Chers amis,

Chose promise, chose due : voici la suite de ma lettre de dimanche sur les remparts face à la dépression saisonnière[1].

À la fin de cette lettre, je vous annonçais un recours si les trois moyens de prévenir la dépression saisonnière que je vous conseillais ne suffisaient pas.

Il s’agit non seulement d’une alternative aux antidépresseurs pharmacologiques mais… d’une solution à bien des égards plus avantageuse puisque son efficacité est amplement documentée, et qu’elle est dépourvue des effets secondaires propres aux produits chimiques.

Et pour vous parler de ce remède, j’ai décidé de commencer par sortir de ma bibliothèque… une bande dessinée.

La voici :

Il s’agit d’un très bel album de plus de 140 pages, réalisé par le prodige italien Manuele Fior (récompensé en 2011 à Angoulême pour 5000 kms par seconde). Les éditions Dargaud ont publié une version française de cet album il y a tout juste deux ans[2].

« Voilà qu’il nous parle de bande dessinée, maintenant ! », vous dites-vous peut-être. « A tous les coups il va nous proposer un exemplaire gratuit ! »

Non non, je vous rassure, je ne me suis pas mis à faire le commerce de bandes dessinées…

Mais le titre de cette bande dessinée est tout simplement le nom de l’antidépresseur naturel dont je vous parlais : une petite fleur jaune en forme d’étoile, le millepertuis.

Hypericon, hypericum

L’histoire se passe dans les années 1990, à Berlin. L’héroïne est venue dans la capitale allemande préparer une exposition Toutankhamon au Pergamon (grand musée archéologique berlinois).

On suit, en parallèle, le parcours de cette jeune femme mal dans sa peau, et le récit de la découverte de la tombe de Toutankhamon en 1922 par Howard Carter.

Le lien entre ces deux époques : le millepertuis, dont le nom latin est hypericum.

Manuele Fior n’invente rien – en tout cas rien au sujet des fleurs de millepertuis : dès l’Antiquité égyptienne, on s’en servait pour « chasser les démons ».

Comprenez : les idées noires.

Cette fleur avait le pouvoir de repousser les mauvais esprits. On en a retrouvé sur la momie de Toutankhamon. Elle devait le protéger dans son voyage vers l’au-delà.

Mais elle est surtout efficace ici-bas !

La fleur « chasse-diable »

Depuis l’Antiquité, le millepertuis est reconnu comme une plante aux mille vertus, particulièrement contre la tristesse et la mélancolie.

Le millepertuis fait partie de ces remèdes si populaires et « évidents » qu’il est mentionné dans chacun des traités laissés par les plus grands médecins et naturalistes de l’histoire : Dioscoride, Pline, Galien, Hippocrate, Paracelse.

Autrefois appelé « chasse-diable » ou « herbe de Saint-Jean », appliqué en onguent – c’est-à-dire en pommade – sur la peau, il soignait les blessures, les infections et les brûlures. Pris par voie orale, il apaisait les troubles nerveux, l’anxiété et les migraines.

J’emploie le passé, mais évidemment, tous ces usages sont toujours efficaces aujourd’hui !

C’est surtout au Moyen Âge que son usage pour soigner les désordres neurologiques s’est développé, la plante étant considérée comme capable de chasser les « mauvais esprits » – l’un des noms que l’on donnait aux états dépressifs avant que la médecine du XVIIIème siècle ne les baptise tels qu’on les connaît aujourd’hui[3].

Inscrit à la pharmacopée française au XIXème siècle, puis tombé dans l’oubli, le millepertuis fait son grand retour depuis quelques années grâce aux formidables découvertes de la science moderne.

Aussi efficace que les antidépresseurs… sans les effets secondaires

En 1996 une méta-analyse[4] totalisant plus de 1700 patients révélait que le millepertuis présentait sur les troubles dépressifs une action comparable à celle des antidépresseurs chimiques.

