Chers amis,

Il y a quelques semaines je vous parlais de l’un de mes livres préférés, les Notes de chevet de Sei Shônagon. 

En ce dimanche, j’aimerais vous parler de romans, de nouvelles, de contes.

Car une étude publiée il y a quelques jours a mis en lumière les bienfaits de la lecture de fiction.

Qui serait un moyen simple d’aller mieux… et de vivre plus longtemps !

Les pouvoirs de la fiction

Publiée dans Reading and writing l’étude dévoile que la littérature de fiction serait, de loin, la plus efficace pour « muscler » votre cerveau.

Plus exactement, pour accroître vos capacités cognitives :

  • avoir un vocabulaire plus étendu
  • mais aussi une réflexion plus subtile, et complexe.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont fait passer à plus de 200 étudiants des tests poussés. Les participants qui avaient les meilleurs résultats étaient ceux qui lisaient le plus, en quantité comme en régularité, des livres de fiction[1].

Ceux qui lisaient davantage d’ouvrages scientifiques ou philosophiques, en tous cas spécialisés, n’avaient pas d’aussi bons résultats !

Autrement dit : pour avoir un cerveau bien affûté…

…il est plus utile de lire Les Trois Mousquetaires ou Harry Potter que La Critique de la raison pure !… surtout si la philosophie de Kant, comme moi, vous barbe !

Anti-stress en 6 minutes… et en traitement de fond ! 

Cela signifie une chose très belle, à mon sens : c’est le plaisir de la lecture qui est important.

Il a un effet mesurable sur l’un des grands maux de notre époque : le stress chronique.

Une autre étude assez amusante a mis quelques chiffres dessus : d’après les chercheurs de l’université de Sussex, 6 minutes de « lecture plaisir » suffiraient à réduire le stress de 68%[2].

Les chercheurs ont mesuré le rythme cardiaque et les taux de relaxation (par une batterie de tests) des volontaires après les avoir invités à effectuer plusieurs activités « relaxantes ».

Et c’est la lecture qui s’est révélée l’activité anti-stress la plus efficace, devant le fait d’écouter de la musique (61%), de prendre une tasse de thé (54%) ou de faire une promenade (42%).

D’après le neuropsychologue David Lewis, qui dirigeait l’étude, c’est la capacité du livre à nous faire rentrer dans un autre univers, et donc à nous distraire du quotidien, qui lui donnerait ce puissant pouvoir anti-stress.

Cette étude donne raison à une démarche de bien-être apparue il y a un siècle : la bibliothérapie[3].

D’abord théorisée en 1916 par un presbytérien qui voyait dans la lecture des romans un outil de ce que l’on appellerait aujourd’hui le développement personnel – le roman permettant de redonner du courage à son lecteur, de réduire ses peurs et son anxiété, bref de le faire grandir – la bibliothérapie est devenue une approche psychiatrique à part entière.

Dans un ouvrage qu’il lui a consacré, le Dr Pierre-André Bonnet résume ainsi son efficacité et ses applications :

« Utilisée seule ou en association avec un suivi en consultation, la bibliothérapie est efficace notamment dans les troubles anxieux et les troubles de l’humeur, ainsi que dans certains troubles de l’érection, le sevrage alcoolique et les troubles du sommeil. (…) La bibliothérapie peut être une réponse pertinente, efficiente, accessible et acceptable en soins primaires dans le traitement et la prévention des troubles de santé mentale.[4] »

La (longue) vie est un roman

Après tous les travaux dont je vous ai parlé, je ne vous surprendrai pas en vous livrant les conclusions d’une dernière étude : lire des romans… rallongerait l’espérance de vie !

Des chercheurs de l’université de Yale ont étudié les habitudes de 3635 séniors participant à une étude sur la longévité, la « Health and retirement study ».

Deux choses très intéressantes apparaissent dans leurs résultats[5] :

La première, c’est que, oui, la lecture se traduit par un « avantage » concret en termes de longévité : les participants de l’étude qui lisaient régulièrement (tous les jours et au moins 30 minutes par jour) avaient un « gain » de 23 mois de vie, et 20% de risques de moins de mourir au cours des douze années suivantes.

La seconde, c’est que cet avantage… ne marche qu’avec la littérature de fiction.

Pas avec les journaux ou les magazines par exemple ! 

C’est vraiment l’expérience sur la durée d’une histoire, l’immersion dans un univers à part entière, le fait de vibrer, d’aimer ou de trembler avec des personnages, qui fait la différence.

Je vous invite à vous précipiter vers votre bibliothèque ou chez votre libraire : le temps passé à lire des romans, des nouvelles, des contes, à rêver et à imaginer, n’est pas du temps perdu, c’est du temps de gagné pour votre santé et votre longévité !

Les romans qui m’ont captivé et fait du bien

Je termine ce message en vous parlant des lectures qui m’ont marqué, moi, au cours de ma vie.

