Chers amis,
Vous en entendez beaucoup parler, vous en discutez peut-être avec vos proches…
Mais qu’est-ce vraiment que « BIG PHARMA » ?
Les militants de la santé naturelle brandissent cette expression pour discréditer la médecine conventionnelle et ses liens étroits avec les labos pharmaceutiques. Et ils sont taxés de complotistes par les médecins les plus conventionnels.
Et du coup, « Big Pharma » est devenu un épouvantail…
Qu’y a-t-il derrière l’épouvantail ?
Big Pharma, ce n’est pas toute la médecine officielle, ce n’est pas toute l’industrie pharmaceutique…
Il faudrait plutôt entendre « Big Pharma » comme une tendance dominante des fabricants de médicaments qui font rentrer la politique et l’argent en jeu dans la santé au mépris, bien souvent, de l’intérêt des patients.
Je vais vous donner une illustration tout de suite en vous parlant de la Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).
Une maladie, deux traitements… et deux prix
Vous connaissez peut-être cette grave maladie des yeux, un vieillissement qui prend la forme d’une destruction progressive de la macula, partie de la rétine qui permet la vision centrale.
La dégénérescence maculaire liée à l’âge est très fréquente après 70 ans. Les cas les plus graves peuvent engendrer la cécité.
Il existe des traitements naturels contre la DMLA, mais ce n’est l’objet de ce message.
Je vais vous parler de médicaments anti-DMLA qui fonctionnent. Il y en a principalement deux :
- L’Avastin (bévacizumab), développé par les laboratoires Roche ;
- Le Lucentis (ranibizumab), développé par les laboratoires Novartis.
Ces deux traitements sont administrés par injection dans l’œil et ont prouvé leur efficacité. Il s’agit de deux versions d’une même molécule inventée par un laboratoire américain, Genentech.
A part le nom et le laboratoire, quelle est la différence entre ces deux médicaments ?
Leur prix.
L’Avastin coûte entre 30 et 50 euros et le Lucentis entre 800 et 900 euros.
Le rapport est de 1 à 20.
En tant que patient, en tant qu’ophtalmologue, vous vous tourneriez naturellement vers l’Avastin, dont l’efficacité est absolument prouvée.
C’est ce que tout le monde faisait au départ, dès 2005.
Jusqu’à ce que le gouvernement français, en 2012, interdise aux hôpitaux le recours à l’Avastin pour lutter contre la DMLA[1], obligeant patients et médecins à se tourner vers le Lucentis, 20 fois plus cher…
Cela a été le jackpot pour Novartis : en 2015, le Lucentis était devenu le 4e médicament qui coûtait le plus cher à l’Assurance maladie française[2] : 318 millions d’euros pour cette seule année-là !
Tour de passe-passe médico-administratif
Comment un médicament efficace et bon marché a-t-il pu être interdit au profit de son seul autre concurrent 20 fois plus cher ?
La manœuvre est à chercher ici : l’Avastin n’était pas, au départ, un médicament conçu pour traiter la DMLA, mais le cancer.
Sauf que, à sa mise sur le marché en 2007, des patients atteints à la fois d’un cancer et d’une DMLA ont vu leur DMLA s’améliorer grâce à l’Avastin !
C’est ainsi que l’indication DMLA inattendue du médicament fut découverte.
Elle a été confirmée ensuite par des études randomisées en double-aveugle[3] : oui, l’Avastin se révélait hyper efficace contre la DMLA.
Cette découverte d’un « effet positif inattendu » d’un médicament est fréquente.
Le viagra par exemple, la fameuse pilule pour l’érection, était au départ un médicament développé contre l’angine de poitrine.
Si l’Avastin, aussi efficace contre la DMLA que le Lucentis, a été interdit en 2012 c’est officiellement parce que l’indication « DMLA » ne figurait pas sur la notice du médicament.
Vous allez me dire que cela aurait pu être aisément modifié par les laboratoires Roche, puisque la preuve de l’efficacité de cette application avait été faite.
Pourquoi Roche n’a-t-il pas fait la démarche qui aurait permis à l’Avastin de faire figurer la DMLA dans les indications de son médicament ?
La réponse se trouve dans un jugement rendu en septembre 2020 : pour de viles raisons d’argent !
Magouilles entre laboratoires
L’attitude de Roche fut dès le départ étonnante quand il fut question de « valider » l’indication de l’Avastin contre la DMLA.
Le laboratoire déclarait qu’il serait « trop long et trop coûteux » d’effectuer de nouvelles études pour obtenir un « label » DMLA.
