Infarctus, cancer du sein, contraception : comment la santé des femmes pâtit des limites et des contradictions des politiques publiques

Chers amis,

La situation des femmes dans le paysage de la santé publique est un immense paradoxe.

Toutes les statistiques le démontrent depuis des décennies, les femmes vivent plus longtemps et en meilleure santé que les hommes – surtout depuis que l’évolution de l’obstétrique a permis de réduire spectaculairement la mortalité en couche.

Pour autant, les femmes sont, aujourd’hui, celles qui payent le plus cher les limites et les contradiction des politiques de santé publique.

La médecine en France : un point de vue encore très masculin

Aujourd’hui en France, seulement 40% des médecins sont des femmes [1].

Une fois qu’on a dit cela… on n’a encore rien dit.

Il y a, en réalité, un puissant gap générationnel.

Les « vieux » médecins (de plus de 60 ans) sont, pour une écrasante majorité, des hommes.

En revanche, 65% des médecins de moins de 40 ans sont désormais des femmes [2].

Autrement dit, il y a un véritable renversement de représentation des femmes dans les métiers de la médecine : autrefois la femme était infirmière, et l’homme, médecin.

Dans les nouvelles générations, ce n’est plus le cas : il y a désormais près de deux femmes pour un homme achevant ses études de médecine.

Si cette tendance s’ancre dans le temps, il y aura autant d’hommes que de femmes médecins dans 10 à 15 ans, et davantage de femmes médecins que d’hommes, d’ici 20 à 30 ans.

Mais attendez, il y a encore un biais : les femmes sont très nettement majoritaires dans ces spécialités : la gynécologie, la dermatologie, la pédiatrie et la médecine du travail.

Chez les généralistes, les hommes sont donc pour le moment toujours majoritaires.

Mon opinion est qu’on peut, globalement, se féliciter de cette plus grande occupation par des femmes de ces postes ; désolé si je distille quelques clichés sexistes, mais les femmes médecins sont souvent davantage disposées à être dans l’écoute et dans la compassion envers leurs patients que leurs homologues masculins, plus prompts à d’une part appliquer froidement des grilles diagnostiques (et médicamenteuses), et d’autre part à exercer leur métier de façon plus autoritaire. Car oui la médecine est, aussi, un pouvoir.

Il existe, évidemment, de nombreux contre-exemples – dans les deux sens.

Mais il y a un autre enjeu à cet équilibrage, beaucoup moins évident.

La proportion de femmes qui arrivent à la médecine héritent de plusieurs siècles d’une pratique de la médecine déterminée par un fort biais masculin.

Ce biais n’est pas une pure vue de l’esprit : il se chiffre en termes de prise en charge et… de décès.

On peut l’illustrer par un cas très concret : les infarctus.

Infarctus : deux fois plus de chances de mourir si vous êtes une femme

Homme ou femme, nous ne sommes pas du tout égaux face aux maladies et aux médicaments.

Pour les seules maladies du système nerveux, nous savons que les femmes sont infiniment plus exposées à l’anorexie, à la boulimie, à la sclérose multiple ou à la dépression, tandis que les hommes risquent davantage de souffrir de la maladie de Charcot, de bégaiement, de dyslexie, de schizophrénie ou d’autisme [3].

Mais cette distinction dépasse la seule prévalence de certaines maladies : elle concerne également le diagnostic et la prise en charge de pathologies courantes, qui ne s’expriment pas du tout de la même façon selon le sexe.

Il en va ainsi de l’infarctus.

L’infarctus est classiquement considéré comme une maladie affectant surtout les hommes, alors que les maladies coronariennes tuent plus de femmes que l’ensemble des cancers, y compris les cancers du sein et du poumon !

Ce trompe-l’œil est dû au fait que les symptômes de l’infarctus sont différents dans les deux sexes.

Chez l’homme, il est annoncé par une douleur dans la poitrine et des douleurs irradiantes dans le bras gauche.

Chez la femme, ces signaux d’alerte sont souvent absents : les premiers signes d’une crise cardiaque consisteront en des nausées, une sensation de fatigue ou des douleurs dans le ventre, ce qui induira souvent à diagnostiquer une indigestion.

Ces symptômes atypiques conduisant à un diagnostic erroné feront aussi que, même après hospitalisation, une femme victime d’un arrêt cardiaque a deux fois moins de chances d’y survivre qu’un homme [4].

Par ailleurs l’hypertension et le diabète augmentent fortement le risque d’infarctus et ce, de façon beaucoup plus marquée chez les femmes que chez les hommes.

