Comment faire taire les acouphènes

Chers amis,

Vous avez sans aucun doute déjà subi des acouphènes : les miens prennent la forme d’un sifflement, ou plus exactement du son que produisait la mire de la télévision, à la fin des programmes le soir, lorsque j’étais plus jeune.

Si vous avez connu vous aussi la mire, votre premier réflexe en tombant dessus était soit de zapper, soit d’éteindre la télévision.

Mais lorsqu’on souffre d’acouphènes, on ne peut ni couper le son, ni les zapper, ni les éteindre : on est obligé de prendre son mal en patience.

Et parfois… ils ne s’arrêtent jamais. Transformant l’existant de celui qui les subit en enfer.

J’ai les oreilles qui sifflent

L’acouphène est le terme médical du symptôme « j’ai les oreilles qui sifflent », dont la formulation est, je trouve, ô combien éloquente, car elle désigne parfaitement cette perception auditive (un sifflement) en-dehors de tout stimulus extérieur ; bref, un son qui vient de l’oreille interne.

Ce son prend souvent la forme d’un sifflement, mais il peut également ressembler à un bourdonnement ou à un grésillement.

Les personnes atteintes d’acouphènes perçoivent des sons constants pendant plusieurs minutes, heures, jours, voire semaines ou mois, certains de façon permanente.

La plupart des gens atteints en souffrent de façon récurrente et à une intensité variable.

10% de la population souffrirait d’acouphènes réguliers, et si vous faites partie du lot, vous savez comment cela gâche la vie :

  • Vous avez des difficultés à vous endormir ;
  • Vous avez du mal à vous concentrer ;
  • Vous souffrez d’un « brouillard mental » chronique ;
  • Peut-être cela-t-il développé chez vous de l’anxiété, voire une dépression.

Tous les acouphènes n’ont pas la même cause

Les mécanismes qui conduisent aux acouphènes ne sont pas bien connus ou bien compris.

Étant donné que l’acouphène est la perception d’un bruit en l’absence de tout bruit extérieur, il est probable que le mécanisme fondamental qui en est la cause soit une surexcitation des tissus nerveux du système auditif : les cellules ciliées sensorielles de la cochlée, le nerf auditif et/ou les tissus cérébraux dans lesquels les sons sont analysés.

L’acouphène peut aussi être généré par une diminution ou une augmentation substantielle du débit sanguin dans l’oreille interne.

En fait, il est probable que tous les cas d’acouphènes ne soient pas semblables. Il en existe plusieurs types, chacun ayant un mécanisme différent déclenchant son développement.

L’exposition brutale et/ou prolongée à un bruit trop fort ou prolongée peut être expérimentée par tout un chacun : c’est le sifflement qui suit immédiatement le bruit d’une détonation ou du décollage d’un avion duquel on était trop proche.

Lorsque les oreilles grésillent ou bourdonnent, ce phénomène s’accompagne souvent d’une perte d’audition, par exemple liée à l’âge.

Les bruits anormaux entendus en cas d’acouphènes sont de la même fréquence que les sons provenant de l’extérieur, qu’elles ne peuvent plus entendre.

Les patients atteints d’acouphènes entendent donc en eux-mêmes un son de fréquence comparable à celle des sons qu’ils perçoivent de l’extérieur.

Par ailleurs en novembre dernier, une équipe de chercheurs est, semble-t-il, parvenue à découvrir la cause des acouphènes subis par des personnes ni exposées à un bruit excessif, ni souffrant d’une perte d’audition : il s’agirait d’une lésion du nerf auditif, non détectable par les tests standard[1]

La piste proposée par les auteurs de cette dernière étude pour guérir les acouphènes provoqués par cette lésion consiste à développer des médicaments mimant l’effet des neurotrophines, pouvant régénérer les cellules auditives.

Bon, mais… les autres ?

Traiter le son par le son

Depuis quelques années, plusieurs thérapies contre les acouphènes se sont développées, avec des succès variables.

La plupart traitent le son fantôme par un autre son, bien réel.

L’une d’elle a fait l’objet d’une étude clinique randomisée en double-aveugle, en juin dernier : il s’agit d’un appareil portable programmé pour s’adapter au spectre d’acouphènes particuliers du patient, combiné à une stimulation électrique.

