Chers amis,
Cette semaine, je me trouvais en Auvergne, pour un projet avec une fabuleuse herboriste (je vous en reparlerai bientôt).
En caressant son golden retriever, je trouvai une tique en train de faire son bonhomme de chemin dans la toison du chien, et je l’en retirai avant qu’elle ne s’y fixe.
« C’est un aimant à tiques, ce chien », me dit sa maîtresse herboriste. « On en retrouve quatre ou cinq dans ses poils après chaque balade. »
Un peu plus tard, comme je discutai en forêt avec son mari, directeur d’une association dans le domaine de l’agriculture urbaine, celui-ci m’apprit que l’an dernier, dans la région, ils n’avaient eu que trois semaines sans tique.
Trois semaines ! Sur douze mois !!
Eux-mêmes s’inspectent après chaque sortie et leur chien en « attrape » presque toute l’année.
Il y a encore une dizaine d’années, c’était à partir du printemps jusqu’au milieu de l’automne, maximum, qu’il fallait être vigilant.
Désormais, c’est toute l’année ; en tout cas, en Auvergne-Rhône-Alpes.
Les cas ont doublé en 10 ans
L’incidence de la maladie de Lyme a connu une progression spectaculaire ces dernières années.
En 10 ans, le nombre d’infections identifiées a plus que doublé en France, passant de 40 cas pour 100 000 personnes en 2009 à 90 cas pour 100 000 personnes en 2020[1].
Cela représente entre 47 000 et 70 000 nouveaux cas par an. Soit l’équivalent d’une ville comme Ajaccio. C’est considérable.
Mais, effectivement, la situation est très variable selon les régions. L’Auvergne a un taux d’incidence bien supérieur à la moyenne, avec 154 cas pour 100 000 habitants[2].
Le Puy-de-Dôme (où je me trouvais cette semaine) est l’un des départements les plus touchés. Le CHU de Clermont-Ferrand est d’ailleurs l’un des cinq centres français de référence sur la maladie de Lyme en France[3].
La Haute-Savoie fait pire, avec 210 cas sur 100 000 habitants ; soit 1 personne sur 500.
Les chiffres continuent à augmenter. Comment expliquer une telle hausse ?
Le climat responsable ?
La bactérie provoquant la maladie de Lyme n’est « que » l’un des pathogènes transmis par la tique : parmi les autres infections se trouvent le virus causant la méningo-encéphalite à tiques, mais également une forme de typhus ainsi, plus rarement, qu’une fièvre hémorragique.
Le premier motif de la hausse spectaculaire de Lyme (et d’autres borrélioses) depuis quelques années, c’est évidemment la prolifération des tiques elles-mêmes.
En général les grands médias se contentent d’expliquer cette prolifération, ainsi que l’extension de la période durant laquelle sévit la tique – soit désormais presque toute l’année – par le réchauffement climatique.
Et c’est vrai que la tique, sensible aux températures, profite de la hausse globale de celles-ci.
Mais ce n’est qu’une partie, et une partie seulement, de l’explication.
J’en veux pour preuve que certains territoires sont plus touchés que d’autres.
L’augmentation catastrophique – oui, catastrophique – de la population de tiques infectées est intimement liée au déséquilibre croissant des écosystèmes de notre pays.
Plusieurs études ont en effet mis en relief des causes aussi diverses que les méthodes actuelles de gestions des forêts : coups productivistes, abandon de l’entretien[4]…
L’an dernier, je vous avais déjà parlé de la corrélation directe établie entre l’incidence de Lyme et la population de renards d’un territoire : plus il y a de renards sur un territoire, moins il y a de cas de maladies de Lyme.
La raison en est très simple : le renard est le prédateur naturel des rongeurs qui servent de moyen de transports aux tiques infectées.
En l’absence de ces prédateurs, les rongeurs se reproduisent et circulent, augmentant la prospérité des tiques… et la diffusion de Lyme.
Le loup, la tique et l’agneau
On a remarqué le même phénomène avec les loups.
