Chers amis,

Voyez ce beau vase du XIXe siècle… il contient peut-être votre remède !

Les trous dans son couvercle devraient vous aider à deviner ce qui s’y cache, ou plutôt, « qui » s’y cache. 

Vous ne savez pas ? Accrochez-vous bien (sans mauvais jeu de mots) …

Il s’agit d’un vase à sangsues ! D’où l’inscription en lettres dorées (« Leeches » veut dire sangsues en anglais) et les trous pour les laisser respirer.

Des vers visqueux, avec deux ventouses, cinq paires d’yeux et 240 dents, qui se nourrissent de votre sang.

« Quelle horreur ! » ?

Pourtant, vous allez voir que les sangsues pourraient vous aider si vous souffrez d’arthrose, d’hypertension, de varices, de problèmes de peau ou de mal de dos…

En fait, tous les CHU de France qui pratiquent la chirurgie réparatrice en conservent déjà précieusement quelques spécimens dans leurs frigos [1] !

Gravure sur bois de 1639 dans Une histoire de la médecine

Purger le mauvais sang

Dès l’Antiquité et tout au long du Moyen-Âge, on se servait des sangsues pour faire des saignées et « purger le mauvais sang » ou « clarifier les humeurs épaissies », selon la célèbre théorie des humeurs d’Hippocrate.

Mais c’est au XIXe siècle que le chirurgien napoléonien François Broussais, surnommé « le vampire de la médecine », les a rendues vraiment incontournables.

Sa doctrine médicale, révolutionnaire, triomphait alors sur toute l’Europe. Selon lui TOUTES les maladies étaient causées par des inflammations, principalement du tube digestif. 

Il préconisait un remède unique, la pose de sangsues, pour traiter aussi bien :
•    Les maux de tête ;
•    Les abcès dentaires ;
•    La fièvre jaune ;
•    La nymphomanie (!) ;
•    …

A l’époque, chaque médecin et chaque apothicaire avait chez lui son propre vase rempli de sangsues affamées, prêtes à l’emploi !

Il leur arrivait de poser jusqu’à 100 sangsues sur un seul patient… au risque de le tuer (ce qui arrivait malheureusement souvent) !

Elles retroussaient leurs jupes et se laissaient mordre les mollets

Vous imaginez bien qu’il fallait trouver toutes ces sangsues. C’est ce qu’on appelait la « pêche au sang » : un travail jugé dégradant réservé aux jeunes filles de familles pauvres…

Les demoiselles retroussaient leurs jupes et offraient courageusement leurs mollets aux bestioles affamées[2].

Dès les premiers signes de vertiges dû aux morsures, elles regagnaient vite la berge. 

             Là, elles décollaient une à une les sangsues, en les saupoudrant de cendres, de sel, ou en les arrosant de jus de tabac.

Mais rapidement, la demande et les prix explosent.

Si les jeunes filles les revendaient à peine 60 cents pour 100 sangsues en 1800, la centaine de sangsues se négocie à 200 francs en 1820 [3] !

Les industriels creusent alors d’immenses bassins d’élevage, exploitent les vastes marais de Brière et les bassins d’Audenge et sélectionnent leurs sangsues avec le même soin avec lequel on sélectionne aujourd’hui les homards.

Mais en 1832, la France a épuisé ses stocks et doit en importer plus de 57 millions d’Europe de l’Est… La sangsue médicinale finit bien vite par être menacée d’extinction.

En 1865, Louis Pasteur découvre les microbes : l’hygiénisme devient la doctrine dominante et les sangsues sont reléguées au rang de bestioles immondes, vectrices de germes… 

115 protéines dans sa salive

Mais depuis une vingtaine d’années, la sangsue est de retour dans les services de chirurgie des grands hôpitaux français, suisses, allemands, américains…

Les analyses biochimiques récentes ont révélé que les sangsues ont des vertus qu’aucun médicament ne peut égaler.

Un peu comme la bave d’escargot, excellente pour la peau[4], ou celle de crapaud, qui permettrait de développer de nouveaux antiviraux[5], c’est dans la salive des sangsues que se cache le secret de leur  efficacité.

Les biochimistes ont détecté 115 protéines dans la salive des sangsues, dont plusieurs dizaines seraient thérapeutiques [6] , comme :

•    l’hirudine, le composé principal, qui fluidifie le sang et joue le rôle d’anesthésiant naturel ;
•    la destabilase, qui dissout les caillots sanguins ;
•    l’égline, un anti-inflammatoire très puissant ;
•    l’apyrase, la collagénase et la caline, qui empêchent l’agrégation des plaquettes ;
•    la théromacine et la théromyzine, qui tuent les bactéries ;
•    … et bien d’autres protéines salivaires dont on est encore loin de connaître toutes les propriétés !

Arthrose, varices, mal de dos… Ce que les sangsues soignent

Les sangsues sont utilisées depuis une vingtaine d’années dans nos hôpitaux, en chirurgie réparatrice, dans la reconstruction de doigts et d’orteils broyés, dans la greffe de peau, et même dans la réparation du sein ou du nez !

C’est à ce jour le seul moyen de sauver un greffon cutané en train de mourir.

Les chirurgiens l’utilisent en complément des médicaments classiques pour décongestionner une plaie délicate ou faciliter la vascularisation d’un lambeau greffé, afin d’éviter une nécrose ou une amputation définitive.

Mais de plus en plus de naturopathes proposent aussi l’hirudothérapie comme traitement, sans doute près de chez vous.

