait, selon plusieurs observateurs, prendre des mois[4];
  • il n’a pas été prouvé, jusqu’ici, qu’avoir guéri du Covid-19 immunisait contre le virus (certains restent contagieux après, sans qu’on sache pourquoi)… ni surtout contre ses formes mutantes – puisqu’il est désormais acquis que ce virus mute vite et beaucoup !

S’il faut chercher dans l’organisme les traces d’anticorps naturels au Covid-19, le problème est que… on ne les a pas encore identifiés… C’est même ce sur quoi travaillent d’arrache-pied les concepteurs de vaccins !

Les déclarations de la mairie de Paris reflètent, en fait, une terrible réalité : les instances politiques sont dépassées. Elles préfèrent faire n’importe quoi plutôt que de s’exposer au reproche de ne rien faire du tout.

Et en proposant ces mesures incohérentes, elles démontrent une incompétence qui devrait tous nous sidérer.

Mesdames et Messieurs les politiques, nous n’avons pas besoin de vos gesticulations !

Marchés et supermarchés : du grand n’importe quoi !

Beaucoup des « mesures d’urgence sanitaires » prises ces dernières semaines sont marquées par la même perte complète du sens commun.

Je rends grâce par exemple au médecin François Olivennes et au chef cuisinier Bruno Verjus qui ont dénoncé « l’ineptie », du point de vue sanitaire et épidémiologique, de la fermeture des marchés à ciel ouvert, et du maintien de l’ouverture des supermarchés, qui eux sont dans un espace fermé.

Mais enfin bon sang, il faut avoir fait Polytechnique pour comprendre que le risque de contagion est beaucoup plus facile à réduire dans les marchés traditionnels qu’en supermarché ? Dans des ventes extérieures de fruits et légumes, les marchands peuvent imposer les règles de distance pour limiter la transmission, certainement pas au supermarché où « dans les rayons, les gens se croisent, discutent entre eux, manipulent autant qu’ils le veulent les produits » !

Je vous parlais, dans une dernière lettre, du risque de l’air conditionné pour la propagation du virus. Dans les supermarchés fermés, l’air est conditionné puis ventilé 24h/24, ce qui donne un risque de transmission du virus bien plus important ! « Qui a circulé en TGV ou en avion ne s’interroge plus sur l’efficacité des climatisations pour la propagation des virus grippaux[5] » ! ajoutent Olivennes et Verjus.

Une fois encore, tout cela est sidérant.

Et vous ne voyez aucun média qui s’insurge contre cela !

Arrière toute !

L’incohérence caractérise aussi les mesures de déconfinement annoncées.

Le plan de « sortie de crise » des pays que j’ai cité plus haut (Autriche, Tchéquie, Norvège, Danemark) consiste en effet à rouvrir, dès la seconde quinzaine d’avril, crèches, écoles, restaurants et petits commerces. Les rassemblements plus nombreux resteraient proscrits jusqu’au milieu de l’été.

Là aussi, rationnellement ça n’a aucun sens. Rouvrir sur les territoires nationaux les établissements accueillant les enfants, que l’on sait être porteurs sains du Covid-19, ainsi que les restaurants, risque justement de redonner un second souffle à l’épidémie.

Je m’arrête car la liste de ces absurdités est interminable.

La vérité est que les gens en ont marre et que les politiques ont peur de ce ras le bol.

Marre d’être confinés, marre de ne plus pouvoir rendre visite à leurs aînés isolés ou leurs parents éloignés, marre d’avoir leurs enfants qui jouent au ballon dans le salon, marre de voir le printemps s’installer sans pouvoir en profiter, marre aussi qu’on les culpabilise dès qu’ils mettent le nez dehors.

Marre de participer à la plus gigantesque mise sous cloche de l’histoire de l’humanité…

Les politiques ont peur de la récession dans laquelle s’enfoncent la plupart des pays confinés. Ils ont pour le coup raison. Le monde entier est déjà en récession grave. Des millions de gens vont souffrir de pertes d’emploi et d’appauvrissement accéléré.

Le déconfinement annoncé est donc absurde… mais compréhensible.

Consensus… ou conformisme ?

Depuis le début de la crise du Covid-19, je pense beaucoup aux travaux de Solomon Asch et Stanley Milgram.

Solomon Asch était un Polonais émigré aux États-Unis, qui fut dévasté par l’invasion de son pays natal par le régime nazi et par les horreurs commises par ce même régime.

Ses travaux, ainsi que ceux de son élève à l’université de Harvard Stanley Milgram, ont eu pour but de comprendre comment les individus se soumettent à l’autorité et y consentent même lorsque ces ordres sont évidemment absurdes, contre-productifs, immoraux et rentrent en conflit avec leur propre conscience.