Les loups sont les prédateurs naturels des cervidés et des sangliers… qui sont eux-mêmes des repaires à tiques.
En l’absence de grand prédateur, ces deux familles de gibier augmentent, renforçant le « vivier » de tiques, et favorisant la diffusion de la maladie de Lyme[5].
Le loup est une espèce protégée, progressivement réintroduite en France depuis les années 1990.
Mais, pas plus tard que lundi dernier, le gouvernement a dévoilé les grandes lignes de son « plan loup » pour la période 2024-2029.
Le « plan loup » du gouvernement est très simple : il est désormais plus facile de leur tirer dessus !
Il existe en effet un plafond de quantité de loups pouvant être abattus chaque année. Ce plafond avait déjà augmenté de 12 à 19% de la population nationale de loups ; cette fois-ci, il devrait exploser.
Que le loup soit une espèce strictement protégée ne change rien à l’affaire : le plan prévoit de changer son statut à… « seulement » protégé.
De toute évidence le gouvernement a cédé aux demandes d’éleveurs se plaignant des attaques de loups sur leurs troupeaux.
J’entends la colère et le désarroi de ces éleveurs, mais fragiliser encore plus la population tout juste renaissante des loups en France est, comme d’habitude, une solution de court terme, par laquelle le gouvernement échoue à prendre en compte tous les aspects écologiques du problème.
Ebola, covid, Lyme : mêmes causes, mêmes effets
Cela ressemble à une fable de La Fontaine : en tuant le loup pour protéger l’agneau, c’est à la tique que l’on rend service. On lui donne l’occasion de proliférer et d’étendre son territoire.
Nous devons malheureusement nous attendre non pas à une réduction, ni même à une stabilisation du nombre de cas de Lyme en France, si nos politiques continuent à ne pas voir plus loin que le bout de leur nez.
Le lien entre le maintien des fragiles équilibres écologiques et la santé humaine est de plus en plus cruellement évident.
Ebola en Afrique, le covid dans le monde, nous ont démontré ces dernières années que la réduction de l’habitat naturel des animaux-réservoirs de ces virus nous menace directement.
Lyme est une menace autrement plus préoccupante, dans la mesure où les politiques ne comprennent visiblement pas que les décrets ciblant des animaux jugés nuisibles perturbent des écosystèmes déjà déséquilibrés, et se répercutent au final sur notre santé…
… et dans la mesure où les borrélioses (la famille de la maladie de Lyme) échappent de plus en plus à la détection et aux traitements. Les patients atteints de la maladie de Lyme connaissent l’enfer au quotidien, du parcours du combattant qui aboutit au diagnostic, au soin. Contre Lyme, les antibiotiques ne suffisent plus depuis belle lurette, et il n’existe pas de vaccin.
Bref, abattre des renards peut sauver quelques poules, tirer sur des loups peut épargner quelques agneaux, mais ce court-termisme économique transforme n’importe quelle balade en forêt en aventure risquée.
Beaucoup de choses sont malheureusement à l’avenant dans le monde tel qu’il va aujourd’hui : on tire d’abord, et on ne comprend que bien trop tard l’effet domino engendré.
Toutes ces balles sont à retardement.
Si vous avez un commentaire sur ce sujet, je serai heureux de vous lire.
