A lire si vous ne comprenez rien à la (nouvelle) affaire de la chloroquine

Chers amis,

Si vous ne comprenez rien à l’affaire qui agite de nouveau les médias depuis plusieurs jours sur la chloroquine … c’est normal.

Je vais vous la résumer du mieux que je peux.

Vous allez voir que cette affaire révèle de graves failles, qui n’ont rien à voir avec la chloroquine…

Résumé des épisodes précédents

La chloroquine est l’objet d’une foire d’empoigne « au sommet » depuis que ce médicament antipaludéen a été identifié comme remède possible au Covid-19, en février. Les premiers à avoir émis cette hypothèse sont des chercheurs chinois.

En France, un infectiologue réputé, le désormais célèbre Pr Didier Raoult, leur a emboîté le pas, déclarant avoir obtenu des résultats prometteurs avec cette molécule et son dérivé, l’hydroxychloroquine.

Ces résultats ont été contestés par d’autres scientifiques et pas n’importe lesquels : ceux siégeant au Comité Scientifique mis en place par la Président de la République durant la crise sanitaire.

Et à partir de là…

Tout a dérapé.

Règlement de comptes à OK Chloroquine

Il y avait deux camps :

  • Les « pour » emmenés par Didier Raoult, soutenus notamment par l’ancien ministre de la santé Philippe Douste-Blazy ;
  • Les « contre » rassemblés autour de l’Agence Française du médicament qui dès le mois d’avril avait mis en garde contre ses effets secondaires présumés.

Nos respectables chercheurs et médecins français de haut-rang se sont transformés en cow-boys, engagés dans un règlement de comptes à OK Corral !

Ça a tiré dans tous les sens et les médias ont compté les points.

Les politiques ont suivi le mouvement de balancier : un coup oui, un coup non, un coup peut-être.

Que reproche-t-on à la chloroquine ?

Si la chloroquine a si tôt montré des résultats encourageants, pourquoi ne l’a-t-on pas prescrit dès les premiers signes d’infection, comme l’ont demandé de nombreux médecins généralistes ?

Pour deux raisons, avancées par les opposants à son autorisation et à sa prescription.

La première ce sont, en effet, ses effets secondaires.

La chloroquine n’est pas une molécule anodine ; c’est un médicament chimique et il n’est à ce titre pas dépourvu de possibles effets néfastes. Les plus légers sont les nausées et les maux de tête ; les plus graves sont les troubles du rythme cardiaque et l’augmentation du risque d’infarctus[1].

Toutefois, vous avez dû entendre parler du « rapport bénéfice/risque » : si les bienfaits d’un médicament sont plus importants que ses possibles effets secondaires, on continue à le prescrire.

C’est le cas de la chloroquine prescrite contre le paludisme.

Mais contre le Covid ?

Les défenseurs de la chloroquine disent que le rapport bénéfice/risque est nettement en faveur du médicament.

Ses détracteurs s’inquiètent au contraire que le risque soit trop important pour un résultat incertain.

C’est là qu’intervient la seconde raison : la chloroquine n’aurait pas fait la preuve de son efficacité.

Normalement, avant d’être mis sur le marché et/ou indiqué pour une pathologie précise, un médicament doit passer plusieurs étapes, qui peuvent prendre plusieurs années.

Le mètre-étalon de ce processus, c’est le fameux essai randomisé en double-aveugle.

Or, en contexte d’épidémie, on n’a pas le temps de faire de tels essais.

Je vous ai expliqué, dans une précédente lettre, comment la chloroquine avait, de façon inédite, sauté l’étape de l’essai randomisé en double aveugle, intenable en termes économiques et de délais.

Le 25 mars, le gouvernement a autorisé par décret son utilisation contre le Covid-19… avant de l’abroger il y a quelques jours…

Parce qu’une étude apparemment sérieuse révélait son inefficacité ; pire : sa dangerosité. 

Une étude trop belle (ou trop laide) pour être vraie

L’étude en question est parue dans The Lancet le 22 mai dernier[2].

