Chers amis,
Le confinement est pour la majorité d’entre nous une nouveauté, à laquelle nous nous adaptons avec les moyens du bord.
Nous aurions sans doute à apprendre de ceux pour qui le confinement est la norme et nécessite même… un entraînement.
Je veux parler des astronautes, des équipages des sous-marins, des soldats entraînés à survivre dans des cachettes sous terre. Leur vie se déroule dans des conditions plus contraignantes que les nôtres : sorties impossibles, espaces extrêmement réduits, très grande pression psychologique.
L’astronaute : garder le rythme
Les astronautes sont probablement ceux dont le confinement est le plus extrême : dans une station spatiale absolument tout est disponible en quantités restreintes, à commencer par l’oxygène.
Ceux qui séjournent dans la Station spatiale internationale se préparent donc physiquement et psychologiquement durant des années.
La pression psychologique est particulièrement rude puisque le « monde du dehors », le monde des hommes et de la nature, et la « vie normale » sont sur une autre planète (littéralement) : impossible d’obtenir une permission pour quelques jours !
Scott Kelly, un astronaute américain à la retraite qui a passé une année complète dans cette Station spatiale internationale, a partagé samedi dernier dans le New York Times[1] ses conseils pour « tenir » et ne pas perdre la boule dans un si petit environnement aussi longtemps.
Les voici.
1. Se fixer des horaires précis et s’y tenir
Chaque tâche d’un astronaute, qu’elle dure cinq minutes ou huit heures, est prévue à la minute près. Cela permet non seulement de structurer le temps au cours de la journée mais aussi d’établir une frontière entre les différentes activités, afin de ne pas faire cinquante choses à la fois… et au final rien de bien.
2. Trouver son propre rythme
Le sommeil est l’un des besoins physiologiques les plus menacés par la perte de repères. D’où la nécessité de se ménager des plages de temps précises pour toutes ses activités, y compris l’heure du coucher.
Notre rythme circadien (l’horloge biologique qui « lance » le matin les hormones de la vigilance, et le soir celles du sommeil) n’est pas sensible qu’à la lumière : il est aussi sensible à la routine.
Lui donner chaque soir le signal de la fin de la journée, à la même heure, vous permettra de réduire les risques de nuits de mauvaise qualité, voire d’insomnie.
3. Ramener la nature à la maison
Le contact de la nature est un rempart efficace contre la dépression, et plusieurs autres maladies. Je vous en ai déjà parlé à l’occasion de quelques lettres l’an passé.
En temps de confinement il devient urgent de ramener la nature à la maison : si vous avez des plantes, choyez-les ; si vous avez la chance d’avoir un jardin, passez-y le plus de temps possible et soignez-le.
Si vous êtes confiné et n’avez à perte de vue que des barres d’immeubles, essayez de diffuser dans votre appartement des « ambiances » nature, que l’on trouve gratuitement sur des sites comme youtube, comme cette heure de sons issus de la jungle[2] (lien en source).
4. Tenir un journal
Depuis des années que la NASA étudie le comportement humain en confinement, l’une de ses découvertes les plus étonnantes a été le bienfait sur l’équilibre émotionnel de ceux qui tiennent un journal intime.
Le journal permet de traduire en mots nos émotions, nos sensations, et de garder un lien avec la personne que nous avons été. Il permet autant de prendre du recul sur les évènements et la situation extérieure, que sur notre propre agitation intérieure.
5. Garder le lien avec l’extérieur
Si vous lisez cette lettre, c’est déjà que vous avez gardé un lien avec ce qui se passe hors de chez vous. Pendant le confinement il est facile de « se noyer » dans les réseaux sociaux… Mais ceux-ci nous permettent quand même de garder un lien avec nos proches, avec ce qui se passe dans le reste du monde – plus exactement la façon dont le reste du monde réagit face au même problème que nous.
Efforcez-vous d’avoir un lien raisonné avec l’actualité, afin de vous tenir au courant de ce qui se passe, mais sans vous laisser polluer par les nouvelles anxiogènes qui ne manquent jamais d’apparaître sur les fils d’actualité.