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] D. Roucaute, « Les maladies portées par les tiques s’étendent en Europe, boostées par le réchauffement climatique », Le Monde, 23 juillet 2023 ; disponible ici : https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/07/24/les-maladies-portees-par-les-tiques-s-etendent-en-europe-boostees-par-le-rechauffement-climatique_6183130_3244.html
[2] Fiche « maladie de Lyme » de l’ARS Auverge-Rhône-Alpes, 4 août 2023 ; disponible ici : https://www.auvergne-rhone-alpes.ars.sante.fr/maladie-de-lyme-1
[3] D. Cros, « Maladie de Lyme : comment le CHU de Clermont-Ferrand prend en charge les malades », France 3 régions, 12 juin 2020 ; disponible ici : https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/puy-de-dome/clermont-ferrand/maladie-lyme-comment-chu-clermont-ferrand-prend-charge-malades-1840802.html
[4] « Le loup peut-il éradiquer la maladie de Lyme ? », Vosges Matin, 20 février 2018 ; disponible ici : https://www.vosgesmatin.fr/edition-de-saint-die/2018/02/20/le-loup-peut-il-eradiquer-la-maladie-de-lyme
[5] T. Souccar, « Le loup, un allié contre la maladie de Lyme? », LaNutrition.fr, 26 août 2à&6 ; disponible ici : https://www.lanutrition.fr/les-news/le-loup-un-allie-contre-la-maladie-de-lyme-
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En soumettant mon commentaire, je reconnais avoir connaissance du fait que Total Santé SA pourra l’utiliser à des fins commerciales et l’accepte expressément.
N’y aurait-il pas anguille sous roche…plus de malades de lycée…Peut-être un vaccin à l’avenir…vu que les industries pharmaceutiques soutenuent par l’OMS vaxx à tout va, alors qu’il est prouvé désormais que les vaccinations engendrent l’effet inverse
Merci 🙏 très intéressant
C’est exactement ce que Marie- Monique Robin a dénoncé par son livre puis son documentaire sur » La fabrique des pandémies »
Merci
Bonjour Mr Bacquet
MERCI BEAUCOUP de me laisser l’opportunité de témoigner. Plusieurs personnes de ma famille ont été impactées par la maladie de lyme Heureusement certains de mes proches ont été suivis et soignés par le Dr Lallemand qui est décédé en 2021, le Dr Nord lui aussi a énormément soignés le lyme malheureusement aussi décédé en 2022.Personnellement, je suis préservée ce qui n’est pas le cas de mon frère impacté par le lyme depuis une quinzaine d’années Il va de consultation en consultation Récemment il a commencé un nouveau traitement chez un médecin naturopathe en Alsace beaucoup de souffrances physiques sans oublier le coût financier…Merci beaucoup d’être un lanceur d’alerte
Cordialement
Francine
Un monde de fous géré par des fous. Les fables de La Fontaine ne sont plus apprises à l’école mais le remède ne serait pas suffisant
QUI aurait l’intelligence, le bon sens et la force de persuasion nécessaire(s) pour réveiller les humains quels qu’ils soient
Le courage n’est pas de fuir mais de regarder la réalité en face
Bon dimanche, bonne semaine, bel automne !
notre « cher » gouvernement c’est ENCORE aplatis devant les exigences de von der leyen ! et oui! « madame » n’a pas apprécié qu’un pauvre loup s’en prenne à SON pauvre poney! elle a immédiatement mis en route la machine de destruction des loups ! c’est de ce regrettable incident qu’a démarré l’action du gouv! que les éleveurs se fassent détruire leur outil de travail par les loups, les moustiques ou les martiens….le gouvernement n’en a absolument rien à faire!
Dans son « Naturopathie quantique » Loïc Ternisien évoque un remède homéopathique à faire soi-même, contre les moustiques et à base de … moustiques ! pourquoi ne pas faire de même avec des tiques et d’autres parasites ? ça me rappelle les poilus de 14-18 faisant des dilutions homéos avec leurs selles pour guérir de la dysenterie.
D’autre part, nous trouvons des solutions avec la pratique très simple de la rétrocausalité. Excellent « Comment les synchronicités ont changé ma vie » du dr Cornélia Gauthier et bien sûr l’important « Se souvenir du Futur » de Leterrier et Morisson.
Peut-être que le but visé est finalement de provoquer une diminution drastique des ballades en forêt et de contingenter au maximum la population qui entend sortir des villes pour s’aérer. Cela pourrait s’inscrire dans le cadre du projet délétère des « fameuses » villes à 15 minutes, dans lesquelles les gens n’auraient plus besoin de voitures et trouveraient tout ce dont ils ont besoin pour « vivre » dans ces camps de concentration d’un nouveau type. Rappelez-vous également l’interdiction pendant le confinement des ballades en montagne et sur le littoral. Un véritable non sens!