Cependant, comme les femmes sont protégées de l’hypertension par leurs hormones ovariennes jusqu’à la ménopause, l’infarctus apparaît en moyenne plus tard chez les femmes… mais il sera par conséquent plus dangereux.

Cette différence liée aux hormones est probablement en partie à l’origine de la croyance selon laquelle les femmes seraient protégées de cette maladie. Mais on le voit, cette erreur est meurtrière.

Pour résumer, c’est actuellement la focale sur les symptômes masculins de l’infarctus… qui font que les femmes en meurent davantage !

À ce stade vous vous dites peut-être : « ah, mais pour les maladies typiquement féminines le problème ne se pose pas ! »

Eh bien… c’est en réalité pire, selon moi.

La santé féminine, victime privilégiée des dérives de notre système de santé

Les problèmes de santé typiquement féminins sont un marché à part entière. Et un marché juteux.

Pour aborder ces dérives, franchement, je n’ai que l’embarras du choix : je pourrais vous parler du traitement hormonal substitutif (THS) prescrit à la ménopause ; des vaccins anti-HPV (auxquels j’ai à nouveau consacré une lettre il y a un mois [5]) ou encore du Médiator, dont trois quarts des victimes sont des femmes [6].

Tous ces scandales peuvent se résumer en un seul problème : les traitements concernés aggravent statistiquement le problème de santé contre lequel ils prétendent lutter, voire en provoquent d’autres, encore plus graves.

Je m’en tiendrai, pour cette lettre, au seul cancer du sein.

Le cancer du sein est, avec le cancer du col de l’utérus, la grande croisade des politiques publiques de santé en France depuis plusieurs années maintenant.

Il faut rappeler que c’est le cancer le plus fréquent chez les femmes. En France, il tue 12 000 personnes par an, 1 400 en Suisse.

Dans le but de le détecter plus tôt et de faire baisser la mortalité, les femmes de 50 à 74 ans sont invitées à effectuer une mammographie tous les deux ans.

Depuis le milieu des années 1990, cette campagne d’incitation au dépistage a lieu chaque année en octobre. Le message adressé aux femmes est simpliste, voire culpabilisant. La promotion est nommée « Octobre rose » – un clin d’œil assez macabre, quand on y pense, à Octobre rouge, mois sanglant de la révolution russe de 1917.

La démarche est louable et sincère, peut-être, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Depuis une vingtaine d’années l’Institut Cochrane, un collectif de chercheurs indépendants chargé d’évaluer la qualité des études scientifiques, quantifie les effets du dépistage au cours de méta-analyses régulièrement réactualisées.

Leur conclusion : « Si l’on considère que le dépistage réduit la mortalité par cancer du sein de 15 % et que le surdiagnostic et le surtraitement s’élèvent à 30 %, cela signifie que, pour 2 000 femmes invitées à participer à un dépistage au cours d’une période de 10 ans, un décès par cancer du sein sera évité et 10 femmes en bonne santé qui n’auraient pas été diagnostiquées si elles n’avaient pas participé au dépistage seront traitées inutilement. En outre, plus de 200 femmes se trouveront dans une situation de détresse psychologique, d’anxiété et d’incertitude importantes pendant des années en raison de résultats faussement positifs [7]. »

Soit une vie sauvée… pour 210 gâchées. Mais ce n’est pas tout : le même institut conclut que les femmes dépistées meurent tout autant que les non-dépistées.

Pire encore, d’après Bernard Junod, chercheur à l’EHESP de Rennes, le traitement des cancers abusivement diagnostiqués lors des dépistages comporte d’authentiques risques létaux : affections cardiaques, cancers secondaires induits par les traitements, etc.

Si ce sujet vous intéresse, je vous invite vivement à lire Mammo ou pas mammo ?, de la Dre Cécile Bour (éd. Thierry Souccar, 2022). Nous l’avions interviewée en octobre dernier dans Alternatif bien-Être [8] : cette radiologue alertait notamment nos lecteurs sur les effets pervers de la biopsie.

Hélas, sur le sujet du cancer du sein, le problème n’est pas uniquement du côté du surdiagnostic : il est aussi du côté de la promotion, aberrante, d’un énorme facteur de risque, à savoir la contraception hormonale.

L’usine à cancers du sein

Vous le savez, depuis le 1er janvier 2022, la contraception est intégralement remboursée par la sécurité sociale en France pour les femmes de moins de 26 ans.

Enfin, quand j’écris « contraception »… seules les contraceptions hormonales sont concernées : pilules hormonales de 1re ou de 2e génération, implant contraceptif hormonal, stérilet, contraception d’urgence hormonale (plus connue sous le nom de pilule du lendemain)[9].

