Chers amis,
En France, on a des passions bon enfant – la bonne chère, la pétanque – et d’autres infiniment plus pénibles, comme : l’obsession pour les abréviations, et la vocation inquisitoriale.
Ces deux dernières tendances nationales mortifères viennent de donner naissance à un nouvel abrégé : les « PSNC ».
Vous n’avez sans doute jamais entendu parler de PSNC… et pourtant vous y recourez très probablement, puisque ces 4 lettres sont les initiales de « Pratiques de Soin Non-Conventionnelles »[1].
Que recoupent ces « PSNC » ? La réponse est très simple : tout ce qui n’est pas la médecine allopathique !
Soit, pêle-mêle : l’ostéopathie, la naturopathie, l’acupuncture, la médecine traditionnelle chinoise, le jeûne, les huiles essentielles, la phytothérapie, mais aussi le yoga, la sorcellerie ou le respirianisme !
Et ce n’est qu’un aperçu. Car il s’agit d’un inventaire à la Prévert aussi pléthorique que l’absurde liste des 450 « médicaments essentiels » que les professionnels de santé eux-mêmes dénoncent et dont je vous parlais mercredi dernier[2].
Mais d’où sort ce grand sac de « PSNC » dans lequel on met toutes les approches de soin non-allopathiques… pour mieux taper dessus ?
Réponse : du ministère de la santé et de l’Ordre des médecins.
La médecine française à rebours complet de ce qui se fait ailleurs
Partout dans les pays qui nous entourent s’affirme un grand mouvement de réconciliation entre les pratiques traditionnelles ou émergeantes de soin et la médecine classique.
On parle de « médecine holistique » (prenant soin des maux du corps comme de l’âme) ou de « médecine intégrative ».
En Suisse, en Allemagne et en Italie, les pratiques de soins « complémentaires » sont, vous le savez, reconnues et remboursées par les assurances santé.
Mieux encore, d’ambitieux centres médicaux adoptant cette double approche « classique » et « complémentaire » voient désormais le jour.
Le premier du genre en francophonie a été créé à Lausanne, en Suisse : il s’agit du Centre de médecine intégrative et complémentaire (CEMIC), adossé au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, le plus gros hôpital de la région.
Les patients qui y sont admis peuvent bénéficier de soins d’acupuncture et d’hypnose, d’art-thérapie, de massages thérapeutiques, etc.[3]
Comment expliquer qu’un grand hôpital public francophone, situé à trois quarts d’heure de la frontière française, professe et applique ce qui apparaît dans tous les milieux médicaux éclairés comme l’avenir de la santé… et que les mandarins au pouvoir en France combattent impitoyablement ?
En France, on déremboursait l’homéopathie quand nos voisins la reconnaissaient comme pratique de santé ; on étouffait les herboristes quand nos voisins les soutenaient.
Ni la science, ni l’intérêt du patient, n’expliquent l’attitude française : c’est une attitude hautaine de fermeture et d’intolérance, qui n’est certes pas nouvelle, mais qui prend une dimension beaucoup plus agressive et radicale depuis quelques mois.
La raison de cette radicalité est inscrite en toutes lettres dans toutes les campagnes de presse du ministère de la santé, de la miviludes et de l’Ordre des médecins : c’est tout simplement le succès croissant de ces approches thérapeutiques.
Intérêts de pouvoir et d’argent contrariés
La France, patrie de Pasteur et berceau de nombreuses industries pharmaceutiques, a une idée très claire de ce qui ressortit de la médecine, et n’en ressortit pas.
C’est très simple : un médecin est une personne ayant fait 10 ans d’études de médecine, et prescrivant des médicaments, point barre.
Si, en tant que médecin, vous commencez à recommander à vos patients des approches nutritionnelles et de mode de vie contre l’hypertension au lieu de prescrire des antihypertenseurs, si vous préconisez des plantes contre la dépression au lieu de sortir directement la carte anxiolytique, vous risquez un rappel à l’ordre de… l’Ordre des médecins, justement !
Un dossier à charge publié par l’AFP il y a 8 jours suit fidèlement cette idéologie :
« Naturopathie, réflexologie, aromathérapie… depuis le Covid , les pratiques de soins dites « non conventionnelles », c’est-à-dire non reconnues par la médecine en France, ont explosé, abondamment promues sur les réseaux sociaux. (…) Ils utilisent des procédés non validés scientifiquement pouvant se révéler dangereux, coûteux, avec le risque aussi parfois d’engendrer un retard de soins ou de favoriser des dérives sectaires, mettent en garde spécialistes et autorités[4]. »
Vous avez, dans ce début d’article (le reste est à l’avenant) deux informations capitales :
- Tout ce qui n’est pas de la « médecine conventionnelle » est automatiquement suspect de dérives sectaires et de dangerosité ;
- Ces périlleuses pratiques sont en augmentation constante depuis le Covid !