Pourtant, vu les bénéfices permis par son indication contre la DMLA, qui touche 1 million de personnes en France[4], cet investissement aurait été vite remboursé !
Deuxième réaction étrange : le laboratoire a ajouté dans sa notice des mises en garde dissuasives contre un usage de l’Avastin qui s’écarterait de son application anti-cancer.
Comme s’il voulait décourager l’usage de l’Avastin contre la DMLA !
Avec les deux informations que je ne vous ai pas encore données, l’explication devient limpide :
- Novartis est actionnaire de Roche ;
- Genentech, l’inventeur de la molécule utilisée dans les deux médicaments, a été racheté par Roche.
En 2014 déjà, un article du Point titrait : « Deux géants pharmaceutiques auraient mis en place une entente illicite pour maintenir le prix d’un traitement ophtalmologique à un niveau exorbitant.[5] »
Et en effet les faits sont accablants pour les deux laboratoires, ainsi que pour l’Américain Genentech : une enquête de huit années a confirmé que les 3 laboratoires ont agi de concert pour empêcher le recours à l’Avastin contre la DMLA au profit du Lucentis :
« Les laboratoires ont réalisé une véritable cartographie des médecins qui utilisaient l’Avastin contre la DMLA et qu’ils appelaient les Avastin lovers, raconte la présidente de l’Autorité de la concurrence, Isabelle de Silva. Ils se sont rapprochés d’eux, ne les ont pas lâchés, les mettant en garde sur le risque d’effets secondaires de l’Avastin dans la DMLA. »
« Ils faisaient tout pour empêcher les spécialistes renommés et influents de mener des travaux, d’intervenir dans des congrès, poursuit la présidente. Plus tard, pour ralentir les procédures lancées contre eux, les 2 laboratoires ont refusé de fournir des échantillons pour alimenter les études comparatives.[6] »
Au terme de la procédure lancée par l’Autorité de la concurrence en France, les laboratoires ont été condamnés, le 9 septembre 2020, à plus de 440 millions d’euros d’amende.
Cela semble beaucoup, 440 millions.
Mais c’est bien faible comparé aux quelques 2 milliards d’euros de surcoût occasionnés, depuis tant d’années, pour la Sécurité sociale en France !
Condamnés par l’économie… Et pour la santé ??
Résumons donc :
- Trois laboratoires pharmaceutiques, qui ont entre eux des liens capitalistiques, s’arrangent en secret pour promouvoir la version la plus chère d’une même molécule contre une même maladie ;
- En France, le ministère de la Santé interdit la version la moins chère de ce médicament, rendant de facto obligatoire la version vingt fois plus chère[7]!
- Cette opération creuse un trou de 2 milliards d’euros dans la Sécurité sociale…
- La « révélation » de la magouille coûte aux 3 labos une bien faible portion du chiffre d’affaires réalisé pendant plus de dix ans sur le dos des patients.
Voilà… c’est ça « Big Pharma ».
C’est un jeu que jouent les géants de l’industrie pharmaceutique quand ils se soucient uniquement de leurs profits au mépris de l’intérêt des patients et des comptes publics.
Je relève aussi la coupable complaisance (ou complicité ?) des autorités de santé en France face aux manœuvres de ces entreprises… qui donne à voir la puissance des lobbys à la manœuvre derrière de telles décisions.
Peut-être faudrait-il que ces Messieurs lisent ceci : non, la santé n’est pas une « économie » comme les autres, non les médicaments ne sont pas une « industrie » comme les autres.
C’est de notre santé qu’il s’agit.
Car pour 1 seul scandale du Mediator révélé, pour 1 seule magouille de Roche, Novartis et Genetech, combien de bénéfices vertigineux continuent à être faits par l’industrie pharmaceutique avec la complicité des autorités, sans que notre santé ait été au centre des préoccupations ?
C’est bien malheureux, mais « Big Pharma » existe, mes chers lecteurs. N’en déplaise à ceux qui trouveraient ce terme complotiste.
Je pense même qu’on n’en voit que la face émergée de l’iceberg.
