Chers amis,

On critique beaucoup la France et l’Italie parce qu’ils recourent faiblement aux tests de dépistage du Covid-19.

La Corée du sud ou l’Allemagne, à l’inverse, ont mené très tôt des campagnes de dépistage, qui semblent avoir limité l’impact de la maladie dans ces pays.

S’en tenir aux tests de dépistage comme mesure de précaution ne suffit cependant pas car…

ces tests ne sont pas fiables à 100 %, loin de là.

« Vous êtes négatif… Mais je pense que vous avez quand même le Covid-19 »

Une de mes connaissances ressentait des symptômes inquiétants cette semaine : toux, douleurs musculaires, maux de tête.

Elle est allée, ce 8 avril, se faire dépister au Covid-19 aux Hôpitaux Universitaires de Genève, une des structures de santé les plus réputées de Suisse.

Le résultat du test a été négatif.

Mais le médecin lui a dit : « Vous êtes négatif oui, mais je pense que vous avez quand même le Covid-19. 40 % des tests ne sont pas fiables. Restez chez vous confiné et cessez tout contact physique avec vos proches. »

L’adolescente de 16 ans décédée dans l’Essonne il y a deux semaines avait été, elle aussi, testée négativement deux fois au Covid-19… avant qu’un troisième test se révèle positif[1]. Si le test avait été positif du premier coup, peut-être aurait-elle été prise en charge à temps.

Les « faux négatifs » apparaissent étrangement nombreux avec le Covid-19.

Cela rend le travail des personnels soignants encore plus compliqué.

Il y a trois raisons très concrètes au manque de fiabilité de ces tests, et j’en soupçonne une quatrième.

1 – Le test est mal fait

Le test au Covid-19 s’effectue au moyen d’un frottis dans la région du nasopharynx (c’est-à-dire tout au fond du nez).

Pour cela, une sorte de long coton-tige que l’on nomme un écouvillon est introduit par le nez jusque dans cette région, où il va être plusieurs fois tourné sur lui-même.

Les matières prélevées par cet écouvillon sont ensuite analysées par une machine qui décode leur ADN pour y déceler la présence éventuelle du virus.

La première limite de ce test est humaine : si le prélèvement est mal fait, l’échantillon ne sera pas assez représentatif, il peut donc « louper » la présence du virus dans la région du nasopharynx.

Et figurez-vous que ce n’est pas si rare que ça. Les tests devraient être pratiqués par des personnels au savoir-faire spécifique. Mais avec la généralisation des tests, des centaines d’infirmières pas réellement formées le pratiquent… et peuvent moins bien l’effectuer.

Ce n’est pas un reproche, évidemment. Mais l’erreur humaine dans ces circonstances a une conséquence dans la « fiabilité moyenne » de ces tests.

2 – Le virus est ailleurs

Habituellement, le Covid-19 commence sa carrière dans la gorge, remonte dans le nez, et peut migrer dans les poumons.

C’est le deuxième problème : le test peut être pratiqué trop tôt, lorsque le virus est encore circonscrit dans la gorge… ou trop tard, quand il a déjà migré dans les poumons et où sa présence est devenue faible dans le nasopharynx.

Une étude réalisée sur 1014 patients de Wuhan a établi que 75 % des patients testés négatifs au Covid-19 s’étaient révélés avoir des affections thoraciques typiques de la maladie, que seul un scanner a pu montrer[2].

Un résultat négatif n’est donc pas la preuve de l’absence absolue du virus… mais la preuve de son absence dans la région du nasopharynx.

3 – Les tests n’ont pas été homologués !

La fiabilité de certains tests en provenance de Chine a été remise en question il y a quinze jours… par la Chine elle-même.

La crise du Covid-19 a amené plusieurs fabricants chinois à mettre les bouchées doubles pour répondre à la demande grandissante de tests.

