Chers amis,

La plupart des boutons pour piétons censés accélérer le passage au feu vert ne servent à rien. Que vous appuyiez ou non, vous attendrez tout aussi longtemps !

Ces « faux » boutons sont juste là vous faire patienter. Et ça fonctionne ! On les appelle des « boutons placebo ».

De vrais effets biochimiques

L’effet placebo, c’est quand le médecin vous donne un faux médicament, contenant en général du sucre.

Et là, magie, parfois les symptômes de votre maladie s’estompent quand même.

Je vais vous expliquer pourquoi, en médecine, l’effet placebo n’est pas une illusion. Il déclenche réellement dans le cerveau la production de molécules thérapeutiques :

•    Des endorphines, qui réduisent la douleur ;
•    Des endocannabinoïdes, qui régulent l’inflammation ;
•    De la dopamine, qui améliore l’humeur ;
•    etc.

Deux mécanismes psychologiques expliquent l’étrange capacité de l’organisme à produire ces molécules :

•    Le conditionnement : votre cerveau associe le rituel de soins à la guérison. Il se dit : « Voir un médecin et prendre un médicament m’a déjà guéri, ça devrait marcher cette fois-ci aussi »
•    La suggestion : c’est ce qui se passe lorsque votre médecin vous assure que « ce médicament est très, très puissant, vous irez mieux dans 3 jours ». Plus l’attente est forte, plus l’effet placebo fonctionne.

Une efficacité prouvée contre la douleur et la fatigue

On pourrait comparer cela au « bisou magique » qu’on donne aux enfants pour soulager leur douleur quand ils se sont fait mal.

Selon les études l’effet placebo contre la douleur serait efficace sur 35% des patients[1].

Une étude de 2016 a même montré qu’un placebo de morphine pouvait se révéler aussi efficace que l’original chez 56% des patients[2]!

Ces résultats sont si incroyables que des chercheurs de l’Université de Manchester estiment que l’effet placebo pourrait être utilisé pour traiter la douleur causée par des maladies chroniques comme l’arthrose et la fibromyalgie[3].

Des greffes placebo contre Parkinson ?!

L’effet placebo marcherait aussi comme traitement de maladies a priori sans dimension psychologique, comme l’asthme, les troubles cardio-vasculaires, la maladie de Parkinson, la maladie de Crohn, le syndrome du côlon irritable.

Au début des années 2000, des chercheurs audacieux ont voulu repousser les limites du placebo et ont procédé à de fausses chirurgies.

Le chirurgien se contentait de faire une incision et de recoudre tout de suite après.

De telles pratiques seraient impossibles aujourd’hui pour des raisons éthiques. Mais elles ont montré des résultats spectaculaires :

•    En 2002, 180 personnes atteintes d’arthrose du genou ont subi pour moitié une chirurgie classique, et pour l’autre une opération « simulée »: la réduction de la douleur a été la même dans les deux groupes[4]!
•    En 2004, des neurochirurgiens ont comparé, sur un groupe de 40 malades de Parkinson, l’efficacité d’une greffe cérébrale de cellules fœtales à une opération factice : la qualité de vie des patients persuadés d’avoir reçu la greffe s’est elle aussi améliorée ![5]

Êtes-vous « placebo-répondeur » ?

Une personne sur trois serait totalement insensible à l’effet placebo, une personne sur deux pourrait être réceptive de façon intermittente[6]…

… et environ 35% de la population y serait réceptive à tous les coups.

Les scientifiques s’intéressent particulièrement à ces profils dits de « placebo-répondeurs ».

Car leurs cerveaux seraient particulièrement « câblés » pour le placebo : les IRM révèlent qu’ils ont une plus grande connectivité dans le cortex préfrontal[7]. 

Psychologiquement, ils partageraient aussi certains traits de personnalité comme l’optimisme, la suggestibilité et l’empathie.