Je vais revenir sur le premier point dans un instant. Il est fondamental.
Quant au second point… il explique l’offensive acharnée contre ces praticiens « non conventionnels ».
Si le ministère de la santé, l’Ordre des médecins, et tous les défenseurs de la « ligne conventionnelle » de la médecine sortent la grosse artillerie, c’est précisément parce que les citoyens français, comme ceux des pays voisins, se tournent de plus en plus vers d’autres solutions de santé, plus humaines, moins invasives et souvent proposées par des thérapeutes qui ne se contentent pas de prescrire des médicaments.
Mais là où l’État et la loi accompagnent ces changements de mentalité en Suisse ou en Allemagne, les autorités françaises font tout ce qu’elles peuvent pour freiner voire stopper cette évolution des habitudes des patients.
Il y a là en jeu des questions de prestige : la figure du médecin était autrefois l’alpha et l’oméga de la santé en France ; or depuis 10 à 15 ans le nombre de patients informés et critiques n’a cessé de croître.
Le médecin garde (heureusement) un rôle central dans la santé… mais il partage désormais la scène avec d’autres acteurs, qui ont une approche différente. Pas meilleure, ni moins bien : différente.
Et il y a également en jeu, cela va sans dire, des questions d’argent : le fonds de commerce de l’industrie pharmaceutique, c’est évidemment le patient : sans patient auquel prescrire des médicaments, l’industrie s’effondre ; il faut donc lui en prescrire de gré – le patient va gentiment voir son médecin – ou de force – comme dans l’obligation vaccinale.
La démocratisation du savoir lié aux soins, à la science et à la santé est en train de faire perdre leurs « privilèges » aux castes médicales classiques, qui s’estimaient inestimables et irremplaçables : cette liberté du patient, qui décide de la méthode thérapeutique à laquelle il souhaite recourir pour se soigner, leur est insupportable car elle les fait tomber de leur piédestal, et menace leur porte-monnaie.
D’où une contre-attaque aussi sale qu’absurde, avec la complicité de certains organes de presse.
Pour ce faire, elle recourt à deux moyens complémentaires : le décrédibilisation, et l’inquisition.
La décrédibilisation systématique (et gênante) des approches thérapeutiques « hors des clous »
Le premier objectif des défenseurs de la « ligne dure » de la médecine conventionnelle c’est de convaincre les patients qu’ils font fausse route en recourant aux « PSNC ».
Pour cela, l’arme rhétorique principale est la décrédibilisation.
Le dossier à charge de l’AFP que je citais plus tôt est à ce titre emblématique : toutes ces pratiques s’écartant de la médecine conventionnelle sont explicitement associées à des « rebouteux » :
« Ces pratiques étaient autrefois l’apanage de « rebouteux » isolés, dont les adeptes se passaient l’adresse discrètement. Depuis plusieurs années, et surtout depuis le Covid, boostées par les réseaux sociaux et la téléconsultation mais aussi par une crise sans précédent du système de santé, les « pratiques de soins non conventionnelles » (PSNC) (…), plus couramment appelées « thérapies complémentaires », « médecines douces, parallèles, naturelles » ou encore « alternatives » par leurs défenseurs, sont plébiscitées par les Français qui, pour 70% d’entre eux, en ont une « bonne image »[5]. »
C’est donc clair : « thérapies complémentaires », « médecines douces, parallèles, naturelles » ou encore « alternatives », tout ça c’est kif-kif la bourrique !
Cette absence radicale de nuances est explicitée par le tableau suivant, intégrant les résultats d’un sondage réalisé par l’unadfi et la miviludes :
Ce tableau recense la « perméabilité » de la population aux pratiques ciblées par la médecine conventionnelle.
Or on peut – et on doit – s’étonner de voir réunies sous une même bannière des pratiques aussi différentes que de solides traditions médicales anciennes (shiatsu, médecines ayurvédique et chinoise) et des modes récentes (féminin sacré, respirianisme, crudivorisme).
Une fois de plus, mettre dans le même sac des approches et des pratiques aussi dissemblables n’a qu’un seul objectif : créer de la confusion auprès des patients, et leur laisser entendre que consulter un naturopathe s’apparente à de la sorcellerie ou du chamanisme.