Mais dans la précipitation avec laquelle les tests sont actuellement conçus, vendus et utilisés, certains reçoivent une homologation UE… sans avoir été précédemment homologués par la Chine elle-même.

Avec des résultats préoccupants : certains tests, vendus avec une fiabilité à 80 %, ne le seraient en réalité qu’à 30 %[3].

4 – Le virus mute déjà

La quatrième explication, c’est moi qui la formule : il y a un peu plus d’un mois, je vous expliquais que les laboratoires pharmaceutiques s’étaient lancés dans une course contre la montre pour trouver un vaccin contre le coronavirus

Mais un vaccin a une chance d’être efficace si et seulement si celui-ci conserve une forme stable.

C’est le problème du vaccin contre la grippe saisonnière : le virus mute chaque année.

C’est la même chose avec le Covid-19 : il est désormais acquis que ce coronavirus a un fort potentiel de mutation… et a déjà commencé à muter.

Or plus ce virus mute, plus le risque qu’un test de dépistage le « loupe » devient important.

Et figurez-vous que des chercheurs islandais ont annoncé il y a deux semaines avoir découvert déjà 40 mutations du Covid-19 chez des patients[4]…

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Que le Covid-19 qui sévit en France est, très probablement, différent génétiquement de celui qui sévit en Chine, et peut-être même de celui qui sévit aux États-Unis ou en Italie.

Si la « base » du génome reste la même, ces différences génétiques rendront les tests de moins en moins fiables.

C’est le même cas de figure que pour la maladie de Lyme, en fait : tant que la bactérie responsable de la maladie était unique, on pouvait se fier à la plupart des tests disponibles… Mais la maladie a connu une telle envolée ces dernières années, due à de nouvelles formes de borrelia, que les tests traditionnels se révèlent insuffisants parce qu’ils ne prennent pas en compte ces évolutions.

Le Covid-19 semble muter si rapidement – l’étude islandaise l’a prouvé – que beaucoup de tests seront bientôt capables d’identifier une seule souche seulement de la maladie… et pas les autres.

C’est à mon avis déjà ce qui est en train de se produire.

Je conclus en disant qu’il vaut évidemment mieux être contaminé et testé positif que contaminé et pas testé du tout.

Mais soyez aussi conscient qu’un test négatif n’est pas une preuve de non-contamination.

Portez-vous bien,

Rodolphe

P.S. Un site Internet regroupe toutes les questions que vous nous envoyez depuis le début de la crise, avec les réponses précises de notre groupe d’experts. Vous pouvez cliquer ici pour y accéder.


[1] KORDA Robin, « Décès de Julie, 16 ans : comment l’adolescente a pu être testée négative deux fois au Covid-19 », le 27 mars 2020 sur leparisien.fr, consulté le 9 avril 2020 et disponible ici :

http://www.leparisien.fr/societe/coronavirus-comment-julie-16-ans-et-decedee-du-covid-19-a-pu-etre-diagnostiquee-negative-deux-fois-27-03-2020-8289321.php

[2] TAO AI MD et allCorrelation of Chest CT and RT-PCR Testing in Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) in China: A Report of 1014 Cases, le 26 février 2020 dans Radiology, disponible sur ce lien : https://pubs.rsna.org/doi/pdf/10.1148/radiol.2020200642

[3] « Tous les test chinois de dépistage du Covid-19 ne sont pas homologués », le 30 mars 2020 sur courrierinternational.com, consulté le 9 avril 2020 et disponible ici : https://www.courrierinternational.com/article/production-tous-les-tests-chinois-de-depistage-du-covid-19-ne-sont-pas-homologues

[4] WOODS Amanda, « Iceland scientists found 40 mutations of the coronavirus, report says », le 24 mars 2020 sur nypost.com, consulté le 9 avril 2020 et disponible ici : https://nypost.com/2020/03/24/iceland-scientists-found-40-mutations-of-the-coronavirus-report-says/