Chers amis,

Nous devons l’un des plus simples et riches aliments de notre quotidien à une histoire de jolies plumes colorées.

À la question « qui de l’œuf ou de la poule est apparu en premier ? », je vous réponds en effet : le coq !

Et plus exactement le coq doré, Gallus gallus spadiceus.

Les poules de votre poulailler, la volaille de chez votre boucher et les œufs de votre supermarché viennent, comme les 60 à 80 milliards de poulets dans le monde, de ce couple :

Ce coq, qui peut vous paraître banal, ne l’était pas il y a 3000 ans : son plumage était jugé exceptionnel.

Originaire d’Asie du sud-est, plus exactement d’une zone englobant des parties de la Thaïlande, du Laos et de la Birmanie, le coq doré a en effet conquis le monde grâce à son plumage chatoyant.

Il était un cadeau de prestige et, comme tel, s’est répandu dans le monde, accompagné de quelques poulettes pour lui tenir compagnie et lui faire des petits.

Ce sont les conclusions d’une mission de recherche archéologique et génomique menée sur 600 sites archéologiques dans 89 pays : nos poules et nos coqs domestiques seraient tous issus de ce coq doré, un cousin du faisan[1].

Le coq, le navire marchand, Jules César et la Bible

C’est la gourmandise du coq doré qui aurait précipité ses descendants dans notre assiette.

Le coq doré serait en effet sorti de sa forêt il y a 3500 ans au moment du développement de l’agriculture en Asie du sud-est, attiré par l’abondance des grains de riz et de millet.

Avec pour véhicules les caravanes et les navires marchands, le coq et la poule ont conquis peu à peu le monde ; ils auraient mis la patte en Europe, plus exactement en Grèce et en Italie, entre le 8e et le 7e siècle avant Jésus-Christ.

En France, ils ne seraient pas arrivés avant le 1er siècle av. J.-C. Le coq gaulois ne l’a donc jamais vraiment été !…

Parmi les nombreuses traces de la datation de son expansion, on trouve la Bible : nos chers poulets ne sont jamais mentionnés dans l’Ancien Testament, mais le sont dans le Nouveau.

Jules César l’évoque dans sa Guerre des Gaules, mais en précisant que l’oiseau est trop rare pour être mangé !

Ce n’est qu’au Moyen-Âge que le coq doré serait passé du statut d’animal de prestige à celui de produit de consommation.

Les descendants domestiqués du coq doré ont, depuis les années 1950, doublé en taille et triplé en poids : les éleveurs ont sélectionné les poules grossissant plus vite et pondant davantage[2]. La viande de poulet est aujourd’hui la plus consommée dans le monde.

Mais les descendantes du coq doré nous ont donné l’un des plus merveilleux aliments qui soient : l’œuf.

Il en a sous la coquille !

Aucun autre aliment que l’œuf n’est plus complet.

Il contient des vitamines, B2, B5, B8, B9, B12, mais aussi des vitamines E, A, D, K.

Il apporte tous les acides aminés essentiels.

Deux œufs de 60 g fournissent ainsi 15 à 16 g de protéines de qualité, l’équivalent d’une portion de 100 grammes de poisson ou de viande, à moindre prix.

Les protéines sont majoritairement contenues dans le blanc mais il y a en a aussi dans le jaune.

Le jaune d’œuf représente en revanche une excellente source de choline, un nutriment essentiel qui soutient les fonctions cérébrales et entre dans la composition de l’acétylcholine, neurotransmetteur indispensable au système nerveux.

La population ne consommerait pas assez de choline et le foie en fabriquerait insuffisamment. Manger des œufs permet de compléter les apports : avec un taux de 250 mg pour 100 g, l’œuf contient davantage de choline que la viande ou le poisson (de 70 mg à 100 mg/100 g), les légumineuses et les noix (autour de 40 mg/100 g).

« T’as de bons œufs, tu sais… »

Un œuf contient de la lutéine et la zéaxanthine (qui lui donne sa couleur jaune), deux caroténoïdes aux puissants effets antioxydants : ils préviennent la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) et la cataracte.

Selon une étude portant sur plus de 83 000 infirmières, les apports en lutéine et en zéaxanthine sont également utiles pour réduire le risque de cancer du sein chez les femmes aux alentours de la ménopause[3].

Les œufs sont aussi une bonne source de sélénium et contiennent également du zinc, deux autres anti-oxydants majeurs.

Et le cholestérol, alors ?

Je vous en ai déjà parlé : on a longtemps accusé (à tort) l’œuf d’augmenter le cholestérol.

Certes, les œufs contiennent beaucoup de cholestérol (500 mg pour 100 g), nettement plus que la viande (environ 80 mg/100 g) mais des études ont démontré que la consommation d’un œuf par jour est sans influence sur la cholestérolémie et le risque de maladies cardio-vasculaires[4].

Le cholestérol de provenance alimentaire a en réalité peu de conséquences sur le cholestérol sanguin, principalement produit par le foie.