The Lancet est, avec Nature, l’une des plus prestigieuses revues scientifiques qui soit. Un article publié sur son site internet est lu par des dizaines de milliers de scientifiques du monde entier. L’étude est relue et validée par des professionnels du plus haut niveau.

Celle parue le 22 mai, basée sur les données de 96 000 patients hospitalisés entre décembre et avril dans 671 hôpitaux du monde entier, comparait l’état de santé de ceux qui ont reçu le traitement à la chloroquine, à celui des patients qui ne l’ont pas reçu.

Les auteurs de l’étude livraient ces conclusions, chiffres à l’appui :

  • non seulement la chloroquine n’offrirait aucun avantage aux malades auxquels on l’avait administrée ;
  • mais en plus la mortalité chez ces derniers était plus importante que ceux du « groupe contrôle ».

Aussitôt, les « opposants » à la chloroquine se sont exclamés : « ah ! On vous l’avait bien dit ! Ce Pr Raoult est un bouffon ! Un danger public ! »

Didier Raoult, de son côté, a eu une réaction immédiate après l’avoir consultée : l’étude est « foireuse », a-t-il déclaré, réalisée par des « pieds-nickelés »[3].

Mais l’État français a abrogé son décret du 25 mars autorisant l’emploi de la chloroquine !

Et l’OMS a suspendu séance tenante les essais cliniques impliquant la chloroquine[4] !

Marche arrière toute !

Depuis 24h, le changement de ton est radical.

L’OMS relance les essais cliniques impliquant la chloroquine[5] !

Voilà la chloroquine réhabilitée !

Que s’est-il passé ?

Eh bien, quelques jours après la publication de cette étude, les plus grands spécialistes mondiaux en infectiologie écrivent au Lancet : « cette étude est vraiment douteuse ».

Le 2 juin, le comité de rédaction du Lancet prend ses distances avec l’étude publiée dans ses colonnes[6].

Le 5 juin, on apprend que trois des quatre signataires de l’étude se rétractent[7].

Le même jour, le Lancet retire officiellement son étude.

Notez que le seul chercheur à ne pas d’être rétracté est le Dr Sepan Desai… créateur de la société qui a fourni les données analysées pour cette étude, nommée Surgisphere.

Or, le sérieux de cette société, le sérieux de son fondateur et des données qu’il a collectées et qui ont servi de base à l’étude publiée par The Lancet sont… douteuses, c’est le moins qu’on puisse dire !

Je vous laisse lire l’article très documenté de France Soir[8] sur le sujet : il y a de quoi rire et pleurer à la fois.

Le plus important reste ceci : l’étude du 22 mai, c’est désormais clair, n’était pas digne de foi.

Pourquoi c’est très grave

Cette affaire dépasse le seul sujet de la chloroquine, et de loin.

Qu’une revue aussi prestigieuse que The Lancet ait pu être bernée par une étude biaisée est un séisme.

Rendez-vous compte : sur la seule foi de cette étude et de la prestigieuse revue qui l’a publiée, des gouvernements du monde entier (à l’exception de pays africains, plus malins que nous[9]) ont suspendu leur usage et leurs essais d’un médicament en fin de compte prometteur.

L’OMS elle-même s’y est laissée prendre.

L’Organisation mondiale de la santé, bernée par une étude bidon !!!!!

La conclusion est terrible mais elle est claire : l’influence d’une étude publiée dans une prestigieuse revue est plus importante que son sérieux scientifique.

Alors on est en droit de se demander : qu’en est-il des dizaines, des centaines d’autres études, qui décrètent, sur des bases peut être douteuses, de l’efficacité de tel médicament ou de telle molécule ?

Des études qui sont prises pour argent comptant par les médias, et pire encore par nos gouvernants et même par l’OMS !

Une certaine tendance de la recherche scientifique

Si vous en doutiez, la science est un milieu qui a ses intérêts, économiques et idéologiques.

Ceux-ci occasionnent de nombreux biais qui nous font remettre de plus en plus en question leur fiabilité.

J’en vois deux.

