Chers amis,

Chaque année, l’automne est la saison privilégiée de distribution des prix et récompenses.

L’un de ces rituels a une dimension internationale : ce sont les différents prix Nobel décernés en physique, en chimie, en médecine et en littérature ; sans oublier le prix Nobel de la paix.

Cette semaine, nous sommes en plein dedans. Lundi dernier, le prix Nobel de médecine a été décerné à Katalin Karikó et Drew Weissman pour, je cite, « leurs découvertes (…) qui ont permis le développement de vaccins à ARNm contre le Covid-19 »[1].

Il y a de quoi être surpris par l’attribution de ce prix.

Non pas surpris dans l’absolu, car la technologie de l’ARN messager est effectivement considérée, par une large frange de la médecine conventionnelle, comme l’avenir de l’industrie vaccinale.

Mais surpris par la méthode d’attribution… qui déroge à plus d’un siècle de pratique du comité Nobel.

L’ARN messager, une avancée majeure…

Les deux scientifiques hongrois et américain méritent-ils le prestigieux prix Nobel, assorti d’une récompense de près d’un million d’euros ?

D’une certaine façon, oui.

L’ARN messager n’est pas un concept neuf : les Français Jacques Monod et François Jacob avaient même été récompensés pour leurs découvertes (en réalité des hypothèses, par la suite vérifiées) au sujet du rôle de ce morceau méconnu d’ADN en 1965 par… le Prix Nobel de médecine.

Les travaux de Katalin Karikó et Drew Weissman ont ouvert la voie à une utilisation de ce même ARN messager (appelé ainsi parce qu’il transporte des informations génétiques destinées aux cellules) à des fins thérapeutiques, notamment contre le cancer.

C’est passionnant et prometteur mais, jusqu’en 2020… c’était purement expérimental.

L’arrivée du Covid a donné une occasion aux généticiens de déployer à très grande échelle cette technologie expérimentale en l’appliquant à un produit pharmaceutique bien connu : un vaccin.

Depuis Pasteur, la méthode de fabrication d’un vaccin était plus ou moins la même : on injecte la version « atténuée » d’un virus afin que le système immunitaire du patient fabrique ses anticorps et puisse être préparé lorsqu’il rencontrera le vrai virus.

L’irruption de l’ARN messager en 2020 dans l’univers de la vaccinologie s’apparente à celle d’un chien dans un jeu de quilles : en l’occurrence, on n’inocule plus du tout au patient la version atténuée d’un virus (le Covid), on incite son organisme à créer lui-même une partie de ce virus (la fameuse protéine Spike, formant la pointe dont le coronavirus est tout hérissé).

… au sujet de laquelle on manque terriblement de recul

On ne peut pas le nier : c’est un bouleversement majeur dans le monde de la médecine.

Le seul problème, vous le savez… c’est que ce bouleversement en était (et est toujours) au stade expérimental lorsqu’il a été appliqué à la vaccination.

L’expérimentation fait partie du processus normal de la science en général, et de la médecine en particulier.

Cette étape est, en principe, rigoureusement encadrée et surveillée, avec des protocoles contraignants (l’étalon-or est l’essai randomisé en double aveugle et, pour les produits pharmaceutiques, l’observation de trois phases expérimentales s’étalant sur plusieurs années).

Or ici, à la faveur d’une situation de crise jugée exceptionnelle, l’application de cette technologie médicale balbutiante a non seulement brûlé toutes les étapes de l’expérimentation scientifique, mais elle a été, avec les produits AstraZeneca et Pfizer, administrée à des centaines de millions d’êtres humains sur la planète.

J’ai à plusieurs reprises, depuis trois ans (comme le temps passe vite !), alerté sur le péril ahurissant qui consiste à injecter à des masses de population entières un produit pharmaceutique dont l’efficacité et l’innocuité annoncées reposent sur des études précipitées et bâclées, et au sujet duquel on manque nécessairement de recul.

… et c’est précisément sur ce dernier point que le Comité Nobel a fait une grave erreur de jugement.

Avez-vous remarqué ce point commun entre les prix Nobel ?

Que ce soit en physique, en chimie, en médecine ou en littérature, un prix Nobel répond généralement à un principe fondamental : celui de la validation du temps.