Dans les années 1950 et 1960, Asch et Milgram ont mené des expériences qui ont posé les bases de la psychologie sociale, dont les plus célèbres portent leurs noms (l’expérience de Asch et l’expérience de Milgram).

L’expérience de Asch a montré que, quand une majorité émet un avis contraire à la vérité ou effectue un choix mauvais, l’individu au sein du groupe préfère être d’accord ou effectuer ce mauvais choix lui aussi… même s’il est convaincu du contraire.

L’expérience de Milgram, plus connue, mesure le degré d’obéissance d’un individu à des ordres inhumains (en l’occurrence : envoyer des décharges électriques à un autre individu selon un protocole de punition cruel).

Ces expériences passionnantes ont montré que l’acte d’obéissance et de soumission à une autorité se faisait indépendamment ou en dépit du bon sens ou de valeurs humaines fondamentales comme l’empathie.

C’est ce qu’on appelle le conformisme.

Avec ce confinement planétaire, chaque jour qui passe est une expérience d’Asch et Milgram à grande échelle.

Le consensus explose

Il faut donc en revenir au confinement radical « à la française » auquel j’ai toujours été opposé.

C’est une mesure qui a été prise dans la précipitation parce qu’elle semblait sanitairement viable.

Au-delà de ses incohérences dont je viens de parler, et qui devraient tous nous mettre en colère, elle va produire sur la santé globale des effet pires que le Covid-19. J’en ai abondamment parlé dans mes dernières lettres.

Le tout… alors que la preuve de son efficacité est quasi-nulle comparé à des mesures simplement restrictives comme en Allemagne, où le nombre de morts est incroyablement plus bas : 2500 morts au moment où j’écris ces lignes contre près de 14 000 en France.

C’est peut-être la seule avancée positive de ces derniers jours : le conformisme autour du confinement est en train d’exploser, à la fois au sein des populations mais aussi au sein des gouvernements européens.

Tout cela finira probablement par un consensus : les masques.

Le port généralisé du masque dans la rue, qui a été imposé dans certaines villes de France comme à Nice[6] est, à mon avis, la solution vers laquelle on s’achemine.

Elle mettra d’accord ceux qui veulent reprendre une activité normale, faire repartir l’économie et relâcher la pression sur la population d’une part, et d’autre part ceux qui estiment que le danger est toujours bien présent, et qu’on ne peut pas faire comme si de rien n’était.

A mes yeux, la seule attitude à laisser de côté au cours des prochaines semaines, c’est la panique, au sommet de l’Etat comme dans les rayons des magasins.

C’est cette panique qui a conduit le gouvernement à prendre de graves mesures liberticides, et aux populations à s’y soumettre de manière toute aussi irrationnelle.

A présent, des solutions durables sont à privilégier.

Car :

  • les maladies à coronavirus ne vont pas disparaître du jour au lendemain et vont demander de la vigilance ;
  • il faut cesser de vivre dans la peur… c’est sans doute ce qu’il y a de pire pour la santé.

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] « L’entame d’un déconfinement européen » Chams LAZ, Le Temps, vu sur : https://www.letemps.ch/monde/lentame-dun-deconfinement-europeen

[2] « Confinement : le jogging interdit à Paris entre 10 et 19 heures à partir de mercredi » Tristan Berteloot, Libération, vu sur :

https://www.liberation.fr/france/2020/04/07/confinement-le-jogging-bientot-interdit-a-paris-entre-10-et-19-heures_1784439

[3] « La Ville de Paris prête à expérimenter des « certificats d’immunité » pour le déconfinement » Huffpost, vu sur :

https://www.huffingtonpost.fr/entry/paris-est-prete-a-experimenter-des-certificats-dimmunite-pour-le-deconfinement_fr_5e8dda21c5b62459a9322a37

[4] « Recovering after Covid-19: Why it can take months for survivors to fully heal » Abigail Butcher, The Telegraph, vu sur :

https://www.telegraph.co.uk/news/2020/04/08/recovering-covid-19-can-take-months-survivors-fully-heal/

[5] « Le risque de transmission du virus est bien plus important au supermarché qu’au marché » Pr François Oliviennes, Bruno Verjus, Le Monde, vu sur :

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/31/francois-olivennes-et-bruno-verjus-le-risque-de-transmission-du-virus-est-bien-plus-important-au-supermarche-qu-au-marche_6035024_3232.html

[6] « Coronavirus : le masque sera obligatoire à Nice pendant la période de déconfinement » Justine Leclercq, France Bleu, vu sur :

https://www.francebleu.fr/infos/societe/coronavirus-le-masque-sera-obligatoire-a-nice-pendant-la-periode-de-deconfinement-1586369822