Chers amis,
Hier, je vous écrivais que le sénateur Laurent Duplomb avait entrepris de faire promulguer son texte de loi autorisant la réintroduction d’un insecticide toxique à la faveur de la torpeur de l’été[1].
Une mobilisation citoyenne massive et inespérée a permis de faire échec à cette mesure désastreuse.
Hélas, la torpeur de l’été sert de lubrifiant discret à d’autres lois régressives.
Je veux parler cette fois d’une loi européenne, entrée en vigueur il y a exactement une semaine (le 7 août) sur la « liberté des médias ».
« Liberté » : à ce titre, on pourrait croire qu’elle vise à défendre la liberté d’exercer des journalistes et garantisse l’indépendance des médias.
C’est tout le contraire : elle prévoit un contrôle renforcé des titres de presse et… l’arrestation de journalistes.
On dirait du Orwell dans le texte.
Liberté, j’écris ton nom (et je brûle le papier)
La Commission européenne présente la nouvelle loi sur la liberté des médias comme un « bouclier » pour protéger la presse contre les pressions politiques et économiques[2].
Sur le papier, c’est magnifique : transparence sur la propriété des médias, limitation des ingérences étatiques, garantie du pluralisme.
Ces mesures sont prises, d’après les médias européens « autorisés » (vous verrez ensuite pourquoi j’emploie ce terme) comme Euronews, en réaction au muselage de la presse et aux intimidations – allant jusqu’au meurtre – qui ont pu se produire dans d’anciens pays communistes : Hongrie, Pologne, Slovaquie[3].
Ainsi, la loi interdit noir sur blanc aux États membres d’arrêter des journalistes ou de recourir à des logiciels espions pour surveiller leur activité[4].
Magnifique !
Sauf qu’elle prévoit, tout aussi noir sur blanc… des dérogations dans un cadre extrêmement flou[5].
Les dérogations prévues seront faites au nom de « l’intérêt général » ; un chroniqueur de Mediapart parle d’une « exception qui dévore la règle » :
« La principale contradiction de cette loi réside dans ses exceptions. Si l’article 4 protège théoriquement les sources journalistiques, il autorise immédiatement des dérogations au nom de l’“intérêt général” et de la “proportionnalité”. Ces notions floues et subjectives ouvrent une brèche considérable dans la protection annoncée[6]. »
Autrement dit : oui, cette loi prévoit bel et bien la possibilité d’espionner des journalistes et de les arrêter dès que les circonstances paraissent le justifier.
Voilà donc le paradoxe :
- On vous assure que la presse sera « libre »…
- Mais on donne aux gouvernements un outil légal pour espionner et arrêter les journalistes qui enquêtent sur des sujets jugés « sensibles ».
Imaginez si cette loi avait été appliquée en 2021
Quand on lit des dispositions aussi hypocrites que celles-ci, il faut remonter le fil des intérêts : autrement dit, à qui profite ce flou ?
Et en remontant ce fil, je ne peux m’empêcher de repenser au « Pfizergate ».
Rappelez-vous comment, en 2021, des journalistes ont révélé au monde entier que le plus gros contrat jamais conclu entre l’UE et une entreprise privée – pour l’achat des injections anti-Covid – avait été négocié en-dehors de tout cadre officiel et légal, en dévoilant un échange de SMS entre Albert Bourla, PDG de Pfizer, et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne[7].
Il est hors de doute que, dans la cadre de cette loi, Ursula von der Leyen et la Commission européenne auraient disposé d’un blanc-seing administratif pour espionner, et surtout intimider – par arrestation – les journalistes ayant levé ce lièvre, quand bien même il s’agissait de journalistes du New York Times.
Mais ce n’est pas le seul problème posé par cette législation.
Elle acte la mise en place, dans l’Union européenne, d’une presse à deux vitesses : une presse subventionnée et « autorisée » d’un côté, et une presse invisibilisée et placée sous étroite surveillance de l’autre.
Un coup de pouce… qui penche du côté public
Le texte prévoit que les médias de service public disposent de « ressources financières appropriées, durables et prévisibles » pour accomplir leur mission.
Sur le papier là encore, qui pourrait être contre ?
Mais en pratique, si ces financements sont disproportionnés ou mal encadrés, ils peuvent fausser la concurrence et offrir aux gouvernements un levier d’influence déguisé.
Une transparence à double tranchant
La loi impose la divulgation de l’identité des propriétaires, la transparence sur la publicité d’État et certaines données d’audience.
La transparence est essentielle… mais si elle devient intrusive, elle risque d’empiéter sur la confidentialité nécessaire au travail journalistique.
Il me paraît évident qu’une application trop stricte ou invasive – là encore, laissée à l’appréciation du pouvoir – pourrait porter atteinte à des principes journalistiques comme la confidentialité, surtout pour les médias indépendants ou critiques.
Le risque de stigmatisation ou de pression exercées sur des médias financés par des sociétés ou des individus n’ayant pas l’heur de plaire à l’État est réel.
Nous allons, d’un bon train, vers un système de fichage permettant un contrôle administratif beaucoup plus fort : les journalistes et les patrons de presse seront « libres »… sous la surveillance accrue du pouvoir.
Comme à peu près tout ce qu’elle touche, la Commission européenne étouffe ce qu’elle prétend protéger, met sous cloche ce qu’elle prétend libérer et dénature ce qu’elle prétend laisser indépendant, par de nouvelles normes et de nouvelles restrictions.
Ces restrictions deviennent vraiment préoccupantes lorsqu’il s’agit de la liberté de la presse.
Il est temps de dénoncer cette législation en signant la pétition contre la loi européenne sur la « liberté » des médias : protégeons vraiment la liberté de la presse.
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] https://alternatif-bien-etre.com/societe/loi-duplomb-victoire-ou-sursis/ – Rodolphe Bacquet, « Loi Duplomb : victoire ou sursis ? », site d’Alternatif Bien-Être, 13 août 2025
[2] https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/new-push-european-democracy/protecting-democracy/european-media-freedom-act_fr – « Législation européenne sur la liberté des médias », site de la Commission européenne
[3] https://fr.euronews.com/my-europe/2025/08/10/entree-en-vigueur-dune-loi-europeenne-historique-sur-les-medias-visant-a-proteger-les-jour – Sandor Zsiros, « Entrée en vigueur d’une loi européenne historique sur les médias visant à protéger les journalistes », site d’Euro News, 10 août 2025
[4] Article 4, §3 a, b,c https://fr.euronews.com/my-europe/2025/08/10/entree-en-vigueur-dune-loi-europeenne-historique-sur-les-medias-visant-a-proteger-les-jour – Ibid
[5] Article 4, § 4 et 5
[6] https://blogs.mediapart.fr/remy-nuno-griffais/blog/090825/la-loi-europeenne-sur-la-liberte-des-medias-protection-ou-controle-0 – Rémy Nuno Griffais, « La loi européenne sur la liberté des médias : protection ou contrôle ? », in. Le Club de Médiapart, 9 août 2025
[7] https://en.wikipedia.org/wiki/Pfizergate – « Pfizergate » (fiche Wikipedia)
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