Chers amis,
Vous connaissez mon prénom. Vous avez aussi déjà vu mon visage dans certaines de mes lettres ou dans des vidéos.
Je vais vous poser une question un peu étrange au premier abord.
Trouvez-vous que Rodolphe me va bien ? Ou plutôt, trouvez-vous que mon visage correspond à l’idée que vous avez d’un Rodolphe ?
Si vous ne me connaissiez pas, devineriez-vous facilement mon prénom… rien qu’en voyant mon visage ?
Il semblerait que oui.
Une expérience montre que la plupart des gens sont capables de reconnaître le prénom d’une personne inconnue parmi 4 propositions, simplement en regardant son visage.
Comment est-ce possible ?
Nous devenons les stéréotypes qu’on nous renvoie
L’attribution d’un prénom, c’est en principe à vie. Et ce n’est pas anodin, car on colle en quelque sorte une étiquette à un enfant. Et cet enfant va s’adapter à cette étiquette.
« Mais ce n’est qu’un prénom. » me direz-vous. Eh bien c’est plus compliqué, car un prénom est en fait rempli de stéréotypes qui lui sont associés.
Pour rappel, un stéréotype renvoie à des caractéristiques qu’une société attribue à un groupe de personnes, afin de les classer instinctivement.
Nous entretenons tous des stéréotypes, car c’est un gain de temps et d’énergie pour le cerveau, ça permet de classer l’information[1].
Vous avez sûrement des stéréotypes sur des prénoms comme Vanessa ou Kevin, et lorsque vous rencontrez une Vanessa, ces stéréotypes refont surface. Mais d’où proviennent ces stéréotypes ?
Êtes-vous plutôt Bob ou Tim ?
Dans l’inconscient collectif, Bob aurait un visage plus rond que Tim, il serait plus jovial et plus disposé à sympathiser.
Catherine serait plus sérieuse, studieuse et concentrée[2].
Charles-Édouard, quant à lui, fait difficilement penser à autre chose qu’un bourgeois de bonne famille.
En fait, les prénoms ont acquis leur propre personnalité au fil de la culture, au-travers des histoires, puis des films et des livres.
Par exemple, les prénoms Ulysse et Achille nous font penser à des héros. C’est dur d’imaginer un Achille qui manque de courage…[3].
Ne choisissez pas n’importe quel prénom pour votre personnage de fiction…
Tout comme le choix du prénom d’un enfant, un personnage de roman ne « naît » pas avec un prénom au hasard. Sur internet, les conseils sont légion pour choisir un nom qui corresponde au caractère de son personnage.
L’auteure Elisabeth George explique dans l’un de ses livres « Mes secrets d’écrivain », que lorsqu’elle choisit les prénoms de ses personnages, elle réfléchit à l’imaginaire collectif des prénoms, et joue aussi sur leur sonorité[4].
« Mon personnage devait être un dur à cuire, un entrepreneur qui avait réussi, originaire de Newcastle, né dans une famille de la classe ouvrière et qui s’était élevé à la force du poignet. Ce n’était pas un plaisantin. Il ne supportait pas les imbéciles. Je commençais par l’appeler Leo Swann. Puis je restais assise devant mon ordinateur pendant vingt bonnes minutes, incapable d’écrire quoi que ce soit à son sujet, jusqu’à ce que je me rende compte que je lui avais donné un mauvais nom, qu’un personnage appelé Leo Swann ne pouvait pas être tel que je voulais qu’il soit. À partir du moment où je l’ai rebaptisé Alexander – Alex – Stone, j’ai pu travailler avec lui. »[5]
Si le personnage d’un roman définit sa personnalité, qu’en est-il de nous ?
« Tu as une tête à t’appeler Nathan »
Pour savoir si notre prénom se reflète vraiment dans notre personnalité et surtout sur notre visage, les chercheurs d’une étude franco-israélienne[6] ont fait passer le test suivant aux participants :
Ils devaient choisir parmi 4 propositions le prénom qui, selon eux, correspondait le mieux au visage d’un inconnu.