Si la plupart des récipiendaires ont des têtes chenues, ça n’est pas pour rien : c’est parce que le prix Nobel couronne des travaux dont l’écho dans l’histoire a vérifié la valeur et la portée.

C’est peut-être en littérature que c’est le plus évident : même quand un chanteur comme Bob Dylan a reçu le prix Nobel de littérature en 2016, il n’était évidemment plus le jeune chanteur connaissant ses premiers succès avec « Like a rolling stone ».

C’est pour la façon dont les textes de ses chansons ont infusé dans la culture occidentale et tout simplement duré qu’il a été récompensé.

Idem avec Annie Ernaux, récompensée l’an dernier : elle n’a jamais été l’auteure de best-sellers comme un Marc Levy ou un Guillaume Musso, mais une écrivaine dont l’œuvre s’est imposée au cours des décennies comme l’une des plus singulières depuis la libération sexuelle.

Ce critère décisif du temps est encore plus important pour le prix Nobel de médecine. Lorsque Luc Montagnier a reçu le prix en 2008 pour sa découverte du sida, c’était un quart de siècle après ladite découverte.

Tous les Nobel de médecine ou presque, depuis plus d’un siècle, respectent ce critère : seul le temps permet de juger à long terme la portée d’une découverte et/ou d’une innovation médicale.

Il faut au minimum vingt ans.

Même Alexander Fleming, lorsqu’il a reçu le prix Nobel en 1945 « seulement » dix-sept ans après sa découverte de la pénicilline, pouvait arguer d’une incontestable réussite du premier antibiotique suite à son rôle salvateur auprès de nombreux soldats lors de la Seconde Guerre mondiale.

L’erreur historique du comité Nobel

Avec la remise du prix Nobel de médecine à Katalin Karikó et Drew Weissman pour leurs découvertes ayant permis le développement de vaccins anti-Covid, le comité Nobel ramène ces décennies de recul à… trois ans.

Trois ans, à l’échelle de la médecine et de la science, pardonnez-moi l’expression, mais c’est du pipi de chat.

En trois ans, non seulement les effets secondaires « immédiats » de ces produits commencent à peine à être reconnus – j’en veux pour preuve le lien entre vaccination anti-Covid et saignements vaginaux confirmé seulement la semaine dernière dans Nature [2]– mais, surtout, nous n’avons rigoureusement aucune idée des effets secondaires à long terme de ces produits expérimentaux.

Autrement dit, en décernant le prix Nobel de médecine à ces deux scientifiques qui, j’en suis certain, n’ont pas démérité, le comité Nobel se rend coupable d’emballement et d’aveuglement lié à l’actualité.

Il s’agit d’un acte politique, presque de propagande pour les sociétés pharmaceutiques ayant développé et vendu ces produits, en aucun cas d’une décision dictée par la sagesse et l’observation de l’œuvre du temps.

Vous me direz, ce n’est pas tout à fait la première fois que le comité Nobel commet une telle erreur historique. En 1948, le Nobel de médecine avait été attribué à Paul Hermann Müller pour sa découverte de l’emploi du DDT comme insecticide… finalement interdit un quart de siècle plus tard pour ses effets dévastateurs sur la santé humaine et l’environnement.

Et en 1949, Egas Moniz avait reçu le même prix pour la « valeur thérapeutique de la lobotomie », aujourd’hui regardée comme l’une des interventions médicales les plus inhumaines et barbares du XXe siècle.

Bref, nous pouvons lancer les paris et en reparler dans vingt ans : à mon humble avis, il y a de fortes chances que ce prix Nobel de médecine 2023 sera alors regardé sinon comme l’une des plus graves erreurs du comité, du moins comme inconsidérément précipité.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


[1] « LE PRIX NOBEL 2023 DE MÉDECINE ATTRIBUÉ À DEUX PIONNIERS DES VACCINS À ARN MESSAGER », AFP/BFMTV, consulté le 2 octobre 2023 ; disponible sur : https://www.bfmtv.com/sciences/le-prix-nobel-2023-de-medecine-attribue-a-deux-pionniers-des-vaccins-a-arn-messager_AD-202310020451.html

[2] K. Sanderson, « COVID vaccines linked to unexpected vaginal bleeding”, Nature, 25 septembre 2023 ; disponible ici : https://www.nature.com/articles/d41586-023-02996-6