Chers amis,

Je me rends compte que je vous ai, ces derniers temps, beaucoup parlé de sujets graves, tristes ou révoltants.

Ce n’est pas par complaisance : ces derniers mois, je trouve que nous faisons face à un nombre croissant de décisions, de prises de parole et d’évènements… graves, tristes et révoltants.

Se laisser envahir par l’angoisse et la colère n’est bon pour personne.

Aujourd’hui, je voudrais donc vous inviter à parler de la pluie et du beau temps.

Qui se dispute au sujet de la pluie et du beau temps ?

L’intérêt de parler de la pluie et du beau temps, c’est que c’est un sujet de conversation parfaitement universel, et anodin.

Et pour cela même, dans un contexte où l’actualité est inquiétante, où les gens sont de plus en plus polarisés en pour et contre ceci ou cela, parler de choses en apparence peu importantes, mais qui nous touchent tous, a quelque chose de réconfortant.

Car qui se dispute au sujet de la pluie et du beau temps ?

Qui s’est brouillé avec un ami parce qu’il était en désaccord sur le temps qu’il faisait ?

Qui a vécu un repas de famille ayant dérâpé… parce que l’oncle Jean-Louis trouvait que les températures avaient fraîchi ?!

La pluie et le beau temps sont ce que le psychologue Jean-Luc Aubert appelle un « médiateur neutre »[1].

C’est un sujet de conversation qui n’est marqué ni idéologiquement, ni économiquement, ni religieusement.

Que l’on soit de gauche ou de droite, riche ou pauvre, chrétien, bouddhiste, juif ou musulman… c’est la même pluie qui tombe, c’est le même soleil qui brille.

Et c’est pour cela que parler de la pluie et du beau temps – ce qui peut paraître ennuyeux – est en réalité apaisant, et nous offre la possibilité d’échanger sereinement.

J’ai marché sous la pluie, et j’ai aimé ça

Il a beaucoup plu au cours de la semaine qui vient de s’écouler, et j’ai aimé ça.

J’ai aimé ça parce que l’été particulièrement sec et chaud que nous avons eu m’a, pour ma part, rendu très désireux de retrouver l’humidité, et la fraîcheur.

J’ai peut-être aussi aimé ça… parce que je suis né et ai vécu les 19 premières années de ma vie en Normandie – et pas la Normandie du bord de mer, où le soleil peut avec l’aide du vent jouer à cache-cache avec les nuages et les ondées plusieurs fois par jour, mais la Normandie de l’intérieur, celle où le ciel peut rester gris plombé durant deux semaines d’affilée !

Et dans cette Normandie-là, la pluie est une plus « belle » météo qu’un ciel bas et livide. 

J’ai toujours trouvé réducteur qu’on réserve l’expression « beau temps » aux journées de grand soleil.

Pour moi, un beau temps peut tout autant être une journée d’été ensoleillée qu’un orage spectaculaire, ou encore une averse soudaine.

Ce sont des manifestations qui nous surprennent, nous saisissent et nous émerveillent : les variations de la forme et de la couleur des nuages, l’odeur de la pluie tombant sur la terre chaude, le bruit des gouttes contre la fenêtre… méritent à mon sens autant d’être qualifiés de « beau temps » que des jours et des jours d’affilée sans pluie ni nuage dans le ciel !

C’est une fête des sens : la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher sont stimulés.

J’ai donc marché sous la pluie en direction de l’école où j’allais chercher mes enfants, sans parapluie ni imperméable, et j’ai aimé ça parce que ça faisait longtemps.

Oui, cette pluie m’a paru salutaire.

Après la pluie…

Cette pluie était d’autant plus appréciable qu’elle s’était faite désirer, donc.

Tout comme plusieurs jours de pluie nous font rêver de soleil, un « beau temps » (au sens de journées ensoleillées sans pluviométrie) qui se prolonge à l’extrême durant plusieurs jours ou semaines peut devenir une forme d’enfer, nous en avons fait l’expérience cet été.

Ce plaisir du retour de la pluie nous rappelle, en somme, que nous avons besoin des deux : de la pluie ET du beau temps.

L’herbe, les fleurs, les fruits et légumes que nous mangeons, ont besoin, pour pousser, d’eau et de lumière. Si l’un des deux vient à manquer trop longtemps, ils s’assèchent ou pourrissent.

C’est pourquoi, peut-être encore plus qu’avant, je me réjouis de la pluie.

Je me réjouis que le cycle continue à fonctionner.

Cette pluie qui m’a fait rentrer complètement trempé, m’a rappelé précisément la chance que j’avais de pouvoir me mettre au chaud et au sec à la maison, de pouvoir écouter la pluie tomber en lisant un livre, une boisson chaude à la main.

Et peut-être bien que ce « mauvais temps » économique et énergétique que nos politiques et nos journaux nous annoncent, cette « fin de l’abondance » chère à M. Macron, ne surviennent-ils que pour nous aider à nous recentrer sur l’essentiel.

Car ce « mauvais temps » conjoncturel est lui aussi cyclique.

Nos parents, nos grands-parents, leurs parents et leurs grands-parents avant eux, ont également connu des crises, des vaches maigres et des guerres. Et pas des moindres.

Et c’est justement parce qu’ils les ont connues qu’ils savent qu’après la pluie, vient le beau temps.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet

[1] Aubert JL. Questions de psy (Janvier 2019). « De l’intérêt de parler de la pluie et du beau temps ». Youtube.