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] M. Perez, « Emoi après l’interdiction d’un médicament contre la cécité », Le Figaro Santé, juillet 2012, disponible sur : https://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/07/29/18708-emoi-apres-linterdiction-dun-medicament-contre-cecite
[2] C. Hecketsweiler, « Quels sont les médicaments les plus coûteux en France ? », octobre 2015, Le Monde, disponible sur : https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/10/16/le-top-des-medicaments-les-plus-prescrits_4790672_3234.html
[3] J-Y. Nau, « Avastin et Lucentis sont dans un bateau », 2012, Rev Med Suisse, disponible sur : https://www.revmed.ch/RMS/2012/RMS-351/Avastin-et-Lucentis-sont-dans-un-bateau
[4] DMLA, Hôpital Fondation Rothschild, disponible sur : http://www.fo-rothschild.fr/soins/ophtalmologie/maladie-retine/degenerescence-maculaire-liee-age.html
[5] J. Mazzoni, « Affaire Avastin/Lucentis : petits arrangements entre labos », LePoint.fr, disponible sur : https://www.lepoint.fr/sante/affaire-avastin-lucentis-petits-arrangements-entre-labos-14-04-2014-1812922_40.php
[6] D. Rosenweg, « Affaire du Lucentis : une amende de 445 millions d’euros infligée à Roche et Novartis », sept 2020, Le Parisien , disponible sur : https://www.leparisien.fr/economie/affaire-du-lucentis-une-amende-de-445-millions-d-euros-infligee-a-roche-et-novartis-09-09-2020-8381508.php
[7] Cette interdiction a été levée en 2015 au motif de la RTU (recommandation temporelle d’utilisation à visée économique), au regard de la spectaculaire différence de prix.
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En soumettant mon commentaire, je reconnais avoir connaissance du fait que Total Santé SA pourra l’utiliser à des fins commerciales et l’accepte expressément.
Merci pour cet exemple édifiant de dérive vers la corruption chez Big Pharma.
C’est très bien relaté, concis, précis.
Donc c’est utile pour transmettre aux personnes désinformées de mon entourage.
Pour compléter mon commentaire précédent. Espérons que le Ranivisio, biosimilaire de Lucentis, fera diminuer le coût du traitement en ophtalmologie.
Bonjour,
Je ne suis pas d accord sur votre commentaire sur la complaisance des autorités de santé françaises.Celles ci ne peuvent entériner que ce qui est inscrit dans le RCP du médicament non seulement du point de vue de l indication mais aussi de l’utilisation après ouverture. La préparation d’avastin pour un usage ophtalmique n’est pas celle indiquée dans son AMM. La question est plutôt comment les autorités françaises (ou plutôt européennes puisque l’AMM d’AVASTIN a été donnée par l’EMA ) de santé ou autre peuvent elles imposer à un laboratoire de faire les études nécessaires pour valider l’utilisation de leur médicament dans une nouvelle indication qui plus est dans une utilisation où le mode d’emploi (et voie d’administration) est différent(e)de celui (celle) de l’indication des études cliniques. Compte tenu des voies d’utilisation différentes, des quantités à administrer et de l’indication différentes, de telles etudes auraient conduit à une AMM différente, même pour un demandeur d’AMM identique au titulaire d’Avastin. Par ailleurs, je en pense pas que cela soit le rôle des autorités de santé, de contrôler les petits arrangements entre industriels sur le plan économique. Il y’a d’autres institutions pour le faire. Compte tenu de l’obligation d’une AMM européenne pour ce type de médicament, on peut se demander pourquoi ces ententes entre laboratoires ne sont pas condamnées par la Commission européenne.
Apparaîttun décalage ahurissant entre l’apparence de votre argumentaire qui se veut parfaitement informé à tous points de vue et votre méconnaissance d’informations basiques, publiques, judiciaires comme celles que j’ai déjà mentionnées dans mes précédents commentaires. Vivons nous dans le même monde?
Big Pharma = clairement plutôt inconnue des citoyens habituels ou lambda et si on ne peut considérer un complot dans tous les cas c’est un fait qu’il existe des ententes visant à contourner l’accès le plus simplement et le moins onéreux!
Bonjour Rodolphe, j’ai eu 8 enfants de 2004 à 2020 et pour chacun d’eux on m’a prescrit à la maternité de la vitamine K Roche, comme si c’était une exclusivité de ce laboratoire. Cette situation de monopole de fait m’a fait tiquer dès la deuxième ou troisième fois. Et j’ai pu constater à la lecture de différents articles (dont les vôtres) que le laboratoire Roche a en effet une éthique plutôt élastique….. En savez-vous d’avantage ?
rien entendu même à 100%. c’est souvent que vous placez mal vos micros et qu’étant un peu sourde je loupe beaucoup de vos conférences. Là j’étais particulièrement intéressée puisque ma DMLA est traitée au Lucentis.