Cela part d’une bonne intention, je n’en doute pas : après tout, la majorité des jeunes femmes prennent déjà régulièrement la pilule, et cette mesure les soulage financièrement.

De plus, dans l’écrasante majorité des cas, dans un couple c’est la femme qui « assume » la contraception.

Bref, c’est une mesure d’équité sociale.

Il y a bien des années, c’est moi qui assumais le coût de la pilule de ma petite amie ; c’était une compensation comme une autre : c’était elle qui la prenait, et moi qui la payais.

Mais ça, c’était longtemps avant que je ne m’intéresse aux dessous (si j’ose dire) des contraceptions hormonales.

En effet, le recours à des contraceptifs hormonaux combinés, contenant à la fois des œstrogènes et des progestatifs, est associé à un risque majoré de cancer du sein [10].

Les données manquaient au sujet des contraceptifs utilisant uniquement des progestatifs, que ce soit sous forme orale (pilule), d’injection, d’implant ou de dispositif intra-utérin.

C’est ce que vient éclairer le résultat d’une vaste étude anglo-australienne menée sur près de 30 000 femmes pré-ménopausées, publié dans Plos One [11].

Les chercheurs ont comparé l’historique contraceptif de 10 000 femmes de moins de 50 ans atteintes d’un cancer du sein invasif, comparées à 20 000 femmes du même âge sans cancer du sein.

Les résultats sont accablants : l’utilisation de contraceptifs oraux – des pilules donc – qu’ils soient combinés ou uniquement à base de progestatif, augmente de 20 à 30% le risque de développer un cancer du sein agressif.

Plus une femme prend ce type de contraceptif tard dans sa vie, plus ce risque augmente : en gros, avant 20 ans, le risque est faible ; entre 35 et 39 ans, il est multiplié par 33 !!!

Nous en sommes donc arrivés, en France, à encourager et généraliser le recours à des traitements hormonaux… qui font bondir l’incidence d’un type de cancers que l’on cherche par ailleurs à combattre.

C’est une situation aberrante, et d’autant plus gravissime qu’elle concerne une personne sur deux… puisqu’il suffit d’être une femme pour en être victime.

Je vous le disais, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Je vous ferai part prochainement d’une méthode plus respectueuse de l’équilibre hormonal pour traiter divers problèmes de santé liés à la ménopause – rétention d’eau, incontinence urinaire, ostéoporose, sécheresse vaginale – restez attentifs.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet

[1] « Les femmes médecins, oui mais combien ? », What’s up doc ?, 30 novembre 2011, https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/les-femmes-medecins-oui-mais-combien

[2] « La place actuelle des femmes médecins en France », Rempla France, 12 février 2021, https://remplafrance.com/blog/femmes-medecins-france

[3] Swaab, Dick F et al. “Sex differences in the hypothalamus in the different stages of human life.” Neurobiology of aging vol. 24 Suppl 1 (2003): https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0197458003000599

[4] « Arrêts cardiaques : pourquoi les femmes en meurent-elles plus que les hommes ? », TV5 Monde, 21 juin 2021, https://information.tv5monde.com/terriennes/arrets-cardiaques-pourquoi-les-femmes-en-meurent-elles-plus-que-les-hommes-411036

[5] https://alternatif-bien-etre.com/alternatif-bien-etre/alerte-macron-annonce-la-generalisation-dun-vaccin-contenant-de-la-mort-aux-rats/

[6] https://www.informelles.media/mediator-irene-frachon-bd-proces/

[7] « Dépistage du cancer du sein par mammographie », Cochrane, https://www.cochrane.org/fr/CD001877/BREASTCA_depistage-du-cancer-du-sein-par-mammographie#:~:text=Le%20d%C3%A9pistage%20par%20mammographie%20utilise,accro%C3%AEtre%20les%20chances%20de%20gu%C3%A9rison.

[8] Malik Teffahi-Richard, « Mammographie : les méfaits avérés du dépistage généralisé », Alternatif Bien-Être n°193, octobre 2022

[9] « Contraception gratuite pour les femmes de moins de 26 ans depuis le 1er janvier 2022 », Service-Public.fr, https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15158#:~:text=Depuis%20le%201er%20janvier,et%20les%20examens%20biologiques%20potentiels)

[10] « Toutes les contraceptions hormonales augmentent le risque de cancer du sein », Futura Sciences, 23 mars 2023, https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-toutes-contraceptions-hormonales-augmentent-risque-cancer-sein-24665/

[11] « Combined and progestagen-only hormonal contraceptives and breast cancer risk: A UK nested case–control study and meta-analysis », Plos Medicine, 21 mars 2023, https://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pm