L’approche, appelée stimulation bisensorielle, a permis aux participants de réduire l’intensité de leurs acouphènes et d’améliorer leur qualité de vie, à raison d’une utilisation de 30 minutes par jour pendant six semaines[2], comparé au groupe témoin.

Cette solution est très prometteuse mais n’est donc pas encore disponible.

En revanche plusieurs apps pour ordinateurs et smartphones proposent la même méthode de traitement par le son : vous pouvez en trouver une liste sur le site de l’American Tinnitus Association (Association américaine des acouphènes) sur le lien en source[3].

Ces apps n’ont toutefois pas fait l’objet d’études, je ne peux donc pas vous garantir leur efficacité.

Le bouche-à-oreille fonctionne aussi

Bien connu en revanche est l’impact de l’alimentation, et plus exactement de certains compléments alimentaires, sur l’amélioration des acouphènes.

On peut à ce titre bel et bien parler de « bouche-à-oreille » car ces solutions alimentaires pour un problème d’oreille interne se diffusent de particulier à particulier depuis quelques années.

La première mesure consiste à augmenter votre consommation de magnésium.

Comme le résume le Dr Jean-Paul Curtay, « en cas de stress, lié à un bruit par exemple, le cœur s’accélère, le tonus musculaire augmente ; la noradrénaline, un neurotransmetteur, envoie un signal. Une contraction musculaire se produit grâce à l’arrivée de calcium dans les cellules. Mais ce calcium, en entrant, chasse du magnésium hors de la cellule. Ce dernier se retrouve dans le sang puis dans le rein. Là, le magnésium est envoyé dans les urines. La déperdition de ce nutriment est parfois supérieure à l’apport quotidien recommandé ! »

Le magnésium a donc des propriétés antioxydantes et neuroprotectrices. Une étude de 2011 chez des volontaires a conclu que le magnésium pouvait améliorer les patients souffrant d’acouphènes[4].

Mais l’effet le plus spectaculaire a été obtenu avec de la NAC (N-acétyl-cystéine), un autre antioxydant.

Cette substance est le principe actif des médicaments fluidifiants des bronches que l’on trouve sous forme de sachets en pharmacie. On trouve de la NAC en magasin diététique et sur Internet.

La NAC fait l’objet de plusieurs études, notamment pour ses bienfaits contre la dépression, et en 2010 une patiente dépressive engagée comme volontaire dans l’une de ces études, et qui souffrait depuis des années d’un acouphène très fort ressemblant au son d’un criquet, a vu celui-ci disparaître (en même temps que ses symptômes dépressifs) !

Depuis, plusieurs études ont mis en évidence l’intérêt de la NAC pour réduire voire faire disparaître les acouphènes.

Une étude menée sur les forces armées suédoises a ainsi démontré que les soldats exposés à des accidents acoustiques voyaient l’incidence et l’intensité de leurs acouphènes fortement réduites par la prise de 400 mg de NAC immédiatement après l’accident[5].

Si vous souffrez vous-même d’acouphènes et que vous avez trouvé une méthode pour les réduire ou les faire taire, n’hésitez pas à les partager en commentaire !

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] Vasilkov, V., Caswell-Midwinter, B., Zhao, Y. et al. « Evidence of cochlear neural degeneration in
normal-hearing subjects with tinnitus. » Sci Rep 13, 19870 (2023).

[2] Jones GR, Martel DT, Riffle TL, et al. « Reversing Synchronized Brain Circuits Using Targeted
Auditory-Somatosensory Stimulation to Treat Phantom Percepts : A Randomized Clinical Trial. »
JAMA Netw Open. 2 juin 2023

[3] American Tinnitus Assoication. https://www.ata.org/about-tinnitus/patient-tools/apps/

[4] Cevette MJ, Barrs DM et al. « Phase 2 study examining magnesium-dependent tinnitus. » Int Tinnitus
J.2011;16(2):168-73.

[5] Rosenhall U, Skoog B, Muhr P. « Treatment of military acoustic accidents with N-Acetyl-
L-cysteine (NAC).» Int J Audiol. 2019 Mar;58(3):151-157.