Je n’aime pas les vidéos. Je préfère lire un article. La plupart du temps je ne les écoute pas,à de rares exceptions près
Merci pour l’info
Savez vous que Bayer a aussi mis un médic contre déméla sur le marché
cher aussi…
MAIS qu’y a t-il comme réelle médicament naturel contre la démméla ???
VOUS DITES QUE LE LUCENTIS EST EFFICACE.MAIS EN MDECINES NATURELLES QUE RECOMMANDERIEZ-VOUS ? MERCI
Merci a vous, extraordinaire et si courageux esr votre combat sur ce « Ring des Enfoires » qui sont des Loups a abattre contrairement a ceux qu on chasse dans les montagnes qui ne font que le sacrifice vital pour eux , de quelques agneaux . Bigpharma, est bien plus cruelle et cupide dans leurs mefaits et pires mensonges ..sur le dos des souffrants et de l abyme de notre sec soc qui crevera un jour ..d avoir collaborer ainsi avec BPHA,(et nous aussi porteurs de » longues maladies!. » Aussi cobayes (sans choix))de sa collabo et de la volontairement aveugle medecine conventionnelle. On est . »vraiment dans De beaux draps » dans le sommeil de l innocent.merci de nous deshyp’oser avec vos connaissances et onformations. respect pour vous et votre oeuvre avec batons mis dans vis roues je le sais.
un grand remerciement pur tous vos articles
Pourquoi je ne peux pas partager votre article sur Facebook?
Il y en aurait des affaires à raconter dans les milieux du médicament. Je pense au sang contaminé mais aussi aux médicaments qui ont été laissés sur le marché pendant des années alors que des médecins dénonçaient les conséquences terribles… Michèle Rivasi, députée européenne dénonce depuis des années les conflits d’intérêts au sein du ministère de la santé ! Les gouvernants se sont succédés et rien n’a changé, tous ont laissé faire… que faudra-t-il pour faire cesser ces crimes ?
Bonjour
Vous faites un procès d’intention vis à vis des laboratoires pharmaceutiques, mais aussi des autorités de santé, et là je ne vous suis pas. Je vous rappelle que le conditionnement d’AVSTIN (4 ml ou 16 ml de solution) n’était pas adapté à une utilisation dans la DLMA où le volume d’injection n’est pas du tout le même qu’avec le Lucentis (0.05 ml à injecter dans 0.23 ml de solution injectable). Le déconditionnement d’un médicament stérile qui contient une dose beaucoup plus importante que ce qui est requis dans la DMLA, n’est pas recommandé car il peut entraîner des risques de non respect des conditions d’asepsie pouvant entrainer la contamination de la solution à injecter. L’ANSM a établi pour l’utilisation de l’AVASTIN dans la DMLA, une RTU en 2015, permettant d’encadrer la préparation dans des conditions très précises pour limiter les risques de contamination microbienne. Cette RTU a été renouvelée en 2018 et reste valable jusqu’en septembre 2021.
Bonne soirée
Bonjour Marie, je vous suggère de lire https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/communiques-de-presse/traitement-de-la-dmla-lautorite-sanctionne-3-laboratoires-pour-des-pratiques qui indique notamment: L’Autorité sanctionne les 3 laboratoires Novartis, Roche et Genentech à hauteur de 444 millions d’euros pour des pratiques abusives visant à préserver les ventes du médicament Lucentis pour le traitement de la DMLA au détriment d’Avastin (spécialité concurrente 30 fois moins chère).
Je ne voudrais avoir à me faire l’avocat de Roche et Consorts dans cette affaire.
Par ailleurs je souhaite que Rodolphe aille plus loin dans son enquête en s’appuyant notamment sur la brillante étude disponible à l’adresse https://www.ege.fr/infoguerre/polemique-sur-le-cout-du-traitement-de-la-dmla-le-cas-avastinlucentis
Je complète mon précédent commentaire en vous invitant à consulter le site https://www.ege.fr/infoguerre/polemique-sur-le-cout-du-traitement-de-la-dmla-le-cas-avastinlucentis qui semble plus facile d’accès par ce canal.
A noter que la justice française n’a pu être actionnée que grâce à l’intervention de Que Choisir ce qui montre la force du lobbying non seulement médical mais aussi politique de ces laboratoires, pourtant étrangers…
Merci pour cette démonstration éclairante.
Pour info, je n’ai pas pu publier votre vidéo sur Facebook ( …?? je n’ai pas d’explication, même si j’ai un début d’idée… mais je ne veux pas apparaître comme COMPLOTISTE 😜)