J’imagine que vous l’avez déjà fait, mais prenez aussi régulièrement des nouvelles des membres de votre famille, de vos amis, des plus fragiles. C’est ça aussi, l’extérieur.
Le sous-marinier : jouer le collectif
Les missions des équipages affectés à des sous-marins durent 70 à 80 jours. Environ deux mois et demi à ne plus voir la lumière du jour, à côtoyer la même centaine d’individus, embarqués dans ce qui ressemble fort, tout de même, à un cercueil géant.
Comment les sous-mariniers ne deviennent-ils pas claustrophobes ?
Vincent Larnaudie-Eiffel, ancien commandant de sous-marin nucléaire, insiste lui aussi sur l’importance capitale de maintenir un rythme :
« Confiné, on n’en a plus la même perception. La veille paraît semblable au lendemain. Il est pourtant très important de jalonner et rythmer ses journées, de ne pas subir ce temps. Mais aussi de ne pas se laisser aller, de maintenir une activité sportive une heure par jour. »[3]
1. Antidotes à la promiscuité
113 personnes dans un sous-marin, c’est-à-dire quelques centaines de mètres carrés partagés avec une mini-centrale nucléaire, il y a de quoi devenir fou.
Le premier antidote, c’est un surcroît de patience et de politesse, dit-il : s’efforcer de rester maître de soi, même si l’on « bout » intérieurement.
Un autre sous-marinier, Nicolas Lambropoulos, insiste lui aussi sur le « sens du collectif » : il est important, vis-à-vis de ceux avec lesquels on partage l’espace de confinement, de « ne pas faire subir sa colère, sa fatigue, sa mauvaise humeur. Sinon cela devient vite un enfer. »[4]
Le principal antidote à la promiscuité, selon ce commandant de sous-marin, est contre-intuitif : c’est de jouer le jeu du collectif. Autrement dit : ne pas s’isoler quand on souffre de la promiscuité, car cela rend ensuite tout contact encore plus insupportable, mais au contraire cultiver l’esprit d’équipe, l’entraide, participer aux activités à plusieurs.
Les films vus ensemble, et non chacun dans son coin, les jeux de société, permettent de ne pas vivre le confinement dans sa bulle, encore plus confiné en soi-même, mais comme une expérience collective.
2. Se fixer une réalisation ou un apprentissage
Les sous-mariniers donnent un autre conseil, également souvent donné par les astronautes : celui de se fixer un objectif, de réalisation, d’apprentissage, quel qu’il soit : apprendre une nouvelle langue d’ici six semaines (la fin possible du confinement), s’initier au dessin, à la calligraphie…
Les tutoriels sur internet, dans tous les domaines possibles et imaginables, sont aujourd’hui si nombreux qu’il est possible de « faire kaizen », comme disent les Japonais, c’est-à-dire d’apprendre tous les jours tout en restant confiné.
Dans ces conditions, chaque journée qui passe ne pourra pas ressembler à la précédente : vous progresserez et vous pourrez mesurer ces progrès.
Le parachutiste : cultiver les valeurs humaines fondamentales
A priori pas grand rapport entre l’image du parachutiste, suspendu dans les cieux immenses, et celle du Français confiné chez lui.
Pourtant, Xavier Latournerie, ancien chef d’équipe au 13ème Régiment des Dragons Parachutistes, a publié il y a trois jours un texte lumineux sur le réseau social LinkedIn[5].
