Chers amis, 

Vous êtes de plus en plus nombreux à exclure les produits animaux de votre alimentation.

La version « légère », c’est le végétarisme : on ne mange plus de viande, mais on continue à manger des œufs, du fromage, voire du poisson.

La version plus « dure », c’est le végétalisme (ou véganisme) : on ne mange plus de chair animale, quelle qu’elle soit, ni même de produit issu d’animaux, comme le miel (ni, donc, d’œufs).

Certains le font par goût – plus exactement par manque d’attirance pour la viande – d’autres par conviction (écologie, lutte contre l’exploitation animale, etc.). 

Je ne vais pas discuter ici du bien-fondé ou non de ces régimes alimentaires : c’est votre choix, et, quel qu’il soit, je le respecte. 

En revanche je voudrais vous parler des implications santé de tels choix.

Car si le végétarisme « léger » est statistiquement bien connu pour ses gains d’année en bonne santé, il n’en va pas de même pour la version plus « dure » : l’exclusion radicale de produits animaux engendre des carences problématiques.

Si tel est votre cas, ça ne veut pas dire que vous devez absolument changer de régime : cela veut dire que vous devez redoubler de vigilance en termes de supplémentation.

Car, ne vous y trompez pas, les « végétaliens médiatiques », volontiers apôtres de leur cause, font très, très attention à ne pas manquer de nutriments et à ne pas commettre certaines erreurs qui pourraient s’avérer fatales.

J’aimerais aujourd’hui vous parler de la plus importante d’entre elles.

Végétariens ou végétaliens : pourquoi vous avez 99% de chances de manquer de B12

La vitamine B12 (ou cobalamine) est un nutriment d’origine bactérienne, quasi-exclusivement présente dans les produits animaux, principalement la viande, le poisson et les coquillages.

Le lait n’en contient qu’une faible quantité, et elle est en partie détruite au cours du processus de fabrication du fromage.

Dans les œufs, elle est présente au sein du jaune, mais seul 4 et 9 % de celle-ci est assimilable par l’organisme.

La carence en B12 est donc courante chez les végétaliens, mais elle n’épargne pas non plus les végétariens.

D’après des nutritionnistes américains, 62 % des femmes enceintes, 25 à 86 % des enfants, 21 à 41 % des adolescents et 11 à 90% des personnes âgées seraient ainsi concernés par une déficience en B12[1]. Les conséquences sur la santé sont très sérieuses. 

Au bout de la carence en B12 : troubles neurologiques et psychiatriques

La vitamine B12 est indispensable à la fabrication des globules rouges : son déficit entraîne dans un premier temps une anémie, qui se manifeste notamment par une grande fatigue, puis la survenue de divers symptômes, notamment au niveau des muqueuses buccales et intestinales.

Mais une carence en B12 altère également la gaine de myéline qui protège les neurones, et peut ainsi entraîner des troubles neurologiques, qui se manifestent sous forme de fourmillements, d’engourdissements, de paralysie, de confusion mentale et de problèmes psychiatriques.

C’est peut-être là l’explication d’études montrant que les personnes végétariennes sont plus souvent affectées par la dépression que les omnivores[2]

Ironie du sort : des régimes à base de végétaux en vitamine B9 peuvent masquer les symptômes typiques de l’anémie en B12[3], ce qui peut retarder son identification.

Or, ce retard peut avoir des conséquences dramatiques car l’atteinte neurologique, quand elle se manifeste, est le plus souvent irréversible.

Aussi est-il indispensable de se supplémenter en vitamine B12 dès que l’on adopte un régime alimentaire excluant la viande et le poisson.

L’étonnante « cartographie » des carencés en B12

Seulement 6,7% des végétariens et 22 % des végétaliens se supplémentent en vitamine B12[4].

Contre toute attente donc, alors que les végétariens sont moins exposés à cette carence… ils sont beaucoup moins nombreux à le savoir ! 

Cela s’explique en réalité : le choix du végétalisme étant plus radical que celui du végétarisme, celles et ceux qui le choisissent sont en général plus avertis.

Les végétaliens sont donc plus souvent au courant qu’ils doivent se supplémenter en vitamine B12, comparé aux végétariens qui adoptent ce régime par confort, sans enquêter sur les implications de leur choix en termes de santé.

Comment se supplémenter ?

En pratique : la cyanocobalamine est une forme peu coûteuse de B12 qui a fait l’objet de nombreuses études et qui peut être privilégiée. 

Les véganes « informés » recommandent l’administration d’1 µg trois fois par jour, de 10 µg en une seule prise chaque jour ou de 2 000 µg une fois par semaine.

Attention à la spiruline, qui contient certes de la vitamine B12, mais sous une forme inactive. D’après le chercheur japonais, Fumio Watanabe, la meilleure source végétale de vitamine B12 est l’algue rouge Porphyra umbilicalis, appelé nori ou porphyre pourpre[5] : elle contient 77,6 μg de vitamine B12 pour 100 g de produit sec, une consommation de 4 g au quotidien permettant de couvrir les besoins estimés à 2,4 μg. 

Le tempeh en contient entre 0,7 à 8 μg/100 g (la présence de la vitamine dans ce produit s’explique par des contaminations bactériennes survenant au cours du processus de fermentation du soja)  et le shiitaké, à hauteur de 1,3 à 12,7 μg/100 g.

Cependant, la carence en vitamine B12 n’est que la partie émergée des problèmes qui guettent les végétariens et les végétaliens non-avertis.

Certains de ces problèmes sont certes liés à la nature même de ces régimes alimentaires, mais d’autres sont dus à la « cible marketing » qu’ils sont devenus pour… l’industrie agro-alimentaire.

Je vous en reparlerai dans de prochaines lettres.

Portez-vous bien,

Rodolphe 


[1] Pawlak R., Parrott, S. J., Raj, S. et al. (2013). How prevalent is vitamin B12 deficiency among vegetarians? Nutr. Rev. 71:110–117. DOI: 10.1111/nure.12001. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23356638/

[2] Hibbeln, J. R., Northstone, K., Evans, J. et al. (2018). Vegetarian diets and depressive symptoms among men. J Affect Disord. 225:13-17. DOI: 10.1016/j.jad.2017.07.051. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28777971/

[3] Cuskelly G.J., Mooney, K. M., & Young, I. S. (2007). Folate and vitamin B12: Friendly or enemy nutrients for the elderly. Proc. Nutr. Soc. 66:548–558. DOI: 10.1017/S0029665107005873. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17961276/

[4] Sobiecki, J. G., Appleby, P. N., Bradubury, K. E. et al. (2016). High compliance with dietary recommendations in a cohort of meat eaters, fish eaters, vegetarians, and vegans: results from the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition–Oxford study. Nutr Res. 36(5): 464–477. doi:  10.1016/j.nutres.2015.12.016 PMCID: PMC4844163. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27101764/

[5] Watanabe, F., Yabuta, Y., Bito, T. et al. (2014). Vitamin B12-Containing Plant Food Sources for Vegetarians Nutrients 6(5): 1861–1873. doi: 10.3390/nu6051861. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4042564/