Chers amis,

Ma lettre de vendredi dernier sur le recours au 49.3 pour faire passer la réforme des retraites a suscité des réactions passionnées.

Certains applaudissent, quand d’autres sont en désaccord avec le fond… et surtout avec la forme :

« C’est inadmissible d’utiliser un média « santé » pour faire de la politique. Suite à cette dérive, je me désabonne de votre lettre « politique » », m’écrit par exemple Dominique.

Je comprends tout à fait cette réaction, mais je ne suis pas d’accord avec vous, Dominique ; et même si vous ne me lisez plus… je me dois à présent d’effectuer deux mises au point.

Santé et politique

Me reprocher de parler « politique » dans un média « santé » est un étrange procès.

La santé n’est – malheureusement ou heureusement – pas une question éthérée, sans prise avec le reste du monde ni les autres composantes de l’existence.

Parler de santé sans parler d’économie, d’écologie ou même d’art, c’est faire l’erreur monumentale à mes yeux de croire que le corps humain est une machine dont le bon ou le mauvais fonctionnement dépend exclusivement de causes biologiques internes.

C’est exactement l’inverse : nous vivons, tous autant que nous sommes, dans un milieu, un pays, une société, une culture, qui ont des influences, des conséquences, directes et indirectes sur notre santé et notre bien-être.

Être en bonne santé en France en 2023 ne répond pas aux mêmes défis qu’être en bonne santé en France il y a 100 ans, ou être en bonne santé à Kuala Lumpur aujourd’hui.

Ce que nous mangeons, l’air que nous respirons, le régime politique sous lequel nous vivons, le métier que nous faisons, les êtres qui nous entourent… tout cela a une incidence directe sur notre santé et notre bien-être.

« Oui, mais la politique politicienne, c’est autre chose »

Bien au contraire : QUI aujourd’hui décide de ce qui est bon ou mauvais pour votre santé ?

Le politique.

QUI aujourd’hui vous bassine à longueur d’antenne pour aller vous faire dépister du cancer colorectal surtout si vous n’avez pas de symptôme ?

Le politique.

QUI aujourd’hui décide d’injecter à des dizaines de milliers d’adolescents un vaccin pour prétendre éradiquer le cancer du col de l’utérus ?

Le politique.

QUI, par le passé, a supprimé le métier d’herboriste, déremboursé l’homéopathie, diabolisé l’hydroxychloroquine, conditionné la libre-circulation des citoyens à un acte médical ?…

Le politique.

La santé, dans notre pays, est dictée par deux entités aux intérêts étroitement liés : l’intérêt des laboratoires pharmaceutiques, et le politique.

L’intérêt du patient et du citoyen ne vient par là-dessus au mieux que comme un bonus, au pire comme quantité négligeable.

Bref, qu’on ne vienne pas pousser des cris d’orfraie parce que j’aborde un sujet politique… alors que, sur la santé, c’est aujourd’hui le politique qui décrète tout, absolument tout !

Voilà pour la forme.

Le fond, maintenant.

Sur le sujet des retraites

Je vais vous livrer un scoop : jamais, dans aucune de mes lettres, je n’ai dit que j’étais pour ou contre la réforme des retraites.

Je vous mets au défi de trouver, sur mon site, une phrase livrant mon opinion politique sur ce sujet.

En revanche, il y a deux mois, j’ai été l’un des premiers à aborder la question de l’espérance de vie sans incapacité [1], à un moment où personne ne prenait en compte ce paramètre dans les débats.

Et, dans ma fameuse lettre de vendredi dernier, je ne me prononçais pas davantage pour ou contre cette réforme : je démontais la méthode cynique et vulgaire de communication du gouvernement, point barre.

Pour quelle raison ai-je fait cela ?

Parce que j’éprouve de la colère à voir ce triste sire d’Olivier Véran (en voilà un qui mélange santé et politique, Dominique : rappelez-vous qu’avant d’être porte-parole du gouvernement, M. Véran est neurologue !) se moquer littéralement de ses concitoyens.

Mon commentaire était moins de l’ordre du politique, en réalité, que de celui de la communication du pouvoir – une communication de mauvaise foi, et révélant en fin de compte le manque de courage des hommes et des femmes qui nous gouvernent actuellement.

Alors, suis-je pour ou contre la réforme des retraites ?

Je vous le dis : peu importe.

Par contre je remarque une chose. La situation que nous vivons me rappelle le CPE, en 2006.

Là je vais vous livrer mon opinion, car il y a prescription : le CPE, je n’étais pas contre. Et pourtant, j’étais, comme on dit aujourd’hui, « dans la cible ».

Mais je n’avais pas peur du monde du travail et la mesure portée par le premier ministre de l’époque Dominique de Villepin ne me paraissait pas imbécile. Je n’ai donc participé à aucune manifestation contre le CPE, au moment où le pays était bloqué.

Mais j’ai salué le courage politique du chef de l’État de l’époque – Jacques Chirac, que je n’appréciais pas plus que cela par ailleurs – lorsqu’il a pris la décision d’abroger la loi, passée déjà en force avec le 49.3.

Le président Chirac, avec tous ses défauts que je n’oublie pas, avait au moins eu lors de cet épisode la sagesse de comprendre qu’un rejet aussi massif de la population devait être entendu.

Je ne vois, dans la situation actuelle, aucune de ces qualités non seulement de sagesse, mais même seulement d’écoute.

Ce n’est pas tout. Dans le cas du CPE comme des retraites, la levée de boucliers ne témoignait pas simplement d’une opposition stérile à une réforme : elle est le signe d’un échec de communication de la part des personnalités au pouvoir, incapables de convaincre les parlementaires comme la population de l’utilité pour le pays de leur démarche.

Pour le dire autrement : il ne s’agit pas uniquement d’un problème d’écoute, mais en outre d’un problème de parole publique. Soit d’une incapacité à dialoguer.

Cela porte un nom : l’autocratie.

Et, que cela vous plaise ou non Dominique, avoir pour chef d’État une personnalité d’une part incapable de convaincre ses concitoyens, et d’autre part sourde, aveugle à ce que lui hurle sa population, bref inapte au dialogue…

Cela a dans un régime soi-disant démocratique des répercussions non seulement politiques, mais aussi à court, moyen et long terme, sur la santé d’une société, et donc d’une partie non négligeable des individus qui la constituent.

Vous pouvez encore contester le 49-3 et obliger le gouvernement à retirer la procédure. Par contre, si vous n’agissez pas maintenant, il sera impossible de revenir en arrière. 

Je vous propose donc de faire entendre votre voix en signant cette pétition pour empêcher la réforme des retraites de passer.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet

[1] Rodolphe Bacquet, « Réforme des retraites : qui prend CE critère en compte ? », Alternatif Bien-Être.com, 19 janvier 2023, https://alternatif-bien-etre.com/alternatif-bien-etre/reforme-des-retraites-qui-prend-ce-critere-en-compte/