Puis de nombreuses études effectuées sur des milliers de patients ont confirmé sans équivoque l’équivalence du millepertuis, parfois même sa supériorité par rapport aux médicaments standard, pour traiter les dépressions légères à modérées[5], ainsi que dans certains cas sur les épisodes sévères[6], suggérant également que le millepertuis serait plus efficace pour atténuer l’anxiété liée à la dépression et aurait un effet significatif sur la qualité de vie…

… Avec l’avantage indéniable d’échapper à tout effet indésirable, car le millepertuis n’a, contrairement aux médicaments, aucun effet toxique.

Comment le millepertuis agit-il contre la dépression ?

Les effets du millepertuis sont souvent comparés à ceux des antidépresseurs chimiques : la plante agit sur plusieurs neurotransmetteurs essentiels, comme la sérotonine, la dopamine et la noradrénaline.

En bloquant leur recapture, le millepertuis augmente leur présence dans les synapses du cerveau, favorisant ainsi une meilleure communication entre les neurones.

Cette action contribue à améliorer l’humeur, à réduire la fatigue psychique et à apaiser l’anxiété, aidant les personnes en dépression à mieux traverser cette période difficile sans altérer les mécanismes naturels du cerveau[7].

Voici comment un ouvrage médical québécois[8] récapitule les effets du millepertuis, comparé aux antidépresseurs classiques :

  • Aussi efficace que les antidépresseurs tricycliques et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) : fluoxétine (Prozac), fluvoxamine (Floxyfral), paroxétine (Déroxat, Divarius), citalopram (Séropram), escitalopram (Séroplex), sertraline (Zoloft), amitriptyline (Laroxyl, Elavil), amoxapine (Défanyl), clomipramine (Anafranil, Clomipramine Merck), chlorhydrate de dosulépine (Prothiaden), doxépine (Quitaxon), maprotiline (Ludiomil), opipramol (Insidon).
  • Efficace sur la dépression saisonnière.
  • Efficace sur la dépression juvénile (entre 10 et 35 ans).
  • Comparable à la fluoxétine (Prozac) pour la dépression des personnes âgées, avec amélioration de l’humeur et du sommeil.
  • Efficace sur les dépressions sévères, aussi efficace que l’imipramine (Tofranil, Surmontil, Kinupril).
  • Le traitement des symptômes de fatigue, d’inactivité et d’insomnie.

Conclusion ?

En cas de déprime légère ou de dépression sérieuse, le millepertuis devrait toujours être essayé, si c’est possible, car il est la plupart du temps aussi efficace que des médicaments beaucoup plus toxiques.

Et si le millepertuis ne donne pas de résultats au bout de 2 à 3 semaines, alors – et seulement alors – l’utilisation d’une autre molécule peut se justifier.

Bonne nouvelle : votre médecin a le droit de vous prescrire du millepertuis (mais il ne le sait peut-être pas)

Depuis quelques années, le millepertuis est reconnu en France et il dispose maintenant d’une autorisation de mise sur le marché en tant que médicament dans les indications de « dépression légère et transitoire », même si très peu de médecins le savent.

Il est en vente libre (nom commercial : MILDAC[9]) et vous pouvez l’utiliser en toute sécurité, mais si vous suivez déjà un autre traitement médicamenteux, des précautions s’imposent.

Car comme tout principe actif aux puissants effets, il présente des interactions avec certaines classes de médicaments.

Le millepertuis active les enzymes qui métabolisent les médicaments dans le foie[10], et de ce fait, il peut en diminuer les effets.

Si vous utilisez l’un des médicaments suivants, consultez un professionnel de santé avant d’entamer un traitement avec du millepertuis :

  • anticoagulants ;
  • contraceptifs oraux ;
  • antirétroviraux (utilisés en cas de VIH) ;
  • certains antiépileptiques ou thymorégulateurs ;
  • certains médicaments antirejet utilisés en cas de greffe ou des anticancéreux[11].

Très important à noter : le millepertuis ne doit en aucun cas être utilisé de manière conjointe à un antidépresseur chimique. Un risque très sérieux d’effets indésirables graves existe, pouvant mener à la mort dans les cas les plus sévères.

