Chers amis,

Saviez-vous que depuis le début de la crise, les ventes de produits frais sont en chute libre ?

Des stocks importants de fruits et légumes dépérissent à même les étals[1] et des milliers de tonnes sont jetés chaque jour par les supermarchés. Des secteurs entiers de l’agriculture, comme celui des fromages frais ou de l’asperge (la saison de l’asperge commence en ce moment), sont en danger.

La raison de ce marasme est que les consommateurs se détournent des produits frais au profit… des conserves, des pâtes et du riz.

C’est une des conséquences du climat anxiogène et du confinement : les produits alimentaires de longue conservation explosent leur chiffre d’affaires en grande surface. J’imagine que vous avez tous vu ces rayons pâtes et riz vides aux premières annonces du confinement, comme si on était en temps de guerre…

Pâtes et riz : le pire régime possible quand on ne sort pas !

Je n’ai rien contre les conserves ni contre les pâtes et le riz.

Je sais que ces produits se conservent longtemps, calent le ventre et sont faciles à cuisiner.

Mais aucun rationnement alimentaire n’a été annoncé. Du coup, on voit ces rayons pâtes et riz de nouveau remplis… et de nouveau vidés ! C’est du consumérisme irrationnel.

Le plus préoccupant n’est pas là.

Les pâtes et le riz sont des féculents. Or, vous le savez, il s’agit d’aliments riches en glucides lents… donc des aliments énergétiques.

La seule bonne raison d’en manger en grande quantité… serait de pratiquer une activité énergétivore importante sur une longue durée !

Ce n’est pas ce qui caractérise un confinement, où l’activité physique se réduit énormément !

Faire des réserves de glucides lents au moment où il est quasi impossible de les dépenser est absurde et dangereux : alliée à la sédentarité forcée, une alimentation aussi calorique mène au surpoids, et à tous ses dangers associés : diabète, hypertension, problèmes cardiovasculaires…

Les trois effets pervers des conserves

Quant aux conserves, ce n’est pas un problème en soi si les produits sont de bonne qualité et le moins transformés possible. La mise en conserve permet même de conserver de nombreux nutriments, à commencer par les acides gras.

En revanche, il faut savoir que le blanchiment des produits en conserve (on appelle cela l’appertisation, conditionnement pour éliminer les micro-organismes) leur fait perdre en vertus antioxydantes.

C’est un premier défaut des conserves, acceptable si vous n’en faites pas votre nourriture exclusive.

Le deuxième défaut des conserves, c’est la présence encore courante de produits toxiques ou suspectés d’être toxiques.

Depuis 2015, l’emploi du bisphénol A (ou BPA), perturbateur endocrinien avéré, est peu à peu marginalisé dans l’industrie des contenants alimentaires. Mais il a été remplacé par… le bisphénol S, à la structure très similaire… et suspecté d’être encore plus dangereux que le bisphénol A car rentrant directement dans le sang[2].

Il agirait de façon nocive sur la reproduction, sur le métabolisme et augmenterait le risque de maladies cardiovasculaires.

Un autre souci sont ces quantités de nanoparticules d’oxyde de zinc régulièrement découvertes dans les boîtes de conserve, jusqu’à cent fois supérieures aux quantités journalières recommandées.

Une trop grande richesse en zinc des aliments en conserve nuit au microbiote intestinal et altère la digestion, diminuant notamment le transport du glucose dans le sang[3]…

Le troisième défaut des aliments en conserve, c’est évidemment leur faiblesse en vitamines, qui résistent mal à l’appertisation dont je parlais ci-dessus.

Vous vous rappelez sans doute la maladie des marins d’antan : le scorbut, provoqué par l’alimentation exclusivement de produits en conserve ou par salaison sur les navires.

Les marins développaient le scorbut à cause d’une carence en vitamine C, que les aliments de longue conservation ne pouvaient pas leur apporter. Et pour cause : on ne trouve de la vitamine C que dans les fruits et les légumes frais…

Réapprovisionnez-vous en produits frais près de chez vous

Si vous avez fait des réserves de conserves, de pâtes et de riz, essayez de ne pas en faire la base de votre alimentation, encore moins en période de confinement.

Mais surtout, achetez des produits frais car nous ne sommes pas en état de pénurie alimentaire.

C’est même l’inverse : le détournement actuel du grand public des produits frais les rend plus disponibles que jamais, et souvent à des prix réduits.

Comment faire pour s’en procurer ?

Pour ma part, depuis que le marché auquel j’allais chaque samedi s’est interrompu, je vais me fournir directement auprès du maraîcher biologique auquel j’achetais déjà des fruits et légumes de temps en temps.

Mais j’habite dans une petite ville, donc c’est plus facile pour moi sans doute.

