Cher ami,

L’UE vient de passer un (nouveau) contrat exorbitant avec Pfizer pour… un vaccin qui n’existe pas encore, contre une maladie encore inconnue.

Je vous l’avoue, j’ai d’abord cru à un canular quand j’ai lu la dépêche de l’agence de presse Reuters à ce sujet.

Il y a déjà eu un méga-contrat passé entre l’UE et Pfizer pour commande de vaccins anti-Covid.

C’était en 2020.

Ce contrat fait toujours couler beaucoup d’encre :

  • Son coût réel reste inconnu –il est assurément dément, puisqu’en trois contrats l’UE a, tenez-vous bien, commandé au seul Pfizer 1500 millions de doses (300M en novembre-décembre 2020 + 300M en mai 2021 + 900M en mai 2021) ;
  • Les négociations – menées à coups de SMS entre Ursula von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, et Albert Bourla, PDG de Pfizer – restent inconnues des citoyens, Mme von der Leyen ayant toujours refusé de rendre ces échanges publics.

Plusieurs eurodéputés ont réclamé, à nouveau en janvier 2023, de la transparence sur ces contrats[1]… en vain.

Mais là c’est tout nouveau : 325 millions de doses de vaccins viennent d’être « commandées » par l’UE à Pfizer.

De vaccins contre le Covid ? Non.

De vaccins contre la grippe ? Non plus.

De vaccins contre le papillomavirus ? Non.

Une hépatite ? Le rhume ? Non non non…

325 millions de doses de vaccins… contre rien.

Le chèque en blanc de la Commission Européenne à Pfizer

Vous avez bien lu : le Commission Européenne affirme que l’Europe doit être « mieux préparée contre de futures pandémies »…

…alors elle commande 325 millions de doses de vaccins contre… une maladie purement spéculative[2].

L’accord se double d’un « plan de guerre » pour assurer la recherche et la production de ces futurs vaccins :

« La Commission a sélectionné les usines de Pfizer en Irlande et en Belgique pour réserver des capacités de production de vaccins à ARNm. Il a sélectionné les sociétés espagnoles Reig Jofre et Laboratorios Hipra SA pour réserver des capacités pour les vaccins protéiques et Bilthoven Biologicals B.V. des Pays-Bas pour les vaccins à base de vecteurs (viraux)[3]»

En d’autres mots, l’UE réquisitionne des centres de recherche et/ou de production au profit de Pfizer, en prévision de l’apparition d’une nouvelle pandémie.

Ce contrat est d’une durée de 4 ans, extensible à 8 ans.

Le montant et les conditions de ce contrat, à nouveau, n’ont pas été rendus publics.

On ne sait pas pourquoi.

Nul n’est prophète en son pays

Vous me direz : « la Commission Européenne prend les devants face à une future pandémie ».

D’un point de vue sanitaire, ça n’a aucun sens.

Parlons de la « prochaine pandémie ». Qui est capable de prédire qu’il s’agira d’une maladie virale contre laquelle un vaccin serait éventuellement utile ? Cela pourrait tout à fait être une épidémie bactérienne – d’autant plus plausible que l’antibiorésistance se développe – il faudra alors plutôt accélérer la recherche d’un nouvel antibiotique adapté.

Même s’il s’agit d’un virus, parier sur l’élaboration et la production industrielle d’un vaccin en quelques mois n’a pas de sens. Lors du Covid, l’improvisation et le non-respect des règles élémentaires d’essais cliniques ont régné. Nous sommes nombreux à souhaiter qu’un tel flou ne se reproduise pas. Et là, on nous remet exactement dans le même scénario.

Autre bizarrerie : pourquoi Pfizer ?

Quand bien même, face à une future maladie X, un laboratoire pharmaceutique parvenait à sortir un vaccin en battant des records de vitesse… qui peut dire que le « champion » de cette course SERA Pfizer ?

Tout cela est fort étrange, pour dire le moins.

La Commission Européenne travaille-t-elle avec des devins, ou est-elle simplement facile à berner et à acheter ?

Il reste deux explications possibles à ce méga-contrat mirobolant.

Première explication : la Commission Européenne travaille avec des devins, qui lui ont assuré, on ne sait comment – marc de café ? observation des étoiles ? lecture dans des viscères de chien ? – qu’une nouvelle pandémie de l’ampleur du Covid allait nous tomber dessus très bientôt.

Seconde explication : la Commission Européenne et Pfizer profitent de « l’ambiance Covid » et de la peur qu’elle a provoquée pour passer des accords exorbitants, avec notre argent, sans consulter ni les citoyens ni les eurodéputés sur le sujet.

Dans le premier cas, nous sommes face à un problème de santé publique : où est l’autorité scientifique légitime ? sur quelles bases fonde-t-elle ses prévisions ?

Dans le second cas, on a affaire à une manœuvre politico-industrielle, avec son cortège de conflits d’intérêts.

Dans les deux cas c’est inqualifiable.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


[1] De La Roche Saint-André E (14.01.2023). Covid-19 : les eurodéputés haussent le ton pour obtenir la transparence sur les contrats entre Pfizer et la Commission européenne. Libération. https://www.liberation.fr/checknews/covid-19-les-eurodeputes-haussent-le-ton-pour-obtenir-la-transparence-sur-les-contrats-entre-pfizer-et-la-commission-europeenne-20230114_J34PJ2EJRBHMHKX2XWJGQF7CDQ/

[2] Fick M (30.06.2023). EU secures vaccin deals with Pfizer, and others for future pandemic. Reuters. https://www.reuters.com/business/healthcare-pharmaceuticals/eu-announce-deal-with-pfizer-others-reserve-vaccines-future-pandemic-source-2023-06-30/

[3] Idem