En cas d’hypercholestérolémie, mieux vaut limiter les aliments riches en graisses saturées (fromage, viande rouge etc.), qui semblent davantage impliqués dans la hausse du cholestérol sanguin… 

Surtout, le cholestérol est le précurseur des hormones stéroïdes (testostérone…) et des acides (sels) biliaires. Il est indispensable pour la synthèse de la vitamine D. Il vaut mieux donc en avoir de bons apports… en mangeant des œufs !

De bonnes graisses

Le profil lipidique des œufs est idéal : un œuf ne contient que 35 % d’acides gras saturés, bien moins que la viande et les produits laitiers.

Avec 50 % d’acides gras monoinsaturés (les fameux oméga-9), l’œuf participe à la prévention des problèmes cardio-vasculaires.

Il contient aussi 15 % d’acides gras polyinsaturés, principalement des oméga-6 mais il peut aussi contenir une bonne proportion d’oméga-3, à chaîne courte comme à chaine longue (comme dans les oméga-3 issus des poissons).

Pour cela, il faut aux poules une alimentation enrichie avec des graines de lin (filière bleu blanc cœur, par exemple). Un œuf oméga-3 peut alors couvrir 25 % de nos besoins en oméga-3.

Comment choisir de bons œufs ?

Victime de son succès, le poulet est malheureusement souvent élevé dans des conditions désastreuses : les élevages intensifs ne sont pas seulement une défaite éthique, ils sont aussi un désastre sanitaire.

75 % des œufs produits pour la consommation viennent de poules élevées en cage qui ne verront ni la terre, ni le soleil.

La qualité nutritive de ces œufs est bien moindre que celle d’œufs de poules élevées en plein air et nourries correctement.

Si vous achetez vos œufs en supermarché, ouvrez la boîte pour prendre connaissance du code écrit en rouge sur la coquille.

Si ce code commence par le chiffre zéro, vous avez entre vos mains des œufs bio. Les deux lettres suivantes correspondent au pays d’origine (FR pour la France). Ensuite, le code présente des chiffres qui désignent le site d’élevage.

0 : Plein air et alimentation bio

La vraie garantie des œufs certifiés bio, c’est une alimentation composée uniquement de végétaux, de minéraux et de vitamines. 95 % des produits doivent provenir de l’agriculture biologique. Les colorants de synthèse sont interdits.

En cas d’apparition de maladies, l’éleveur doit privilégier les produits phyto naturels (homéopathie par exemple). Les antibiotiques et les médicaments chimiques ne sont pas autorisés pour la prévention.

1 : Plein air et Label Rouge

Dans les élevages en plein air, les poules disposent chacune d’au moins 5 m² en moyenne sur le parcours extérieur (des producteurs peuvent néanmoins proposer des surfaces supérieures).

Les poules reçoivent la même nourriture que celles élevées en batterie mais avec un minimum de 50 % de céréales (pour les oméga-3 notamment). Là aussi, pas de colorants de synthèse.

Les poules peuvent aussi manger de la végétation et des vers de terre. Mais est-ce une garantie suffisante ?

2 : Élevage au sol

Il s’agit d’œufs de poules élevées au sol, sous des hangars. C’est un élevage intensif en intérieur. Les poules n’ont donc pas accès à l’air extérieur et à la lumière. Elles vivent sous éclairage artificiel.

3 : En batterie

Ces œufs représentent la moitié de la production et on les consomme bien souvent sans le savoir, via les plats servis au restaurant, dans de nombreux plats préparés, dans les biscuits, etc.

Ce mode d’élevage est considéré comme le plus cruel. Les cages sont empilées sur plusieurs étages. Chaque poule ne dispose pas plus d’une feuille A4, vit dans les déjections et au milieu des cadavres.

Allez vous faire cuire un œuf ! C’est pour votre bien !

Je recommande de consommer au moins un œuf par jour, voire deux.

Il est préférable de cuire le blanc à cause de quelques molécules qui empêchent l’assimilation de certaines protéines.

Cela permet aussi de neutraliser l’avine, une protéine qui empêche l’assimilation de la vitamine B8 ; à l’inverse, si l’œuf est trop cuit, les protéines du jaune sont moins bien digérées.

La meilleure manière de consommer un œuf c’est de cuire le blanc mais pas le jaune : à la coque, mollets ou pochés.

Pour ma part, je le consomme à la coque, chaque matin.

Portez-vous bien,

Rodolphe

[1] « Comment la poule a conquis le monde », Sciences et avenir n°908, octobre 2022, pp.50-52

[2] Ibid.

[3] Zhang S, Hunter DJ, Forman MR et al. Dietary carotenoids and vitamins A, C, and E and risk of breast cancer. J Natl Cancer Inst. 1999.

[4] « A prospective study of egg consumption and risk of cardiovascular disease in men and women ».

Hu FB et al. JAMA. 1999