De même, par précaution, les femmes enceintes ou allaitantes et les enfants de moins de 6 ans ne doivent pas le prendre sans avis médical préalable.

À noter que le millepertuis a souvent été accusé d’être phototoxique, mais les doses utilisées habituellement n’augmentent pas, ou très faiblement, la sensibilité de la peau aux rayons du soleil[12].

Par prudence, les peaux très claires doivent éviter de s’exposer au soleil durant la prise de millepertuis ou le faire de manière extrêmement mesurée. Mais du reste, en novembre-décembre, vous devriez peu rencontrer ce problème…

Comment utiliser le millepertuis ?

L’usage traditionnel est de 2 à 4 g de plante sèche en infusion par jour, mais sous cette forme, la teneur en principes actifs et l’efficacité restent approximatives.

Des extraits standardisés à teneur garantie en molécules actives sont préférables. Dans la majorité des études, la dose de 900 mg en trois prises (3 x 300 mg) durant 6 semaines au minimum s’est montrée efficace.

Préférez une prise au cours des repas pour éviter toute irritation digestive. Ses effets se font sentir généralement de façon graduelle après 2 à 3 semaines de traitement.

Je rappelle cependant une fois encore que, bien que naturel, le millepertuis ne s’utilise pas sans précautions car il peut interagir avec plusieurs médicaments.

Il est donc essentiel, si vous envisagez d’en prendre et êtes déjà sous traitement, de consulter votre médecin ou un professionnel de santé qualifié.

Du cœur des temples égyptiens aux armoires à pharmacie de nos jours, le millepertuis continue de briller comme une étoile de la guérison.

Peut-être avez-vous un peu de cette plante chez vous, en infusion ou en extrait ? Si c’est le cas, prenez un instant pour honorer cette fascinante « herbe solaire » qui éclaire la santé depuis des siècles, et n’hésitez pas à partager votre expérience en commentaire.

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] https://alternatif-bien-etre.com/alimentation/remedes-a-novembre/ – Rodolphe Bacquet, « Remèdes à novembre », site Alternatif Bien-Être, 3 novembre 2024

[2] https://www.dargaud.com/bd/hypericon-bda5399220 – Manuele Fior, Hypericon, Dargaud, 2022

[3] https://www.etat-depressif.com/depression/histoire-epidemiologie/ – « Histoire / épidémiologie de l’état dépressif », site etat-depressif.com

[4] Linde K, Ramirez G, Mulrow CD, Pauls A, Weidenhammer W, Melchart D, St John’s wort for depression–an overview and meta-analysis of randomised clinical trials, in. BMJ. 1996 Aug 3;313(7052):253-8.

[5] Kim HL, Streltzer J, Goebert D, St. John’s wort for depression: a meta-analysis of well-defined clinical trials., in. J Nerv Ment Dis. 1999 Sep;187(9):532-8

[6] Linde K, Berner MM, Kriston L, St John’s wort for major depression Cochrane Database Syst Rev. 2008 Oct 8;(4):CD000448.

[7] Greeson JM, Sanford B, Monti DA., St. John’s wort (Hypericum perforatum): a review of the current pharmacological, toxicological, and clinical literature. Psychopharmacology (Berl). 2001 Feb;153(4):402-14.

[8] Alice Locong & Danielle Ruelle, Guide des interactions médicaments, nutriments et produits naturels, Les Presses de l’Université Laval, 2003, p. 399

[9] https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/mildac-26245.html

[10] Zhou S, Chan E, Pan SQ, Huang M, Lee EJ. Pharmacokinetic interactions of drugs with St John’s wort. J Psychopharmacol. 2004 Jun;18(2):262-76.

[11] Vidal, cf n.9

[12] Brockmöller J, Reum T, Bauer S, Kerb R, Hübner WD, Roots I. Hypericin and pseudohypericin: pharmacokinetics and effects on photosensitivity in humans. Pharmacopsychiatry. 1997 Sep;30 Suppl 2:94-101.