Je vous propose trois moyens pour vous aider à trouver des aliments frais et de qualité près de chez vous :

  1. Le Collège Culinaire de France compile, grâce au concours de nombreux contributeurs, toutes les initiatives de producteurs, artisans et restaurateurs qui font de la vente directe ou sont devenus points de relais de producteurs. Ces points de distribution alimentaire de qualité sont géolocalisés sur une cartographie mise à jour en temps réel (lien en source[4]).
  2. Le Marché Vert est une carte collaborative qui répertorie les initiatives existantes ou toutes nouvelles pour continuer à s’approvisionner auprès de petites structures de proximité : AMAP, épiceries paysannes, points de collecte, vente à la ferme… La carte s’enrichit grâce aux utilisateurs et évolue donc en direct (lien en source[5]).
  3. Une autre carte, La Charrette, tient en temps réel le compte des circuits courts actifs pendant la crise (lien en source[6]).

Précisions importantes sur les produits frais

Une dernière question qui, peut-être, vous taraude : avez-vous plus de chances d’attraper le Covid-19 via les produits frais ?

Est-ce pour cela que tout le monde s’en détourne ?

Si oui, c’est une psychose injustifiée.

Concernant la viande et les produits laitiers, aucun animal d’élevage n’a été diagnostiqué au Covid-19 à l’heure où je vous écris. La maladie se propage par l’homme.

Concernant les fruits et légumes, ils ne sont pas plus infectés et on ne recense aucun cas de contamination à partir de légumes ou fruits.

Le seul risque, mais c’est le même pour une boîte de conserve en magasin, est que l’aliment ait été manipulé par une personne malade.

Quelques mesures simples[7] pour vous assurer à 100 % que vos denrées fraîches sont exemptes de contamination :

  • Lavez vos fruits et légumes abondamment à l’eau claire (pas besoin de vinaigre blanc, qui agresse les végétaux et donne un mauvais goût) ;
  • Une cuisson à 63°C si vraiment vous y tenez. Cela suffit à tuer n’importe quel virus. Comptez 4 minutes à feu moyen ;
  • Vous pouvez passer un chiffon imbibé d’eau chaude sur les emballages s’ils vous paraissent suspects.

Pratiquez les synergies alimentaires

Un dernier point pour améliorer votre alimentation en temps de confinement : essayez les synergies alimentaires.

C’est une technique consistant à associer certains aliments du quotidien entre eux pour démultiplier leur potentiel nutritionnel.

C’est apparemment très efficace. L’expert en nutrition Eric Müller a écrit une lettre sur le sujet que je vous invite à lire ici.

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] COUGARD Marie-José, « Coronavirus : la débâcle des ventes de produits alimentaires frais », le 24 mars 2020 sur lesechos.fr, consulté le 30 mars et disponible ici : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/coronavirus-la-debacle-des-ventes-de-produits-alimentaires-frais-1188429

[2] DELBECQUE Céline, « Risques, exposition dans le sang c’est quoi le problème avec le bisphénol S ?», le 18 juillet 2019 sur lexpress.fr, consulté le 30 mars et disponible ici : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/risques-exposition-dans-le-sang-tout-comprendre-sur-le-bisphenol-s_2090391.html

[3] FABIOLA Moreno-Olives et al., « Retraction: ZnO nanoparticles affect intestinal function in an in vitro model », Food Funct., 2018, 9, 3037.

[4] “Mobilisation nationale -COVID 19”, sur restaurantdequalite.fr, disponible ici : https://restaurantdequalite.fr/carte-interactive

[5] Carte “le Marché Vert” sur google Map, disponible sur ce lien : https://www.google.com/maps/d/u/0/viewer?mid=1Rd5Tu0dbRoM1elal_Rj6o1DkDG5ghkPn&ll=48.25411731004261%2C7.902119159934273&z=6

[6] Carte “Solidarité Producteurs locaux” sur Google Map, disponible ici : https://www.google.com/maps/d/u/0/viewer?fbclid=IwAR3xSVU9ApmvRcZxBJMOVgIu0gqkUyPTqW-sebY3mwXmYNc6r79UrKeMJqE&mid=1LChbmKeP4pbmKcc-ZQ_zkQ_LY3yiHfZY&mid=1LChbmKeP4pbmKcc-ZQ_zkQ_LY3yiHfZY&ll=47.10525276962632%2C1.2596946500000286&z=6

[7] “Coronavirus – Alimentation, courses, nettoyage : les recommendations de l’ANSES”, Le 27 mars 2020 sur anses.fr, consulté le 30 mars et disponible ici : https://www.anses.fr/fr/content/alimentation-courses-nettoyage-les-recommandations-de-l%E2%80%99anses