Si la réponse avait été donnée au hasard, le nombre de bonnes réponses aurait avoisiné les 25% (1 sur 4). Mais les chercheurs de cette étude ont obtenu 35 à 40% de bonnes réponses, et même jusqu’à 80% sur certains prénoms.
Ils ont été encore plus loin en regardant si même un ordinateur serait capable de reconnaître un prénom. Et c’est le cas !
Barbara n’a pas la même physionomie que Caroline
En entraînant une machine à reconnaître les portraits des Vincent puis des « non-Vincent », celle-ci peut construire une image stéréotypique des personnes ayant ce prénom-ci sous forme de « carte de chaleur » (« Heat map » en anglais) des zones du visage caractéristiques de chaque prénom.
Après l’entraînement, l’ordinateur a dû deviner les prénoms de visage qu’il n’avait jamais vus. Il a réussi à atteindre un score de 54% à 64%, ce qui est significativement plus haut que s’il avait répondu au hasard[7].
Votre prénom se reflète donc sûrement sur votre visage. À moins que votre visage se soit transformé pour se conformer à votre prénom.
Coller aux stéréotypes
Je vous en parlais au début de cette lettre, chaque prénom est associé à des stéréotypes culturels.
L’impact des stéréotypes tels que l’ethnicité et le genre est connu : nous devenons ce que les gens attendent de nous ! C’est pareil pour les prénoms, les stéréotypes associés aux prénoms affectent l’apparence des gens, cette étiquette sculpte leur visage et forge leur personnalité.
On appelle cet effet « L’effet Dorian Gray », d’après le protagoniste du roman d’Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray.
Le héros de cette histoire désirait garder pour toujours l’éclat de sa jeunesse et de sa beauté. Pour cela il voulait que son portrait seulement subisse les marques de la vieillesse et de sa déchéance morale.
Cet effet Dorian Gray signifie qu’un prénom déteindrait sur le visage de celui qui le porte comme les marques du temps sur le portrait de Dorian Gray[8].
Bien sûr, ces stéréotypes liés aux prénoms sont propres à chaque culture. Dans l’étude, les participants français parvenaient à reconnaître le prénom des visages français mais beaucoup moins bien ceux des Israéliens, et vice-versa.
En France, nous partageons un stéréotype du prénom Élisa, et les Élisa font évoluer leur visage vers ce stéréotype, que seuls les Français reconnaissent[9].
À vous de deviner les prénoms…
Faisons un essai ensemble. J’ai repris le test proposé sur le site suivant : http://www.slate.fr/story/140435/prenom-visage
1.
Quel est son prénom ?
- Sébastien
- Thomas
- Maxime
- Vincent
2.
Quel est son prénom ?
- Émilie
- Elodie
- Aurélie
- Amélie
3.
Quel est son prénom ?
- Audrey
- Amélie
- Aurélie
- Aurore
4.
Quel est son prénom ?
- Cédric
- Nicolas
- Arnaud
- Sébastien
Je vous donne les réponses plus loin.
Un surnom pour la vie
Avez-vous un petit surnom qui vous caractérise ?
Un surnom se donne facilement à certains prénoms à partir de son diminutif : Lulu pour Lucie, Gabi pour Gabriel, Léo pour Léonore, Nat pour Natacha, etc.
Mais parfois certains surnoms surgissent de nulle part : une amie, prénommée Lucile, est appelée Kilou par toute sa famille, à tel point que des amis de ses parents ont longtemps pensé que c’était son vrai prénom !
À l’origine, le surnom, comme son nom l’indique, est un mot ajouté qui permet de distinguer un individu de ceux qui s’appellent comme lui. Par exemple « Magne » du célèbre Charlemagne vient du latin « magnus » qui veut dire grand. D’autres exemples historiques connus de surnoms sont Pierre l’Ermite ou encore Guillaume le Conquérant[10].