Enfant et adolescent, je lisais surtout des bandes dessinées. Les livres qui m’ont donné le « déclic » de lire des vrais livres furent… des livres de contes :

  • Les Mille et une nuits, dans la traduction d’Antoine Galland. Que de soirées mémorables j’ai passées dans les rues et palais de Bagdad, à m’émerveiller des péripéties magiques de princes ou de marchands !
  • Le manuscrit trouvé à Saragosse, de Jean Potocki : un fascinant roman en forme de poupées russes qui fait intervenir des spectres, des femmes superbes et une drôle de philosophie.
  • Les nouvelles des écrivains argentins (j’ai vécu en Argentine) Jorge Luis Borges et Adolfo Bioy Casares. En espagnol on les appelle les cuentos, des perles de « réalisme magique ».

Les romans qui m’ont fait vivre des aventures extraordinaires 

Certains grands romans m’ont laissé des souvenirs éblouis :

  • Les Trois Mousquetaires, d’Alexandre Dumas : l’amitié indéfectible qui unit les héros, le courage et l’intrépidité de D’Artagnan, m’éblouissent encore ;
  • L’Île au Trésor, de Robert Louis Stevenson : un « roman de formation » remarquable, dans lequel le pirate Long John Silver, tour à tour exemple et ennemi mortel du jeune héros, est à mes yeux inoubliable car il enseigne que rien ni personne n’est jamais ni tout blanc ni tout noir ;
  • Les Cavaliers, de Joseph Kessel : j’ai vécu avec une intensité parfois à peine soutenable le désir, la haine, l’entêtement, la médiocrité, le sublime, l’honneur et le déshonneur de ces personnages jetés dans le décor rude de l’Afghanistan.

Les livres qui m’ont fait voyager

Il y a aussi quelques livres qui m’ont emmené très loin, avec une force d’évocation exceptionnelle :

  • Les Enfants du capitaine Grant, de Jules Verne. Son meilleur roman à mes yeux, qui nous fait faire littéralement le tour du monde sous un beau prétexte : pour retrouver leur père, les enfants n’ont comme indice « que » la latitude et pas la longitude !
  • Le Grand jeu, de Peter Hopkirk : un livre d’histoire qui se lit comme un roman et raconte la rivalité entre les empires russe et britannique en Asie centrale durant plus d’un siècle. Il y a des voyageurs téméraires, des espions rusés, des soldats tête-brûlée… j’adore.
  • Les nouvelles de Rudyard Kipling : j’ai beaucoup fois voyagé dans l’Inde des Rajahs et des colons britanniques grâce au talent de Kipling. Je vous conseille tout particulièrement L’Homme qui voulut être roiSimples contes des montagnes ou La Lumière qui s’éteint.

Les livres qui m’ont fait frissonner de mystère et de danger

Les romans policiers ou d’espionnage sont des genres que j’aime bien. Voici ceux qui m’ont le plus accroché :

  • Je je suis un inconditionnel de toutes les aventures de Sherlock Holmes par Arthur Conan Doyle. Et les romans d’Agatha Christie ont rythmé ma longue convalescence suite à mon accident de genou. Un autre grand maître, moins connu mais plus amusant, est G.K. Chesterton, qui a signé les enquêtes du Père Brown.
  • Deux auteurs de romans d’espionnage se hissent au-dessus du lot à mes yeux : John Le Carré, qui parfois est trop long (un de ses meilleurs romans est le plus court, L’Appel du mort) et Éric Ambler, beaucoup moins connu, mais qui est celui qui m’a fait le plus sentir le danger des choses qui nous échappent, dans Le Masque de Dimitrios et les Visiteurs du Crépuscule.
  • J’ai également un penchant pour Les Enquêtes du Juge Ti signées du néerlandais Robert Van Gulik, dont les intrigues compliquées situées dans la Chine médiévale deviennent des casse-tête chinois !

J’ai trop parlé, maintenant c’est à vous…

Je serai très heureux que vous partagiez, à votre tour, une liste de livres qui vous ont marqué, ému, diverti. Vous pouvez le faire ici !

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] Martin-Chang, S., Kozak, S., Levesque, K.C. et al. (2021). What’s your pleasure? exploring the predictors of leisure reading for fiction and nonfiction. Read Writ. https://doi.org/10.1007/s11145-020-10112-7

[2] Chiles, A. (2009). Reading can help reduce stress, according to University of Sussex research. The Argus. https://www.theargus.co.uk/news/4245076.reading-can-help-reduce-stress-according-to-university-of-sussex-research/

[3] Shawn, T. (2014). Why Novel Reading Reduces Anxiety. PsychCentral. https://psychcentral.com/blog/why-novel-reading-reduces-anxiety#1

[4] Pierre-André Bonnet. La bibliothérapie en médecine générale. Médecine humaine et pathologie. Université de la Méditerranée – Aix-Marseille II, 2009

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00641546

[5] Bavishi, A., Slade, M. D., & Levy, B. R. (2016). A chapter a day : Association of book reading with longevity. Social Science & Medicine, 164 : 44-48. https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2016.07.014