Chers amis,

Le président de la République M. Macron vient de procéder à un remaniement gouvernemental.

Ce remaniement ressemble pour l’essentiel à un jeu de chaises musicales puisque les portefeuilles nouvellement attribués le sont à des ministres qui changent simplement de poste, ou à des personnalités déjà proches du pouvoir.

Le ministère de la santé est directement concerné puisque son titulaire François Braun, part purement et simplement.

Dans le métier, on dit qu’il est monté dans la charrette.

Il est remplacé à ce poste par Aurélien Rousseau, jusqu’alors directeur de cabinet de Mme Borne, première ministre.

Ce changement, qui intéresse peu la presse (plus captivée par le remplacement de Pap N’Diaye par Gabriel Attal au ministère de l’éducation), est pourtant très, très éloquent.

Pourquoi François Braun est-il démis de ses fonctions ?

Dans le milieu médical, le départ de François Braun n’est pas une surprise et était même « prédit » depuis une quinzaine de jours par certains médias spécialisés[1].

L’interprétation des raisons de cette éjection est assez limpide : François Braun a échoué.

Rappelez-vous, il est arrivé à ce poste il y a un an en pleine crise des services d’urgence ; un an plus tard la seule réponse pérenne apportée à ce problème structurel, c’est… appeler le 15, et l’invitation à la téléconsultation !

Par ailleurs, l’absence de progrès dans la profonde crise dans laquelle s’enlise l’hôpital public français a contribué à détériorer les relations entre François Braun et les médecins, qu’ils soient hospitaliers ou libéraux, ulcérés par l’échec des négociations de revalorisation de leurs tarifs.

Le vrai ministre de la santé, c’est Emmanuel Macron !

Et puis, il y a des signes qui ne trompent pas.

Qui a annoncé, il y a quelques mois, la généralisation de la vaccination anti-HPV auprès des collégiens à la rentrée ? Pas François Braun (ni Pap N’Diaye d’ailleurs), mais Emmanuel Macron.

Qui a annoncé, plus récemment, le plan gouvernemental contre la pénurie de médicaments (je vous en parlais dans une lettre récente) ? Emmanuel Macron !

Emmanuel Macron dans le rôle du premier médecin des Français, ce n’est pas nouveau.

Après tout, c’est lui qui, il y a trois ans, nous annonçait nous enfermer à la maison pour cause d’épidémie virale ou encore, il y a deux ans, la création d’un pass sanitaire pour nous inciter à nous faire inoculer les serums anti-Covid fraîchement achetées.

Emmanuel Macron n’est pas seulement commandant en chef des Armées, il est le médecin traitant des citoyens français ! A chaque fois qu’il s’adresse aux Français sur le sujet de la santé, il leur prescrit quelque chose (un vaccin, en général).

Le départ de François Braun, ministre en grande partie méconnu du grand public et de plus en plus mal vu des personnels soignants, n’est donc qu’une conséquence de cette appropriation marquée de la santé des Français par l’homme politique E. Macron.

Et la nomination du remplaçant de François Braun est la confirmation décomplexée de cette politisation absolue de la santé en France.

A la place d’un médecin, Emmanuel Macron nomme au ministère de la santé… un énarque

On aurait pu penser que, pour remplacer un François Braun au mieux invisible, au pire impopulaire, Emmanuel Macron opte pour une personnalité reconnue et respectée du monde de la santé.

Je ne l’imagine certes pas nommer un Pr Perrone ou un Didier Raoult, mais franchement je n’aurais pas été surpris de voir un Pr Fischer, l’ancien « monsieur vaccin » durant la crise du Covid, être nominé à ce poste. Ç’aurait été cohérent.

Mais non, à ce poste M. Macron vient de nommer Aurélien Rousseau.

Vous ne connaissez pas Aurélien Rousseau ? C’est normal. Il était, jusqu’ici, directeur de cabinet d’Elisabeth Borne ! Ils ne sont pas allés bien loin pour trouver un remplaçant à M. Braun.

Je n’ai rien contre Aurélien Rousseau, et je lui souhaite bonne chance dans sa nouvelle fonction.

Mais sa nomination interpelle forcément, car elle siffle l’arrêt d’un jeu de dupe depuis plusieurs années.

Depuis qu’il est président de la République, Emmanuel Macron a pris soin de nommer des professionnels de santé au poste de ministère de la santé.

Agnès Buzyn était hématologue, son successeur Olivier Véran neurologue, et François Braun, chef de service des urgences de Metz. Il n’y a guère que l’éphèmère Brigitte Bourguignon (ministre de la santé durant deux mois et demi l’an dernier) qui n’ait été qu’une « politique politicienne » nommée à ce poste.

Aurélien Rousseau, lui, est… énarque. Un pur produit de l’excellence administrative française, donc.

Il n’est cependant pas étranger aux questions de santé puisqu’il a été à la tête de l’Agence régionale de Santé d’Île-de-France pendant la crise du Covid-19[2].

Parti du cabinet d’E. Borne, il s’apprêtait à rejoindre la Caisse des Dépôts et consignations.

Bref, Aurélien Rousseau est un vrai Haut-Fonctionnaire qui a commencé sa carrière au Conseil d’état, et aussi bien capable de travailler sur des questions d’informatique que d’urbanisme (il a fait les deux).

Nommer un énarque, habitué des hautes sphères administratives et gouvernementales, au poste de la minitre de la santé, que cela veut-il dire ?

Cela veut dire, tout simplement, que la santé n’est définitivement plus qu’une question administrative et politique. Pas une question de soin ou d’empathie, non : une simple question de gestion d’intérêts.

Peut-être Aurélien Rousseau parviendra-t-il à redresser l’hôpital public et à renouer le dialogue avec le corps médical : nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne surprise.

Mais pour le moment, je ne vois dans cette nomination que la preuve supplémentaire de la prise en charge directe de la santé en France par le politique, et plus exactement par un homme politique : Emmanuel Macron. C’est d’ailleurs lui qui a passé directement un coup de fil à Aurélien Rousseau pour lui demander d’accepter ce ministère.

D’une certaine façon, cette nomination met fin à une certaine forme d’hypocrisie, qui pouvait nous laisser croire que ce ministère était occupé par des médecins profondément concernés par la santé de leurs concitoyens.

Mais nous avons surtout la confirmation explicite qu’il ne s’agit que d’une administration à gérer selon les directives du médecin traitant de tous les Français, Emmanuel Macron, à la désespérante vision étroite dans ce domaine, dictée par des intérêts économiques et pharmaceutiques.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet

[1] « François Braun sur le départ ? », Quentin Haroche, Journal International de Médecine, 10 juillet 2023 ; disponible sur : https://www.jim.fr/medecin/e-docs/francois_braun_sur_le_depart__198063/document_actu_pro.phtml#:~:text=Paris%2C%20le%20lundi%2010%20juillet,son%20entr%C3%A9e%20avenue%20de%20S%C3%A9gur.

[2] « Remaniement : Aurélien Rousseau, ex-directeur de cabinet d’Élisabeth Borne, va remplacer François Braun au ministère de la Santé », Le Figaro, Tristan Quinault-Maupoil, 20 juillet 2023
Disponible sur : https://www.lefigaro.fr/politique/remaniement-aurelien-rousseau-ex-directeur-de-cabinet-d-elisabeth-borne-va-remplacer-francois-braun-au-ministere-de-la-sante-20230720