Chers amis, 

Face aux maladies, les hommes et les femmes ne sont pas égaux, très loin de là ; pour des raisons qui relèvent à la fois de la génétique, des cycles hormonaux… et de la politique. 

Dans ma dernière lettre consacrée à ce sujet, en mars 2023, je vous expliquais ainsi comment le point de vue encore très masculin des autorités de santé occultait les spécificités féminines de l’apparition et de la manifestation de nombreuses maladies.

La prise en charge de l’infarctus chez la femme est ainsi bien moins efficace que celle chez l’homme, avec pour résultat très concret (et glaçant) que deux fois plus de femmes que d’hommes meurent d’un arrêt cardiaque[1]

Ces différences fondamentales entre hommes et femmes concernant les risques de santé est – enfin ! – un domaine de recherche qui commence à sérieusement se développer. 

Une toute récente étude de Stanford vient de jeter la lumière sur les raisons pour lesquelles les femmes sont plus susceptibles de développer des maladies auto-immunes comparativement aux hommes.

Pourquoi le système immunitaire des femmes est plus susceptible à contre-attaquer 

Une maladie auto-immune, c’est quand votre système immunitaire, au lieu d’attaquer les cellules étrangères et dangereuses comme un virus ou un cancer, se retourne contre vos propres cellules saines. 

La polyarthrite rhumatoïde ou la sclérose en plaques sont des maladies invalidantes dont la population de patientes qui en souffrent est nettement supérieure à la population de patients

Pour certaines maladies auto-immunes, le rapport est encore plus écrasant : il y a 9 souffrant d’un lupus (une inflammation se manifestant avant tout par des rougeurs sur la peau, mais pouvant gagner les articulations) pour 1 homme, ce ratio allant jusqu’à 19 femmes pour 1 homme concernant le syndrome de Sjögren, une maladie cousine, qui assèche la peau et les muqueuses. 

Ce dérèglement du système immunitaire serait, d’après les chercheurs de l’université de Stanford, directement lié à la distinction fondamentale entre l’homme et la femme.

La clé du mystère : le chromosome X

Au cœur de cette recherche, il y a en effet une découverte fascinante liée au chromosome X

Vous le savez sans doute : vous, Mesdames, possédez deux chromosomes X, tandis que nous messieurs avons un chromosome X et un chromosome Y. 

Cette différence génétique fondamentale entre les sexes jouerait un rôle crucial dans la prédisposition des femmes aux maladies auto-immunes.

Le chromosome X est en effet un « super chromosome », porteur de 800 à 900 gènes aux fonctions cruciales, sans lequel les mammifères ne peuvent ni survivre (ce sont des gènes impliqués dans la vision, la coagulation du sang, la croissance musculaire, le fonctionnement du cerveau) ni se reproduire.

Le chromosome Y, lui, est beaucoup plus petit, contient beaucoup moins de gènes, et, en gros, ne sert « que » à faire des garçons ! Il est tellement insignifiant (pour la santé globale)… que la moitié de l’humanité vit sans chromosome Y !

On pourrait donc penser que le fait, pour les femmes, d’avoir deux chromosomes X, leur confère un atout. Mais c’est plus compliqué que ça : deux chromosomes X actifs conduirait à « surproduire » le nombre de protéines nécessaires… ce qui serait potentiellement mortel !

Ce danger est écarté dès la formation de l’embryon par l’inactivation de l’un des deux chromosomes X

Et c’est là que les choses peuvent dérailler. 

Un programme de survie qui tourne mal

Normalement, dans chaque cellule féminine, un des chromosomes X est inactivé pour équilibrer la quantité de protéines produites. 

Cependant, ce processus d’inactivation ne se déroule pas sans conséquences : il peut entraîner la création de structures moléculaires étrangères qui peuvent, à leur tour, déclencher une réponse immunitaire contre les propres tissus du corps.

Cette particularité est due à une molécule spécifique (nommée Xist), produite exclusivement dans les cellules féminines, qui résulte de cette inactivation de l’un des deux chromosomes X présents dans chaque cellule féminine. 

Et ainsi, ce processus, essentiel pour équilibrer les niveaux de protéines produites par les chromosomes X, entraîne paradoxalement la création de structures moléculaires qui peuvent déclencher une réponse auto-immune[2].

Autrement dit : c’est un processus normal de survie biologique qui tourne mal. 

Cette étude de Stanford apporte non seulement un éclairage sur les origines des déséquilibres immunitaires entre les sexes, mais ouvre également la voie à de nouvelles stratégies de prévention et de traitement des maladies auto-immunes. 

En identifiant les protéines et les complexes moléculaires associés à l’inactivation du chromosome X comme facteurs de risque, les chercheurs ont peutêtre posé les premiers jalons vers le développement de protocoles de dépistage plus précis pour les maladies auto-immunes, avant même l’apparition des symptômes.

Il y a cependant, à ce stade, une question que vous vous posez peut-être : même si les hommes développent moins de maladies auto-immunes… pourquoi en développent-ils tout de même ? 

La part féminine des hommes

La réponse est simple : ce fameux gène Xist est présent sur tous les chromosomes X… y compris ceux dont les hommes sont porteurs ! 

Normalement, ce gène ne s’active qu’en cas d’existence d’une paire de chromosomes X, mais d’après les chercheurs, dans certains cas spécifiques, certaines protéines peuvent tout de même interagir avec lui… s’il y a une prédisposition génétique (par exemple tout simplement si l’un de vos parents soufrait déjà d’une maladie auto-immune). 

Autrement dit, l’observation, voire la surveillance du comportement de ce gène Xist, que vous soyez un homme ou une femme, pourrait permettre de prédiagnostiquer, et donc prévenir, des maladies auto-immunes…

… Et ce risque est bien plus prononcé si vous êtes une femme, votre « paire » de chromosomes X nécessitant l’activation automatique de ce gène.  

Cela ne signifie pas pour autant que votre sort est intégralement entre les mains des généticiens. 

Pour une raison que l’on oublie trop souvent : l’expression des maladies auto-immunes est avant tout inflammatoire.

Or l’on sait qu’il est possible de moduler cette inflammation, notamment par l’alimentation et l’hygiène de vie : je vous invite donc, si vous souffrez déjà d’une maladie auto-immune, d’adopter de toute urgence une alimentation et un mode de vie anti-inflammatoires. 

Portez-vous bien, 

Rodolphe


[1] Rodolphe Bacquet « Les aberrations de la politique de santé publique pour les femmes » Alternatif Bien-Être 2023

[2] Bruce Goldman « Stanford Medicine-led study shows why women are at greater risk of
autoimmune disease » Stanford Medicin News Center 2024