Il est à noter que la presse grand public se vautre voluptueusement dans cette confusion, par l’intermédiaire d’enquêtes dépourvues de toute mise en perspective : ainsi, pour ce début d’été, Le Figaro nous fait plonger dans « l’enfer » des stages d’Irène Grosjean[6], et en profite pour dresser un tableau apocalyptique de la naturopathie et de jeûne…
… En oubliant qu’Irène Grosjean n’est pas du tout représentative des pratiques de naturopathie ou du jeûne, ni en France ni ailleurs !
Cet « oubli » n’est pas innocent : il s’agit de se concentrer sur quelques cas isolés pour décrédibiliser toute une profession, tout un courant thérapeutique.
Il s’agit, en somme, de forcer le trait jusqu’à la caricature, ce trait étant celui que tracent autoritairement et unilatéralement les acharnés d’une « ligne dure » de la médecine conventionnelle entre ce qui est acceptable et ne l’est pas selon leurs critères.
Et cela, au mépris des médecins et thérapeutes ouverts d’esprit et de pratique, et au détriment, évidemment, des patients.
Une « dérive sectaire » appuyée, et inquisitoriale !
Ça, c’était pour la partie « propagande et rhétorique ».
C’est une démarche d’une désespérante étroitesse d’esprit, dictée par des enjeux de pouvoir et d’argent.
Elle s’accompagne, hélas, d’un volet encore plus inquiétant : une inquisition féroce.
Le dossier de l’AFP s’inquiète des « dérives sectaires » associés aux pratiques de soin non-conventionnelles.
Les mandarins du gouvernement, de la miviludes et de l’Ordre des médecins ainsi que les journalistes qui pratiquent cette chasse aux sorcières se rendent-ils compte qu’ils se rendent eux, réellement, coupables de dérive sectaire ?
La réduction de la médecine à quelques pratiques allopathiques, qu’ils brandissent comme « validées par la science » est d’autant plus inquiétante que cette vision se prétend exclusive.
L’Ordre National des Médecins vient de publier ce mois de juin un rapport intitulé « Les pratiques de soins non conventionnelles et leurs dérives ». Long de 88 pages, vous pouvez le consulter dans le lien en source[7].
(pour l’anecdote, et pour illustrer ce que j’écrivais au tout début de cette lettre, ce rapport débute par… la traduction de toutes les abréviations utilisées !)
En termes de fond, rien de nouveau dans ce rapport : il s’agit de combattre explicitement les « PSNC » en les accusant de ne pas être reconnues au plan scientifique (ce qui est faux pour plusieurs d’entre elles, mais comme là encore ce rapport les met toutes dans le même sac…).
Ce qui est nouveau, ce sont les armes employées : le Conseil national de l’Ordre entend s’arroger l’emploi exclusif des mots « docteur » et « médecine ».
C’est page 41 du rapport que j’ai cité : l’Ordre des médecins demande au gouvernement de limiter l’emploi du mot « docteur » aux seuls médecins !
Cette volonté d’appropriation communautaire d’un mot ancien (un doctorat n’est pas spécifique à la médecine : on peut en effet être docteur en psychologie, en archéologie ou biologie ! Et d’autres cultures, comme les Autrichiens, font un usage beaucoup plus courant du terme « docteur » : c’est un titre qu’on met sur son état civil !) est confondante de bêtise.
Il en va de même avec le mot « médecine » : « Le CNOM (Conseil National de l’Ordre des Médecins, donc) a réitéré sa demande auprès du législateur de prendre une disposition dans le code de la santé publique réservant l’utilisation professionnelle pour seules professions médicales du terme « médecine », auprès du public.[8] »
Cela peut sembler une tautologie : en réalité c’est un véritable hold-up sur les mots.
Concrètement, si une telle loi était votée, un praticien de médecine traditionnelle chinoise, par exemple, serait du jour au lendemain hors-la-loi.
Vous comprenez, à présent, pourquoi je parle moi-même de dérive sectaire et d’inquisition au sujet de la santé en France : l’Ordre des médecins, dont les méthodes intimidantes auprès des médecins est bien connue (rappelez-vous les convocations de personnalités comme le Pr Perrone[9] ou le Dr Jean-Jacques Charbonier[10]), prétend désormais être le seul et unique détenteur de la « bonne façon » d’apporter des soins aux gens.
Nous voilà bel et bien revenu à l’inquisition espagnole, qui s’estimait dépositaire de la « vraie foi » et torturait impitoyablement quiconque en dérogeait selon ses critères !
Au mieux, vous étiez convoqué dans une grande salle intimidante comme celle-ci, pour répondre d’un mot de travers :
Au pire, vous étiez conduit dans une cave dotée d’outils de torture atroces afin que vous avouiez votre hérésie.
