Chers amis,

Au cours de mes veilles scientifiques, je tombe souvent sur des études qui me font sourire, car elles prouvent « scientifiquement », par A + B et de nombreux graphiques à l’appui… ce que nous savons déjà intuitivement !

Il existe donc (et je vous en ai parlé) des études démontrant que boire du vin rend plus joyeux, que faire l’amour permet de vivre plus vieux, et que vivre au bord de la mer rend plus heureux.

C’est très précisément ce que fait une étude[1] de l’université de Vienne, publiée il y a quelques jours dans la revue Nature, établissant que vivre à proximité du littoral ou se rendre régulièrement au bord de la mer a des bienfaits santé mesurables.

Le bon air de la mer (mais pas que)

Ce n’est, bien entendu, pas la première étude observant une corrélation entre la proximité de la mer et une meilleure santé : des recherches menées en Angleterre[2][3], en Belgique[4] et en Espagne[5] notamment l’avaient déjà établi.

Ces bienfaits sont attribués généralement à la meilleure qualité de l’air au bord de la mer, à un environnement plus propice à l’activité physique[6] mais aussi à l’effet relaxant d’une simple vue au bord de l’eau[7].

Il faut d’ailleurs noter que, dans toutes ces études, les chercheurs nomment ces paysages littoraux des « espaces bleus » (« blue space », par distinction des « green space », soit des espaces verts), ce qui suggère que cet effet bord de mer marche tout aussi bien pour un lac !

Plus généralement, la proximité des espaces bleus aiderait ceux qui peuvent en bénéficier à réduire leur « charge allostatique », c’est-à-dire l’usure du corps provoquée par le stress physique aussi bien que mental provoqué par l’environnement[8].

15 pays et des résultats étonnants

L’étude pilotée par l’université de Vienne inclut les données de 14 pays européens (parmi lesquels la France, l’Italie, la Belgique et l’Allemagne) et de l’Australie.

Les populations étudiées (totalisant 15 000 personnes) sont panachées en termes d’âge, de sexe et de régions.

Plusieurs hypothèses ont été testées, et ce qui ressort des résultats est le lien « très fort » entre le fait de vivre au bord de l’eau et une meilleure santé.

Les personnes vivant au bord de l’eau et ayant participé à l’étude jouissaient d’un état de santé psychique et physique globalement meilleur.

De façon étonnante, le pays où cette corrélation est la moins forte est l’Italie, pourtant entourée d’eau ! Cependant la tendance observée est la même dans les 15 pays, et les auteurs de l’étude soulignent à la fois la cohérence des données recueillies, et la clarté de ce qu’elles suggèrent.

Et si je n’ai pas les moyens de vivre au bord de la mer ?

Si vous-même ne vivez pas au bord de la mer ou d’un lac, vous vous dites sans doute : « Oui, mais avoir une habitation avec vue sur mer est un privilège que je ne peux pas m’offrir. »

Le marché immobilier des zones littorales est notoirement moins abordable (sans jeu de mots !), c’est vrai.

D’abord, toutes les zones littorales ne se valent pas, sur le marché immobilier, alors que l’étude prouve qu’elles se valent toutes, du point de vue santé. Dans l’absolu, vivre sur la Côte d’Azur ou au bord de la mer du Nord procure les mêmes bienfaits – peut-être même davantage, puisque la Belgique figure parmi les pays où la corrélation est la plus forte.

Ensuite, il faut réfléchir à long terme : personnellement, je suis prêt à payer un peu plus cher un appartement ayant vue sur un « espace bleu »… et payer moins de frais de santé au final ! C’est difficile à quantifier, naturellement, mais le seul plaisir d’avoir vue sur une eau paisible est déjà un argument difficilement monnayable.

Enfin, j’ai une excellente nouvelle : c’est que les résultats de l’étude sont encore plus spectaculaires dans l’hypothèse d’une « visite au bord de mer ».

Si la corrélation entre l’habitat littoral et une meilleure santé globale est « très forte », celle entre des excursions régulières sur la côte et une meilleure santé est, elle, « extrêmement forte » :

Autrement dit, se rendre régulièrement au bord de la mer, sans y habiter, peut être encore plus bénéfique que d’y habiter !

Cela vient, sans doute, que l’on met davantage à profit une excursion balnéaire délimitée dans le temps pour s’y consacrer à la baignade, à des balades au bord de l’eau, à du sport ou à du farniente !

Et vous, quel effet vous procurent les « espaces bleus », si vous avez la chance de vivre à proximité ou de vous rendre régulièrement ? Qu’avez-vous pour habitude d’y faire ?

Portez-vous bien,

Rodolphe

[1] Garrett, Joanne K et al. “Coastal proximity and mental health among urban adults in England: The moderating effect of household income.” Health & place vol. 59 (2019): 102200. doi:10.1016/j.healthplace.2019.102200 https://www.nature.com/articles/s43247-023-00818-1

[2] Wheeler, B. W., White, M., Stahl-Timmins, W. & Depledge, M. H. Does living by the coast improve health and wellbeing? Health Place 18, 1198–1201 (2012)

[3] Pasanen, T. P., White, M. P., Wheeler, B. W., Garrett, J. K. & Elliott, L. R. Neighbourhood blue space, health and wellbeing: The mediating role of different types of physical activity. Environ. Int. 131, 105016 (2019).

[4] Hooyberg, A. et al. General health and residential proximity to the coast in Belgium: Results from a cross-sectional health survey. Environ. Res. 184, 109225 (2020).

[5] Ballesteros-Olza, M., Gracia-de-Rentería, P. & Pérez-Zabaleta, A. Effects on general health associated with beach proximity in Barcelona (Spain). Health Promot. Int 35, 1406–1414 (2020).

[6] Gascon, M., Zijlema, W., Vert, C., White, M. P. & Nieuwenhuijsen, M. J. Outdoor blue spaces, human health and well-being: A systematic review of quantitative studies. Int. J. Hyg. Environ. Health 220, 1207–1221 (2017).

[7] Nutsford, D., Pearson, A. L., Kingham, S. & Reitsma, F. Residential exposure to visible blue space (but not green space) associated with lower psychological distress in a capital city. Health Place 39, 70–78 (2016)

[8] White, M. P., Alcock, I., Wheeler, B. W. & Depledge, M. H. Coastal proximity, health and well-being: results from a longitudinal panel survey. Health Place 23, 97–103 (2013)