Bien d’autres facteurs « contextuels », difficiles à anticiper, ont un impact sur l’efficacité d’un placebo :

•    La confiance accordée au soignant
Dans certains essais les résultats favorables atteignent 70% dans le groupe ‘placebo administré par un médecin’… et seulement 25% dans le ‘groupe placebo administré par une infirmière’ ! ;
•    Le degré de conviction du soignant dans l’efficacité du traitement qu’il administre, qui compterait pour près d’un tiers (je vous rappelle que le médecin ne sait pas lui-même, dans les essais cliniques, s’il administre le placebo ou le vrai médicament) ;
•    La force de son discours ;
•    L’attention qu’il porte à son patient ;
•    Le mode d’administration : plus le traitement est invasif, mieux il « marche ». La chirurgie placebo est plus efficace qu’une injection placebo de sérum physiologique, elle-même plus efficace qu’un comprimé etc.
•    La couleur du médicament : les couleurs rouge, jaune et orange sont associées à un effet stimulant, tandis que le bleu et le vert sont tranquillisants[8];
•    Le prix du traitement : plus il est cher plus le patient « y croit » et plus cela lui fait de l’effet ;
•    Le nom et la publicité dont le médicament / placebo fait l’objet.

Posséder un placebo chez soi suffirait pour aller mieux

Il y a plus vertigineux encore : l’effet placebo peut fonctionner même quand on dit au patient que la pilule ne contient que du sucre.

C’est ce qu’a révélé Ted Kaptchuk, professeur de médecine à Harvard et spécialiste mondial de l’effet placebo, dans une étude[9] qui a fait l’effet d’un séisme :

Sur 80 patients souffrant du syndrome du côlon irritable, la moitié ne recevait aucun traitement, l’autre recevait des pilules de sucre ouvertement étiquetées placebo.

Résultat : 59% du groupe placebo a témoigné d’améliorations significatives de leurs symptômes.

On pourrait se servir de cette découverte de multiples façons : le simple fait de posséder un médicament placebo, en sachant que c’est un faux et sans l’utiliser, pourrait suffire à atténuer votre douleur…

Ce sont les conclusions d’une étude récente menée avec deux groupes de patients : l’un se voyait offrir une fausse crème analgésique mais ne l’utilisait pas, et l’autre n’avait rien.

Ceux du premier groupe ont témoigné avoir moins mal lors d’un test de douleur que ceux du second groupe[10].

La bête noire de l’industrie pharma

Jusque-là, la déontologie interdisait aux médecins de dissimuler le contenu et les effets attendus d’un médicament…

Mais ces découvertes ouvrent la voie à une prescription « éthique »et transparente de placebos : plus besoin de mentir aux patients !

Cela fait peur aux labos pharmaceutiques.

Vous le savez sans doute, pour obtenir une autorisation de mise sur le marché, les labos pharmaceutiques doivent faire la preuve d’une supériorité thérapeutique de leur médicament face à un placebo.

Or dans bien des cas, ils n’y arrivent plus.

Ils mettent en cause des essais cliniques biaisés par des participants trop pleins d’espoir… ce qui rendrait l’effet placebo trop puissant et fausserait les résultats !

L’inquiétude atteint des sommets quand on sait que des chercheurs italiens ont réussi à démontrer que, quand certains médicaments sont administrés à l’insu du patient, ils n’ont plus aucun effet[11].

Ils ont administré par perfusion du diazépam, un anxiolytique vendu sous le nom de Valium, à des patients souffrant d’anxiété… Quand les patients savaient qu’ils recevaient ce médicament, leurs angoisses diminuaient nettement. Mais si on l’administrait sans leur dire, les patients ne constataient aucune amélioration !

Pourra-t-on bientôt prescrire des placebos ?

60 % des médecins français et américains avouent avoir déjà prescrit un traitement placebo sans le dire, par exemple en prescrivant des vitamines en cas de grippe ou des antibiotiques pour une infection virale.

Et les médecins allemands peuvent déjà prescrire légalement des comprimés sans substance active… vendus avec cette mention délicieuse : « Ces comprimés n’ont aucun effet propre. On pense que le patient n’active ses pouvoirs d’autoguérison qu’en croyant en ce médicament »[12] !

De nombreux médecins aimeraient aller encore plus loin…

Ils veulent utiliser l’effet placebo en alternance avec de « vrais » médicaments.

Des chercheurs italiens ont effet démontré que si on injecte un placebo après des injections répétées d’un médicament, les bienfaits du médicament se prolongent.

L’organisme est conditionné et réagit comme s’il avait reçu le médicament.

En exploitant cet effet, on pourrait remplacer, dans une boîte de 10 comprimés par exemple, un « vrai » comprimé par un placebo.

