Chers amis,

Je vous écrivais récemment ce qui m’avait poussé à convaincre un membre de ma famille à refuser une biopsie de la prostate, pour cause de taux de PSA plus haut que d’habitude.

Son médecin va finalement lui faire passer une IRM. Je ne connais pas encore le résultat de cet examen.

S’il révélait effectivement une tumeur, je lui conseillerais de ne pas accepter sans réfléchir les actes médicaux lourds qu’on lui proposera probablement.

La « tortue des cancers » 

Il faut se rappeler François Mitterrand. Il fut diagnostiqué d’un cancer de la prostate au début de son premier mandat de président, fin 1981. On lui donna trois mois à vivre !

Vous connaissez la suite, Mitterrand est mort après son second septennat, début 1996. Soit… plus de quatorze ans après le diagnostic de son cancer, alors considéré comme dangereux[1].

L’évolution d’un cancer de la prostate est si lente (10 à 15 ans) que la plupart des hommes chez qui on détecte ce cancer meurent en fin de compte d’une autre cause.

Tant que la tumeur reste locale, elle n’est pas dangereuse.

Malheureusement, la détection d’une tumeur pousse de nombreux médecins à proposer à leur patient un traitement dans la foulée.

48 malades sur 49 traités pour rien ! 

Dans ma lettre précédente sur la biopsie, je vous racontais comment cet examen conduit très fréquemment à un surdiagnostic.

Or, qui dit surdiagnostic, dit surtraitement.

Dans le cas du cancer de la prostate, le risque du surtraitement est très bien documenté.

En 2009, une étude menée sur 76 000 hommes pendant 9 ans concluait que le dosage du PSA suivi d’une biopsie entraînait des traitements précoces sans pour autant sauver les vies des patients.

Et, tenez-vous bien, pour un patient tirant profit de son traitement… 48 sont traités inutilement[2] !!!

Les fonctions urinaires, fécales et sexuelles en danger

Les traitements actifs du cancer de la prostate semblent a priori classiques :

  • radiothérapie (interne ou externe) ;
  • chimiothérapie ;
  • hormonothérapie (qui consiste à inhiber la production de testostérone) ;
  • retrait pur et simple de toute la prostate (ou d’une partie). 

De 2009 à 2012, en France, 80 % des patients diagnostiqués ont reçu un traitement anticancéreux (parfois plus) et près des deux tiers des 50-64 ans ont subi une ablation de la prostate[3].

Cette dernière solution – la prostatectomie – est donc la plus fréquente.

Elle a des conséquences particulièrement problématiques.

C’est d’abord une opération délicate car la prostate se situe au cœur du bassin, proche des organes vitaux de l’abdomen, à quelques millimètres de la vessie et du rectum. Elle est donc difficile d’accès, ce qui ne se fait pas sans endommager les organes à l’entour.

La première conséquence constatée sont les fuites urinaires. Elles sont fréquentes, mais réversibles… au bout d’un peu plus d’un an[4].

Cependant, 7 % des patients restent incontinents[5] à vie ! J’imagine que, comme moi, vous n’aimeriez pas que ça « tombe » sur vous.

Lorsque les nerfs du sphincter anal sont lésés au cours de la protatectomie, c’est carrément l’incontinence fécale[6]…

Mais une autre conséquence fréquente est l’impuissance

Les nerfs contrôlant l’érection sont si fins, et si proches de la prostate, qu’ils sont souvent abîmés lors de l’opération, privant totalement le patient d’érection.

Dans le meilleur des cas, cette impuissance dure un an en moyenne, au cours de laquelle le pénis rétrécit d’1,25 cm[7].

Par la suite, 95 % des hommes touchés par cette impuissance temporaire considèrent que leur érection est moins bonne qu’avant l’opération[8].

Impuissance définitive

Malheureusement, cette impuissance peut être définitive lorsque les nerfs caverneux du pénis sont mutilés[9], auquel cas, aucun viagra ni autre médicament ne sera efficace.