Tout cela procède du même esprit qui vise à transformer le « citoyen » de base en un doux agneau qui ne se rebellera jamais, même lorsqu’on le mène à l’abattoir (à venir, la loi sur la fin de vie et la furieuse envie des progressistes de légaliser l’euthanasie).
Cela fait longtemps que l’on sait que les renards en mangeant beaucoup de rongeurs nous protègent des tiques ; il y a eu des études très sérieuses en Allemagne de comptage de tiques sur des draps blancs trainés sur le sol dans des réserves naturelles où les renards ne sont pas tués et dans des secteurs où ils sont abatus. Maintenant on sait parfaitement que les loups mangent des marcassins et limitent la prolifération des sangliers tout comme les chevreuils. Combien d’années faudra-t-il au gouvernement français pour le comprendre ?
Bonjour, et merci pour toute cette explication.
Merci pour votre article. Puisse t’il en faire réfléchir certains. En dehors des ennemis inconditionnels du loup et des chasseurs, cela va de soi, beaucoup sont contre le loup parce qu’ils sont influençables, hélas ! Pour éviter le Tribunal je m’abstiendrai de dire tout le mal que je pense de ceux qui détiennent le pouvoir, notamment la Von der Layen… Je suis évidemment à la fois révoltée et très malheureuse pour les loups car je m’attends au pire. Le Pdt des chasseurs, l’abominable Willy Schraen se sent pousser des ailes, il attendait ça… Il y a trop d’humains horribles sur notre terre quand des animaux utiles et beaux, sont éradiqués en parallèle, par ceux là mêmes…
Bonjour à vous,
Les renards, ces superbes animaux, sont considérés par les chasseurs (forts utiles par ailleurs), comme des « nuisibles », parce qu’ils les estiment concurrents sur le gibier qu’ils convoitent, et ils utilisent des arguments comme l’équinococcose pour justifier leur destruction . Malheureusement pour l’équilibre naturel, l’alimentation principale des renards, ce sont les rongeurs . Leur prolifération est des plus favorables à la multiplicqtion des tiques !…
bonjour
je vis en Haute Savoie et comme vous dites les tiques augmentent chaque années. Mais les loups aussi, les chiffres que l état donné à propos des loups sont faux. les differents organismes faisant le comptable ont dénombré 800 loups rien qu en Haute Savoie, chaque année avec plus d individu qui s attaque aussi aux vaches, chevaux pas qu aux brebis. Si je vous suis nous ne devrions pas avoir de soucis de tiques vu que la population de loup augmente sur mon département. Mais c est l inverse. Donc la prolifération des tiques dépend d autres facteurs. après la décision de l état d autoriser d abattre plus de loups est un autre sujet…
Bonjour et merci pour ce texte ! oui le problème de la multiplication des tiques devient (devrait devenir) un problème mondial ! Mais si nous nous basons sur la France les « lymés » qui errent pars ce qu’il n’y a plus de « docLyme » (ils ont été radiés) sont de plus en plus nombreux (même s’ils ne sont pas reconnus). Je milite avec l’association France Lyme, je suis référent en Franche-Comté où l’INRAe a reconnu que notre région était parmi celles les plus impactées par la recrudescence des tiques et des tiques porteuses de pathogènes !
Et on parle ici de maladie de Lyme, de borréliose, mais il y a de nombreux autres bactéries que peuvent transmettre les tiques.
Ma chienne est aussi un aimant à tiques et cela en toute saison !
Merci encore !
Sincères salutations.
Je m’apprêtais à transférer cette intéressante analyse des phénomènes de déséquilibres biologiques, mais les destinataires étant essentiellement des personne œuvrant dans l’environnement, la phrase « Le loup est une espèce protégée, progressivement réintroduite en France depuis… » décrédibilise l’ensemble de l’article. Cette assertion est erronée, désolé, je ne transfère pas.