Les doses de médicament effectivement absorbées par le malade seraient réduites. Ce qui empêcherait l’accoutumance et limiterait les effets secondaires… sans rien changer à l’effet thérapeutique !

Gare à l’overdose de placebos

Attention quand même, mal maitrisés, la suggestion et le conditionnement peuvent se retourner contre le malade…

En 2007, un participant à un test clinique a bien failli faire une overdose de placebos !

Il a tenté de se suicider en avalant 29 des comprimés fournis par le labo : sa tension a chuté, il tremblait, peinait à respirer…

Il a fallu qu’un médecin lui révèle que ces médicaments étaient des placebos et plusieurs heures de surveillance à l’hôpital pour qu’il retrouve une tension normale.

Je sais, ça fait sourire ! C’est ce qu’on appelle l’« effet nocebo », et les personnes anxieuses et pessimistes y seraient particulièrement sensibles.

La simple connaissance des effets secondaires d’un médicament augmenterait nettement le risque de les subir[13].

Faudrait-il éviter de passer trop de temps à lire la rubrique « effets indésirables » de nos médicaments ?… Ou en prendre moins…

Pour une médecine empathique

En tous cas travailler sur l’empathie, l’écoute, la confiance, être positif, expliquer le fonctionnement d’un traitement, ne pas trop attirer l’attention sur les effets secondaires, et s’adresser au patient dans son monde, avec ses symboles et ses représentations…

…sont des protocoles de guérison déjà utilisés avec succès par la sophrologie, les thérapies énergétiques en passant par le chamanisme.

Ce sont des leçons à tirer pour la médecine « officielle ». Les malades y gagneraient nettement si elle les intégrait à son arsenal thérapeutique…

…en ne misant plus exclusivement sur le « tout médicament ».

Portez-vous bien,
Rodolphe


[1] J. Bruxelle, « Placebo et effet placebo dans le traitement de la douleur », Douleur et Analgésie, mars 2004
[2] « Relieving Pain using Dose-Extending Placebos: A Scoping Review », Pain, 2016, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5364523/
[3] « Individuals with chronic pain have the same response to placebo analgesia as healthy controls in terms of magnitude and reproducibility », Pain, juin 2020, https://journals.lww.com/pain/Abstract/9000/Individuals_with_chronic_pain_have_the_same.98359.aspx
[4] « Study Finds Common Knee Surgery No Better Than Placebo », juillet 2002, https://www.sciencedaily.com/releases/2002/07/020712075415.htm
[5]  R L Albin, « Sham surgery controls: intracerebral grafting of fetal tissue for Parkinson’s disease and proposed criteria for use of sham surgery controls », Journal of Medical Ethics, vol. 28, no 5,‎ 4 mars 2002(DOI 10.1136/jme.28.5.322).
[6] E. Vachon-Presseau et al., Nature Communications, 2018
[7] « Prédire la réponse placebo grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle », http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/9220/MS_2017_06-07_599.html?sequence=13&isAllowed=y
[8] « Effect of colour of drugs: systematic review of perceived effect of drugs and of their effectiveness », British Medical Journal, 1996, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2359128/
[9] Kaptchuk TJ, Friedlander E, Kelley JM. et al., « Placebos without Deception: A Randomized Controlled Trial in Irritable Bowel Syndrome », PLoS ONE, vol. 5, no 12,‎ 2010]).
[10] « Merely Possessing a Placebo Analgesic Reduced Pain Intensity: Preliminary Findings from a Randomized Design », Current Psychology, 2017, https://link.springer.com/article/10.1007/s12144-017-9601-0
[11] . Benedetti. F., et al. Conscious expectation and unconscious conditioning in analgesic, motor and hormonal placebo/nocebo responses, J of Neuroscience, 2003
[12] Pauline Léna, « Les nouveaux mystères de l’effet placebo », janvier 2020, Le Figaro, consulté en juillet 2020, disponible sur : https://www.lefigaro.fr/sciences/les-nouveaux-mysteres-de-l-effet-placebo-20200106
[13] Annabelle Georgen, « Effet nocebo : la connaissance des effets secondaires d’un médicament augmente le risque de les subir », 2013, Slate, consulté en juillet 2020, disponible sur : http://www.slate.fr/lien/67637/effet-nocebo-effets-secondaire