Les sangsues peuvent vous soulager si vous souffrez des pathologies suivantes [7] :

•    Les maladies veineuses : varices, phlébites, thromboses et sensations se jambes lourdes, ulcères de jambe, hémorroïdes, hémochromatose (excès de fer dans le sang)
•    les douleurs articulaires : les arthroses (la très sérieuse revue Annals of Internal Medicine recommande leur usage contre l’arthrose du genou [8] ) et les tendinites 
•    les traumatismes : contusions, entorses, déchirures, fractures, hématomes
•    les problèmes de peau : les abcès, les furoncles, les panaris, les œdèmes, les cicatrices douloureuses et inesthétiques
•    les douleurs du dos (une étude allemande, randomisée en double aveugle, vient tout juste d’en démontrer l’efficacité [9])
•    les angines de poitrine, les risques et séquelles d’infarctus
•    l’hypertension artérielle
•    les migraines et maux de tête
•    les acouphènes
•    les douleurs prémenstruelles, l’aménorrhée, l’endométriose

Et si vous osiez ?

La sangsue médicinale revient en force.

En Russie, en Inde et en Turquie, ces vers qui font partie de la pharmacopée traditionnelle sont aujourd’hui abondamment utilisés, à l’hôpital comme dans des cadres plus informels.

En Suisse, en Allemagne, l’hirudothérapie est reconnue comme une médecine à part entière et est remboursée par les assurances complémentaires

En France, plusieurs médecins et naturopathes plaident aujourd’hui pour qu’elles soient reprises en charge (elles étaient remboursées jusqu’en 1972).

Aux Etats-Unis, les sangsues sont approuvées par la Food and Drug Administration (FDA) comme « dispositifs médicaux ». 

Certains Américains, comme Ariane Khomjani, en font même leur animal de compagnie…

Ce jeune Californien a récemment attiré la curiosité des médias : il élève trois sangsues géantes dites « buffles d’Asie » chez lui, baptisées Laera, Liidra et Lykra  [10] !

 Ce « mordu » des sangsues, si j’ose dire, souffre de troubles neurologiques et d’une mauvaise circulation sanguine.

Une fois par mois, il les laisse boire son sang, et affirme se sentir beaucoup mieux après !

Sans aller jusque-là, vous pouvez vous aussi jouir des bienfaits santé des sangsues.

Rassurez-vous : les sangsues médicinales utilisées en France font tout la juste l’épaisseur d’un ver de terre et leur morsure est à peine plus perceptible qu’une piqûre d’ortie.

La sensation s’estompe de toute façon en quelques minutes sous l’effet de l’hirudine, l’anesthésiant naturel dont je vous parlais à l’instant.

Vous pouvez demander conseil à votre naturopathe, à votre médecin traitant, ou consulter un annuaire de thérapeutes, comme celui-ci (https://www.annuaire-therapeutes.com/therapeutes/), pour trouver un professionnel pratiquant l’hirudothérapie.

Vous pouvez aussi contacter la société Ricarimpex, la seule entreprise française à vendre des sangsues médicinales, https://sangsue-medicinale.com/les-activites/vente-et-produits/ Elle pourra vous en vendre directement si vous maîtrisez déjà l’hirudothérapie, ou bien vous orienter vers un professionnel qualifié.

Les contre-indications sont peu nombreuses (grave anémie, déficit de coagulation comme l’hémophilie, immunosuppression), mais je vous recommande fortement de passer par un professionnel, au moins la première fois, qui saura effectuer les bons gestes en respectant les normes d’hygiène.

En 20 à 60 minutes, les sangsues se détachent d’elles-mêmes après avoir absorbé 10 à 15 ml de votre sang, soit tout de même 10 fois leur volume à jeun !

Aucun risque donc qu’elles restent accrochées à votre peau.

Le seul véritable désagrément, c’est qu’en raison des anticoagulants présents dans leur salive, les plaies occasionnées par la morsure peuvent continuer à saigner entre 4 et 12 h après.

Vous devrez donc utiliser des compresses et pansements, et les changer régulièrement le temps de la cicatrisation.

Sachez enfin que tous les patients traités par des sangsues témoignent d’un effet relaxant et euphorisant, à ce jour inexpliqué mais sans doute lié à la saignée…

Quoiqu’il en soit, j’espère au moins avoir changé votre regard sur ces « petits vampires » injustement mal aimés !

Portez-vous bien,
Rodolphe


[1]https://www.lefigaro.fr/societes/le-laboratoire-francais-qui-fournit-des-milliers-de-sangsues-aux-hopitaux-20191112
[2] S. Jacques-Marin, « L’esprit des médecines anciennes », 2005, p. 173
[3] C. Renner, « La boule à riz d’étain devenue boule à sangsues ». Revue d’histoire de la pharmacie, 2002, 90(336), 666-669.
[4] « The Effects of Filtrate of the Secretion of the Cryptomphalus Aspersa on Photoaged Skin », https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23652894/
[5]https://www.santelog.com/actualites/grippe-de-la-bave-de-crapaud-pour-de-nouveaux-antiviraux
[6] « Leech Therapeutic Applications», Indian Journal of Pharmaceutical Sciences, 2013, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3757849/
[7] Dr Dominique Kaehler Schweizer, « Thérapie par les sangsues : secrets et bienfaits de l’hirudothérapie », éditions Jouvence, 2008
[8] Andreas Michalsen, Stefanie Klotz, Rainer Ludtke, Susanne Moebus, Gunther Spahn et Gustav J. Dobos, « Effectiveness of Leech Therapy in Osteoarthritis of the Knee – A Randomized, Controlled Trial », Annals of Internal Medicine, 4 novembre 2003, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/14597456/
[9] « The Effectiveness of Leech Therapy in Chronic Low Back Pain», novembre 2018, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6334223/
[10]https://www.facebook.com/watch/?v=2791699264192933