Ce qui vous arrive alors, c’est la disparition de la vie sexuelle.

Cela a un impact évidemment très grave sur l’estime de soi et l’équilibre psychologique du patient[10].

Je précise que les « progrès » de la technologie médicale ne sauvent pas les patients de ces effets secondaires. Que la chirurgie soit classique ou assistée par robotique, le résultat est le même[11].

Durée de vie à 10 ans : pas de vraie différence

Ces terribles conséquences de la prostatectomie seraient défendables si elles prolongeaient effectivement la vie de ceux qui la subissent.

Mais c’est très, très, très rarement le cas.

Dans une étude réalisée sur 700 hommes diagnostiqués d’un cancer de la prostate (chacun ayant subi une biopsie), des chercheurs ont chiffré le « bénéfice » d’une opération comparé à l’absence d’opération. 

Un premier groupe de patients a ainsi été opéré de la prostate (ablation totale ou partielle) tandis que le second groupe a subi une simple surveillance médicale, sans traitement. 

Au bout de dix ans, 10 % des hommes opérés étaient morts de leur cancer, soit 35 exactement, contre 15 % des hommes non-opérés[12], soit 18.

Une ablation a donc permis de prolonger le vie de 17 hommes sur 700 ! Seulement !

Si on prend en compte la dramatique baisse de la qualité de vie engendrée par la prostatectomie, l’intérêt de subir une telle mutilation devient quasi nulle ! 

Ces chiffres illustrent bien l’hystérie médicale autour de ce cancer.

Le surtraitement, une folie médicale

Je ne doute pas que les médecins veulent bien faire, et qu’ils croient qu’en sacrifiant la prostate de leur patient, ils lui sauveront la vie.

Mais la « facilité » avec laquelle le cancer de la prostate est diagnostiqué conduit à un dramatique excès de zèle thérapeutique ! 

Et je n’ai pas peur de le dire : entre gagner quelques années de vie, sans même en être sûr, et vivre 10 à 15 ans impuissant et/ou incontinent, mon choix serait vite fait !

En pratique, sur 7 hommes auxquels on diagnostique un cancer de la prostate, 1 seul est réellement en danger et nécessitera un traitement chimique, radiothérapeutique ou chirurgical. 

Les six autres souffrent d’un cancer de forme dite T1 ou T2, c’est-à-dire faible ou à risque intermédiaire. Dix ans après le diagnostic, ces six hommes seront toujours en vie, sans traitement. 

Il est donc urgent d’attendre en cas de « diagnostic de cancer » !

Attendre, oui, mais pas les bras croisés 

Cela ne signifie pas rester passif. Mais au contraire de mettre en place :

  • une surveillance active : votre médecin vous proposera de lui-même un suivi régulier, par mesure du PSA et du PCA3 et d’échographie, de l’évolution d’un éventuel début de cancer ;
  • une alimentation anticancer, qui a souvent prouvé ses bienfaits. J’aimerais traiter ce sujet à part entière, mais cela consiste, très rapidement, à éviter les produits laitiers, diminuer considérablement la consommation de sucre, de viande et de charcuterie, intégrer dans son alimentation du soja, plus de végétaux riches en antioxydants (tomates, crucifères, etc.), de noix du Brésil et d’apports élevés en fibres. 

De fait, l’annonce d’un cancer de la prostate pousse beaucoup d’hommes qui ne subissent pas de prostatectomie à changer leur alimentation et leur mode de vie.

Et ils sont nombreux à prolonger ainsi leur espérance de vie.

J’ai une dernière statistique à vous communiquer, qui devrait vous donner espoir. 

Les hommes auxquels on a diagnostiqué un cancer de la prostate à faible risque vivent en moyenne dix ans de plus que ceux auxquels aucun cancer n’a été diagnostiqué[13] !

Incroyable, non ?