En fait, les surnoms du Moyen-Âge exercent une grande influence sur les noms de famille que nous portons. Il y avait tant d’homonymes que les surnoms ont permis de différencier chaque personne : le Grand, le Petit, le Brun, le Doux, du Puits, Boulanger, … Ces surnoms se sont transmis de génération en génération pour devenir les noms de famille que nous connaissons aujourd’hui ![11]
Aujourd’hui les surnoms sont surtout affectueux, et si vous y êtes habitué, vous serez rapidement perturbé si on vous appelle par votre prénom en entier. Vous aurez même l’impression d’avoir fait quelque chose qu’il ne fallait pas, c’est juste ?
Je vous invite à me dire en commentaire de cette lettre si vous avez un surnom… et si vous aimez votre prénom !
Avant que je n’oublie, voici les réponses du test des prénoms :
- Vincent, 2. Elodie, 3. Aurore, 4. Arnaud
Avez-vous réussi ?
Portez-vous bien,
Rodolphe Bacquet
Sources :
[1] Québec (13.10.2021). Conséquence des stéréotypes sur le développement. https://www.quebec.ca/famille-et-soutien-aux-personnes/enfance/developpement-des-enfants/consequences-stereotypes-developpement
[2] Afis, science. (11.12.2017). L’« effet Dorian Gray », montre-moi ton visage, je te dirai comment tu t’appelles. https://www.afis.org/L-effet-Dorian-Gray-montre-moi-ton-visage-je-te-dirai-comment-tu-t-appelles
[3] Meyrieux T. Choisir le nom de ses personnages. Apprendre le scénario. https://apprendre-le-scenario.com/choisir-le-nom-de-ses-personnages/
[4] Marièke. (09.08.2016). Choisir le nom de ses personnages de fiction. https://www.mecanismes-dhistoires.fr/comment-choisir-le-nom-de-ses-personnages-de-fiction/
[5] George E. (2006). Mes secrets d’écrivain. Les presses de la cité, Paris. EAN : 9782258067301.
[6] Zwebner, Y., Sellier, A.-L., Rosenfeld, N. et al. (2017). We look like our names: The manifestation of name stereotypes in facial appearance. Journal of Personality and Social Psychology, 112(4), 527–554. https://doi.org/10.1037/pspa0000076
[7] Ibid
[8] Afis, science. (11.12.2017). L’« effet Dorian Gray », montre-moi ton visage, je te dirai comment tu t’appelles. https://www.afis.org/L-effet-Dorian-Gray-montre-moi-ton-visage-je-te-dirai-comment-tu-t-appelles
[9] HEC Paris. (08.03.2017). Ressemblons-nous à notre prénom ? Une récente étude menée par HEC Paris montre que notre visage est à l’image de notre prénom. https://www.hec.edu/fr/news-room/ressemblons-nous-notre-prenom-une-recente-etude-menee-par-hec-paris-montre-que-notre
[10] Dictionnaire Littré, définition de « surnom ». https://www.littre.org/definition/surnom
[11] Gilbert M, Jeannin C (13.02.2021). D’où viennent les surnoms ? RTL.fr https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/d-ou-viennent-les-surnoms-7900001393
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C’est bien!
Article très intéressant ! Je deteste mon prenom, le surnom systematique est un diminutif et chaque fois que je l’entends j’ai l’impression de ressembler à un camionneur ou à une caricature de cambrioleur, et ses sonorités me claquaient aux oreilles comme une gifle quand j’étais enfant « #monprenom, au tableau ! » sonne tout de suite moins sympa que « sylvie (ou emilie ou jeanne ou audrey), au tableau! » par contre ce que j’aime bien est qu’on me prend parfois pour un homme sans m’avoir vue ça me plaît (mais enfant je voulais un vrai nom de fille, à cause de lui j’i toujours eu l’impression d’etre un mec, je me sens presque comme quelqu’un qui s’identifie comme fille alors que j’en suis une) je n’aime ps sa connotation datée non plus, par rapport à sa moyenne d’âge d’attribution. J’aurais aimé qu’il évoque les années 1900, ou quelqu’un qui maximum 29 ans ou minimum 80.
Cc
J’ai beaucoup de mal à retenir les prénoms des personnes dans la vie courante. Et là j’ai eu tout faux a votre test ! Je me demande si il n’y a pas un lien 😭