L’Ordre des médecins suit plus que jamais la même et glissante pente : tout praticien s’écartant de sa conception de la « médecine conventionnelle », la « seule et unique vraie médecine », sera impitoyablement dénoncé et châtié comme hérétique.
Et le pire, c’est qu’ils sont convaincus du bien-fondé de leur combat.
La prise de pouvoir totalitaire de la « médecine conventionnelle », dans notre pays, n’est pas le fruit d’un complot : elle est la rencontre des intérêts financiers des industriels pharmaceutiques d’une part, et de fanatiques étant convaincus que la seule « médecine » valable est la leur, d’autre part.
Se rendent-ils compte qu’en étant de plus en plus intransigeants, implacables et intolérants, ils détournent plus encore les patients de la « médecine conventionnelle » dont ils croient défendre les couleurs ?
Cette médecine conventionnelle, et surtout les femmes et les hommes qui la pratiquent, occupent une place nécessaire dans notre société.
Mais, pour être plus efficace et plus juste, elle devrait être davantage ouverte aux traditions de notre propre culture, de cultures différentes – les médecins traditionnelles – ainsi qu’aux nouvelles façons d’aborder la santé en ce début de siècle terrorisé.
Elle devrait, en somme, remettre de l’humain et du bon sens dans sa pratique, au lieu de s’engager de façon obsessive dans une chasse aux sorcières qui a, pour premières victimes, les patients.
Portez-vous bien,
Rodolphe Bacquet
[1] https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/qualite-des-soins-et-pratiques/securite/article/les-pratiques-de-soins-non-conventionnelles
[2] https://alternatif-bien-etre.com/alternatif-bien-etre/avez-vous-vraiment-besoin-de-450-medicaments-pour-survivre
[3] https://www.chuv.ch/fr/cemic
[4] « Thérapies alternatives, douces, parallèles… » : attention aux dérives des pratiques de soins non conventionnelles, J. Pacorel et J. Mansour, AFP France, 23 juin 2023
[5] AFP, voire note précédente
[6] Nourriture de l’«enfer», purge au ricin, jeûne long : j’ai infiltré un stage d’Irène Grosjean, la sulfureuse prophétesse du manger cru
Etienne Jacob, Le Figaro, 29 juin 2023
https://www.lefigaro.fr/faits-divers/nourriture-de-l-enfer-purge-au-ricin-jeune-long-j-ai-infiltre-un-stage-d-irene-grosjean-la-sulfureuse-prophetesse-du-manger-cru-20230629
[7] https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/rapport/4xh6th/cnom_psnc.pdf
[8] P.41 du rapport
[9] https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sante/covid-19-la-plainte-de-l-ordre-des-medecins-contre-le-pr-christian-perronne-rejetee_2182435.html
[10] https://www.ladepeche.fr/2020/02/07/le-medecin-toulousain-jean-jacques-charbonier-qui-pretend-aider-a-contacter-les-morts-place-en-garde-a-vue,8717221.php
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En soumettant mon commentaire, je reconnais avoir connaissance du fait que Total Santé SA pourra l’utiliser à des fins commerciales et l’accepte expressément.
Rassurant quand même que les pseudos médecins soient contrôlés et combattus.
Il faut supprimer actuellement le ministère de la santé il ne sert à rien puisque le spécialiste en tout et rien s’est Emanuel Macron les autres sont des rapporteurs ou des figurants .Pour faire le pire y a pas mieux pour la poutinisation de ce qui ose encore s’appeler la santé .
bonjour,
article hyper intéressant come tous les autres publiés ; j’ai voulu le publier sur facebook … dans mes rêves. impossible ..
bonne journée.
Le conseil de l’ordre des médecins qui n’est fait que pour protéger la profession et non le malade devrait être supprimé
Il est absolument scandaleux de dire à un malade qui a toutes les bonnes raisons de refuser une chimiothérapie qu’il ne sera pas pris en compte s’il devait venir en urgence.
La médecine est un art, pas une science. Beaucoup moins que d’autres sciences comme les mathématiques et la physique elle devrait s’enseigner dans les universités. Elle devrait se transmettre de personne à personne.
Et ce sont les universités qui ont mis en place la licentia docendi dès le moyen-age;
Étant docteur moi-même en sciences géophysiques, mais avec une thèse (pas comme la plupart des médecins) je ne me fait pas appeler docteur, comme d’ailleurs tous mes collègues. Je trouve cela dangereux et contraire à l’esprit de remise en question perpétuelle de nos connaissances. Bien plus si j’étais médecin je trouverais cet état d’esprit prétentieux et nuisible pour le rôle premier du malade dans sa guérison, car la guérison se construit en soi-même et passe par la reconnaissance que nous sommes rien face à des forces qui nous dépassent.