Hauts les cœurs, donc, si l’on vous détecte des cellules cancéreuses dans la prostate. 

Non seulement vous ne mourrez pas demain, mais surtout en prenant votre mode de vie en main, vous risquez même de gagner quelques années de vie en plus !

Si vous avez été dans ce cas-là, n’hésitez pas à partager avec moi votre expérience en commentant ci-dessous.

Et d’ici là, portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet

Sources :

[1] Favereau (E.), « Le cancer du Président aurait été détecté dès 1981 », 10 janvier 1996, Libérationhttps://www.liberation.fr/evenement/1996/01/10/le-cancer-du-president-aurait-ete-detecte-des-1981_161264

[2] Schröder (F. H.) et al., for the ERSPC Investigators, « Screening and Prostate-Cancer Mortality in a Randomized European Study » – The New England Journal of Medicine, 26 mars 2009, 360:1320-8, DOI: 10.1056/NEJMoa0810084.

[3] Binder-Foucard (F.) et al, Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012, « Partie 1 – Tumeurs solides. », Saint-Maurice (Fra) : Institut de veille sanitaire, 2013. 122 p.

[4] Maxwell (M. B.), « Cancer of the prostate », Semin Oncol Nurs, 1993 Nov;9(4):237-51.

[5] Walsh (P.C), Marschke (P.), Ricker (D.), Burnett (A.L.), « Patient-reported urinary continence and sexual function after anatomic radical prostatectomy». Urology, 2000 Jan;55(1):58-61

[6] Dahm (P.) et al, « A longitudinal assessment of bowel related symptoms and fecal incontinence following radical perineal prostatectomy». Journal of Urology, juin 2003,169(6):2220-4, https://doi.org/10.1097/01.ju.0000065116.20997.a3

[7] Savoie (M.), Kim (S. S.), Soloway (M. S.), « A Prospective Study Measuring Penile Length in Men Treated With Radical Prostatectomy for Prostate Cancer », Journal of Urology, avril 2003, vol. 169, publication 4, pages 1462–1464, https://doi.org/10.1097/01.ju.0000053720.93303.33

[8] Padma-Nathan (H.) et al., « Postoperative nightly administration of sildenafil citrate significantly improves the return of normal spontaneous erectile function after bilateral nerve-sparing radical prostatectomy », Journal of Urology, 2003, suppl 169;375; abstr 1,402.

[9] Mulhall (J. P.), « Defining and Reporting Erectile Function Outcomes After Radical Prostatectomy: Challenges and Misconceptions», Journal of Urology, 2009, DOI: http://dx.doi.org/10.1016/j.juro.2008.10.047

[10] Cappelleri (J. C.), Althof (S. E.), O’Leary (M. P.), Tseng (L. J.), US SEAR Study Group, International SEAR Study Group, « Analysis of single items on the Self-Esteem and Relationship questionnaire in men treated with sildenafil citrate for erectile dysfunction: results of two double-blind, placebo-controlled trials », BJU International, 2008 , 101(7):861-6. Epub 2007 Dec 5, https://doi.org/10.1111/j.1464-410X.2007.07354.x

[11] Krambeck (A. E.) et al., Radical prostatectomy for prostatic adenocarcinoma: a matched compa-rison of open retropubic and robot-assisted techniques, BJU International, février 2009, vol. 103, publication 4, p. 448–453.

[12] Wilt (T. J.), « Radical Prostatectomy versus Observation for Localized Prostate Cancer », The New England Journal of Medicine, 19 juillet 2012, 367:203-213, DOI: 10.1056/NEJMoa1113162, https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1113162

[13] Staerman (F.), Peyromaure (M.), Irani (J.), Gaschignard (N.), Mottet (N), Soulié (M.), Salomon (L.), Place de la surveillance active dans le cancer de la prostate à faible risque de progression, Progrès en Urologie, juillet 2011, vol. 21, no 7, pages 448-4