Cet ancien gradé des Forces Spéciales raconte comment ses missions l’ont amené « à vivre confiné sous terre, à plusieurs dans une cache de quelques tout petit mètres carrés, sans hauteur sous plafond. La bougie nous éclairait et se portait garante de la présence d’oxygène. (…) Sortir de la cache, c’était courir un risque majeur. Les costauds que nous étions passaient des journées à travailler confinés sous terre. Tant d’énergie contenue si longtemps sans accrocs… Quelle prouesse ! »
Pour réaliser cette prouesse en confinement, il faut renouer, selon Xavier Latournerie, avec 5 vertus fondamentales :
- la magnanimité : prendre conscience de sa présence au monde, et décider d’y réaliser quelque chose de grand, et cependant à notre portée ;
- l’humilité : « savoir tenir sa place, son rang, et reconnaitre aussi ses faiblesses pour permettre à l’autre de donner toute sa mesure et donc de prendre et d’occuper sa place » ;
- la rusticité : en gros, la capacité de faire beaucoup avec peu. Disposer de moyens limités et réaliser de grandes choses (on peut commencer par le meilleur endroit de la maison pour ça : la cuisine !). « C’est l’anti-matérialisme appliqué. (…) Il nous faut redécouvrir combien notre vie ne repose pas sur l’accumulation de biens matériels. On peut souvent s’en passer, et finalement mieux s’en porter. La rusticité se développe dans le temps, et souvent sous la contrainte. » ;
- l’instinct : « Il faut se remettre à l’écoute de notre environnement, être aux aguets et mesurer les risques. Tout cela nous pousse à nous tourner vers l’extérieur, à oublier nos égoïsmes et à redevenir plus altruiste. » ;
- la retenue : c’est un peu le contrepoids nécessaire du « jeu du collectif » des sous-mariniers dont je vous parlais plus haut : c’est aussi ça qui empêche la promiscuité de devenir envahissante. « Dans nos caches, nous partagions le plat unique de nos rations de combat, cuit dans la même gamelle. (…) Nous nous découvrions dans l’intime, les masques ne tiennent pas longtemps dans des circonstances aussi extrêmes. Le respect de l’autre impliquait pourtant que nous gardions cette RETENUE, cette barrière invisible qui préserve l’autre, son jardin secret et lui permet in fine de rester lui-même. ».
J’espère que ces suggestions de « spécialistes du confinement » vous aideront. Si vous avez, à votre tour, des conseils et des suggestions à partager pour mieux vivre votre confinement, je vous invite à le faire en commentaire de ce mail.
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] Interview de Kelly Scott, « I spent a year in space and I have tips on isolation to share », le 21 mars 2020 sur newyorktime.com, consulté le 26 mars et disponible sur ce lien : https://www.nytimes.com/2020/03/21/opinion/scott-kelly-coronavirus-isolation.html
[2] Chaîne You Tube de Michael Ghelfi, « RPG/DetD ambiance – Jungle », vidéo publiée le 25 octobre 2018 et disponible sur ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=eWLDwkH71cM
[3] LOMBARD-LATUNE Marie-Amélie, « Confinement : sport, promiscuité, solitude… les conseils d’un ancien commandant de sous-marin nucléaire », le 20 mars 2020 sur lopinion.fr, consulté le 26 mars et disponible ici : https://www.lopinion.fr/edition/politique/confinement-sport-promiscuite-solitude-conseils-d-ancien-commandant-214848
[4] BARALON Margaux, « Les conseils d’un sous-marinier pour mieux vivre le confinement » , le 24 mars 2020, sur europe1.fr, consulté le 26 mars et disponible ici : https://www.europe1.fr/societe/maitrise-de-soi-et-respect-des-regles-les-conseils-dun-sous-marinier-pour-mieux-vivre-le-confinement-3957462
[5] LATOURNERIE Xavier, « Bien vivre le confinement à l’école des forces spéciales », le 23 mars 2020 sur linkedin.com, consulté le 26 mars et disponible ici : https://www.linkedin.com/pulse/bien-vivre-le-confinement-lecole-des-forces-speciales-latournerie
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Atchoum
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Excellent article 👏🤔😉Merci
puisse cette période de confinement changer les mentalités est les comportements et surtout en tiré des enseignements a mon avis s’est pas gagné
La prière, rechercher la face de Dieu en Jésus-Christ, est un bon moyen de mieux vivre le confinement. La prière nous invite même à nous isoler un temps, seul ou avec d’autres.
Cela dit elle n’est pas réservée à un temps particulier de confinement. Il est avantageux de la pratiquer tous les jours. Pour les personnes nées de nouveau elle est même vitale sans quoi notre vie spirituelle s’appauvrit voire dépérit.
Les 5 vertus pour le confinement totalement d’à propos. Bravo et mille mercis.
Grand merci pour votre production !
Il faut que le confinement que l’on vit soit l’occasion d’un approfondissement humaion et spirituel!
Robert
Merci pour l’envoie de vos bons conseils (connaissances et expériences)que nous pouvons partager