Le premier, c’est le fameux « publish or perish » (publie ou meurs) sous le joug duquel travaillent la plupart des chercheurs aujourd’hui : pour exister en tant que scientifique, il faut publier, publier, publier.

C’est une tendance relativement récente.

Il n’y a pas si longtemps, on pouvait construire une carrière scientifique et recevoir un prix Nobel sur… une seule étude, ou presque.

C’était alors le travail de toute une vie.

Ce n’est plus le cas : les auteurs enchaînent les études, souvent à la va-vite. La qualité et la fiabilité des études s’en ressentent.

Les chercheurs sont le plus souvent d’honnêtes gens… mais qui n’ont plus le temps de travailler correctement.

La science a ses banques…

Le second, ce sont les intérêts économiques et idéologiques qui sont derrière.

Chaque auteur qui publie une étude scientifique se déclare détaché de tout conflit d’intérêt, une déclaration d’intention… pas toujours conforme à la réalité.

Vous vous souvenez peut-être du scandale révélé il y a quelques années, de l’industrie du sucre qui avait littéralement corrompu des chercheurs pour accuser les graisses, et non le sucre, des maladies cardiovasculaires !

Il en va de même avec les études qui prétendaient démontrer l’efficacité des vaccins contre le cancer du col de l’utérusje vous en parlais récemment. Ces études ont été commanditées et financées par les industriels qui ont conçu ces vaccins, et ont abouti à plusieurs de campagnes de vaccination autour du monde, dont la France.

… et ses chapelles

Mais ce n’est pas tout. Le monde de la science n’est pas fait d’un seul bloc : il a ses chapelles, et donc ses querelles de chapelle.

La chloroquine en est une illustration éclatante. Elle a ses fidèles, ses convertis, et même son martyr, en la figure du chevalier Didier Raoult.

Elle a aussi ses ennemis acharnés, qui croient en un autre « dieu », au hasard un vaccin, attendu comme le messie).

Il en va de même pour des substances aussi banales que le soja, par exemple.

Selon les uns, augmente les risques de cancer du sein, serait un perturbateur endocrinien, aurait un effet néfaste sur la thyroïde…

Selon les autres, protège au contraire du cancer, diminue le taux de cholestérol, protège les os…

Vous trouverez autant d’études scientifiques disant une chose que son contraire. Cela veut dire que les études scientifiques publiées vont très souvent dans une « direction » déterminée par avance.

Ce n’est pas qu’elles sont truquées.

C’est que l’on voit toujours dans ses résultats ce que l’on veut bien y voir !

Et notre santé dans tout ça ??? Comment s’y retrouve-t-on, dans ce gloubi-boulga d’études et de conseils contradictoires ?

C’est un problème qui me préoccupe depuis plusieurs années que je travaille dans le domaine de la santé.

Je suis sur le point de le résoudre sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, et vous aussi j’imagine : l’alimentation.

Je vous en reparle la semaine prochaine.

Portez-vous bien !

Rodolphe 


[1] http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/affichageDoc.php?specid=65130778&typedoc=N

[2] https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)31180-6/fulltext

[3] https://www.france24.com/fr/20200603-covid-19-l-oms-annonce-la-reprise-des-essais-sur-l-hydroxychloroquine

[4] https://www.rts.ch/info/monde/11351013-l-oms-suspend-ses-essais-sur-l-hydroxychloroquine-qui-presente-des-risques.html

[5] https://www.france24.com/fr/20200603-covid-19-l-oms-annonce-la-reprise-des-essais-sur-l-hydroxychloroquine

[6] https://www.letemps.ch/sciences/the-lancet-prend-distances-etude-chloroquine

[7] https://www.linternaute.com/actualite/guide-vie-quotidienne/2489467-chloroquine-l-etude-de-the-lancet-sur-l-hydroxychloroquine-enterree/

[8] http://www.francesoir.fr/societe-economie/lancetgate-surgisphere-la-societe-qui-fourni-les-donnees-letude-est-elle-serieuse

[9] https://www.letemps.ch/monde/quimporte-loms-lafrique-ne-renonce-chloroquine