Chers amis,

Pandore a reçu de la part des Dieux de l’Olympe tous les dons : Aphrodite lui a donné la beauté, Athéna le talent de se servir de ses mains, Apollon celui de la musique…

Zeus lui a donné… une boîte.

Drôle de cadeau… il précise qu’elle ne doit l’ouvrir sous aucun prétexte !

Malheureusement, Pandore a aussi reçu d’Hermès le « don » de la curiosité.

Elle ouvre donc la boîte.

Vous connaissez la suite : la boîte de Pandore contenait tous les maux de l’Humanité.

C’est ainsi que déferlèrent sur le monde la famine, la misère, la guerre, la vieillesse… et évidemment la maladie.

Au XXIème siècle nous avons aussi ouvert des boîtes de Pandore.

Regardez ce petit animal adorable.

C’est un écureuil rayé venu d’Asie, connu sous les noms de Tamia de Sibérie ou écureuil de Corée.

Ce rongeur a été importé et autorisé à la vente en France comme animal de compagnie à partir des années 1960. Très mignon, il a eu beaucoup de succès.

Mais, au fil du temps, un grand nombre de ces écureuils rayés se sont enfuis ou ont été relâchés dans la nature, formant des colonies invasives dans nos forêts et dans nos campagnes, notamment autour de Paris.

Dans la seule forêt de Sénart, au sud-est de Paris, des chercheurs ont dénombré jusqu’à 10’000 de ces animaux[1].

Or ces écureuils « importés » ne rentrent pas seulement en concurrence avec les espèces de rongeurs autochtones : ce sont aussi des réservoirs à tiques beaucoup plus importants que nos rongeurs « maison ».

Risque de Maladie de Lyme multiplié par 8,5 !

On estime qu’entre 0 et 10% des mulots des forêts sont porteurs de la borréliose de Lyme.

Chez les campagnols roussâtres, cette proportion se situe entre 10 et 30%.

Chez les Tamias de Sibérie et les écureuils de Corée, entre 35 et 75%[2] !

Et il y a pire : seules quelques tiques – une dizaine au maximum – s’accrochent sur un mulot ou campagnol.

Chez les Tamias de Sibérie et les écureuils de Corée, on les compte par dizaines, voire centaines[3].

Un spécialiste a retrouvé jusqu’à 300 tiques sur un seul individu.

Ces écureuils importés sont ainsi les grands responsables de la forte augmentation de la maladie de Lyme car :

  • Ils permettent aux tiques de prospérer et de multiplier leur population ;
  • Ils contribuent à augmenter la diversité génétique des bactéries de Lyme.

Ce dernier point est important.

Car c’est la diversification génétique de la borréliose de Lyme qui rend depuis quelques années le dépistage de Lyme si compliqué.

Selon le ministère de la Santé, 50’000 maladies de Lyme sont diagnostiquées chaque année en France[4]. Cela représente le double d’il y a dix ans. Et encore, ce chiffre est probablement en-dessous de la réalité car de nombreux cas désormais ne sont pas détectables.

En 2013, une étude du Muséum d’Histoire naturelle de Paris établissait que les tamias de Sibérie et les écureuils de Corée multiplient par 8,5 le risque d’infection à la maladie de Lyme.

Depuis 2014 leur importation a donc enfin été interdite par la loi, à cause du « boom » de Lyme qu’elles ont engendré.

Mais, comme souvent, il était trop tard.

La boîte de Pandore, c’est le monde animal sauvage

Il y a des points communs entre Lyme et le Covid 19:

  • Ce sont des maladies dont on maîtrise mal la diffusion…
  • Et nous les avons laissées s’échapper du monde animal.

C’est ainsi qu’on parle à leur sujet de « zoonoses ».

En février je consacrais l’une de mes lettres à la provenance du Coronavirus : les chauve-souris.

Les chauve-souris sont en effet des « réservoirs » à coronavirus.

La destruction de l’habitat naturel des chauves-souris et leur présence sur des marchés animaliers chinois, comme celui de Wuhan, a ouvert la voie à la mutation du virus et à sa contagion chez l’homme, son système immunitaire n’étant pas habitué à ce virus.

C’est aussi ce qui s’est passé en Afrique à partir du milieu des années 1970 avec Ébola : ce sont les chauve-souris frugivores qui sont les réservoirs naturels de cette maladie[5].

L’épidémie a commencé lorsque le virus est passé du monde sauvage à celui de l’homme.

C’est la même chose pour Lyme et ces écureuils asiatiques, ils sont devenus des « réservoirs » à Lyme.

Le responsable de ce terrible effet domino n’est pas l’animal, mais l’homme.

Car c’est l’homme qui,

  • Par la destruction de l’habitat naturel de la faune sauvage d’une part,
  • Et le commerce et l’exploitation d’animaux sauvages d’autre part (soit à des fins culinaires ou médicinales « exotiques » comme en Chine, soit à des fins « domestiques » comme pour l’écureuil de Corée, soit encore pour l’exploitation de sa fourrure comme pour le vison au Danemark) …

… ouvre les boîtes de Pandore que sont ces réservoirs à maladies !

Tant que nous ne laisserons pas ces animaux là où ils sont, tant que nous ne cesserons pas d’empiéter sur leur habitat, nous devons nous attendre à l’émergence de nouvelles épidémies issues de cette faune.

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] REINERT Magali (2014). Maladie de Lyme: n’offrez pas d’écureuil de Corée à Noël. Novethic. https://www.novethic.fr/actualite/environnement/sante-environnementale/isr-rse/maladie-de-lyme-n-offrez-pas-d-ecureuil-de-coree-a-noel-142971.html

[2] MARSOT Maud (2011). Modification du risque d’une maladie multi-hôtes suite à l’introduction d’une espèce réservoir : Cas de la maladie de Lyme et du tamia de Sibérie en Ile-de-France. Thèse présentée à l’Académie de Clermont-Ferrand, Université Blaise Pascal. https://ecureuils.mnhn.fr/sites/default/files/documents/manuscrit_mmarsot1.pdf

[3] Pisanu, B. et al. (2010). Introduced Siberian chipmunks are more heavily infested by ixodid ticks than are native bank voles in a suburban forest in France. International Journal for Parasitology 40, pp. 1277-1238. doi:10.1016/j.ijpara.2010.03.012.

[4] Santé publique France (2019). Borréliose de Lyme. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-a-transmission-vectorielle/borreliose-de-lyme/la-maladie#:~:text=Une%20maladie%20infectieuse%20transmise%20par,dures%20du%20genre%20Ixodes%20infect%C3%A9es.

[5] Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2019). Maladie à virus Ebola. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ebola-virus-disease#:~:text=La%20maladie%20%C3%A0%20virus%20Ebola%20est%20apparue%20pour%20la%20premi%C3%A8re,son%20nom%20%C3%A0%20la%20maladie.