Chers amis,
Comme moi, vous avez sans doute passé des fêtes un peu particulières cette année.
En cercle restreint, avec en tête les précautions d’usage depuis plusieurs mois…
Et surtout loin d’autres membres de votre famille ou d’amis proches que vous aviez peut-être l’habitude de voir en cette période, et à qui il a fallu se résigner à souhaiter les « meilleurs vœux » par téléphone…
Il faut bien l’admettre, ces fêtes ont été un peu tristounes.
Mais de mon côté, je ne me plains pas : tout le monde est en bonne santé autour de moi.
En ces temps propices au recueillement, mes pensées vont à tous ceux qui souffrent et qui se sentent isolés.
Je sais qu’il y en a parmi vous, vous êtes nombreux à me l’écrire.
Je pense aussi aux « aidants », à ceux qui accompagnent leur mari, leur femme, leur père, leur mère, leur enfant, un parent ou un ami dans le combat contre une grave maladie, un cancer, Alzheimer, une maladie auto-immune, des problèmes cardiaques…
Les soins prodigués à des proches restent aujourd’hui encore une affaire largement privée, dont on ne parle pas, alors qu’il s’agit de moments charnières de l’existence qui peuvent avoir un impact profond sur la santé psychique, la vie professionnelle et sentimentale.
Si vous êtes dans cette situation, j’aimerais humblement vous donner quelques conseils que j’ai recueilli auprès de médecins, de proches de malades, et dans le très beau livre du Dr Stéphanie Marchand-Pansart intitulé Je suis là[1], que je vous recommande.
J’espère que ces conseils pourront vous aider à trouver la force de prendre soin de votre proche qui en a besoin le mieux possible, sans pour autant vous perdre vous-même.
1.Donnez-vous le temps nécessaire
L’envie de préserver ce qui existe prédomine toujours dans les premiers temps qui suivent l’annonce d’un diagnostic d’une maladie grave. C’est normal.
Vous n’avez pas envie que votre relation avec votre proche change radicalement.
Vous doutez, vous cherchez un compromis avec la réalité.
Cette partie de vous qui résiste, qui refuse la souffrance de votre proche est essentielle.
Oui, la maladie est injuste et cruelle.
Il n’est pas facile de retrouver ses marques, et il est normal de se sentir déboussolé et dépassé.
Peut-être que certains jours, vous avez envie de tout quitter, de vous échapper, de souffler un peu, ne serait-ce qu’un instant.
D’autres jours, vous vous sentez prêt à vous battre et à trouver des solutions coûte que coûte.
Chacune de ces réactions répond à nos besoins les plus profonds.
Vous aurez besoin de temps pour vous habituer à tous les changements qui peuvent survenir dans votre relation.
Demandez-vous sincèrement quelles sont les modifications que vous avez de la peine à supporter.
Parfois, la personne malade elle-même a du mal à reconnaître sa souffrance.
Au lieu de dire : « Je suis en colère car cette maladie m’empêche de garder mon indépendance ! », la personne rejettera l’accusation sur son entourage proche : « Tu fais exprès de placer les objets hors de ma portée ? »
C’est un schéma courant. Essayez de ne pas prendre ces reproches personnellement.
Ces explosions de colère ne vous sont pas destinées, mais sont l’expression d’un sentiment d’impuissance face à la maladie.
Si la personne sent qu’elle est acceptée et écoutée malgré son agressivité, elle parvient souvent peu à peu à mieux la verbaliser et à la gérer.
2.Écoutez vos émotions et respectez vos limites
Dans les premiers moments de l’accompagnement, un tourbillon de sentiments les plus divers peut s’éveiller en vous.
Les sentiments douloureux sont difficiles à contrôler, surtout en situation de crise.
L’important est de les reconnaître, les accepter et les nommer.
D’autres sentiments peuvent vous paraître incongrus ou inappropriés : là encore, laissez libre cours à toutes vos émotions et n’en ayez pas honte.
Essayez dès le début de vous accorder régulièrement de petits moments bien à vous, qui vous aident à recharger vos batteries.
Ne laissez pas les sentiments négatifs prendre le dessus. Consacrez du temps aux choses qui vous font du bien : la cuisine, le jardinage, un sport, des balades, danser, écouter ou jouer de la musique, lire, écrire….
Vous serez plus utile à votre proche malade reposé qu’éreinté et surmené.
Vous n’avez pas à « vous sacrifier », il est souvent plus épanouissant d’envisager votre relation avec votre proche qui souffre comme un échange, où chacun donne et reçoit.
Une attention excessive ou un débordement de prévenance peuvent aussi étouffer votre proche.
Il peut désirer, par exemple, être un moment seul ou exécuter certaines tâches lui-même, mais n’ose pas le dire, car il sent que vous lui voulez du bien.
C’est pourquoi il est recommandé de se concerter ouvertement sur quelles tâches la personne peut et aimerait encore exécuter.
Essayez autant que possible de passer avec votre proche de bons moments qui mettent la maladie entre parenthèses, l’espace de quelques minutes ou de quelques heures.
Evoquez avec lui vos souhaits, ainsi que les siens. Peut-être certains d’entre eux pourront-ils se concrétiser.
3.Partez en quête d’écoute et de partage
Rappelez-vous que vous n’êtes pas seul à vivre cette situation.
On estime qu’un Français sur cinq[2] (11 millions !) doit chercher comment concilier activité professionnelle, responsabilités familiales, vie sociale et soins prodigués à un proche.
Vous pouvez vous rapprocher de groupes de paroles dédiés aux « aidants familiaux », aux groupes de proches touchés par la maladie d’Alzheimer, d’associations comme la Ligue contre le cancer…
Ce sont souvent des espaces privilégiés, qui réunissent psychologues, thérapeutes et personnes souffrant du même mal, où vous pourrez vous confier auprès de personnes qui vous comprennent, sans peur d’être jugé(e).
Si vous êtes allé au bout de vous-même, que vous avez fait le maximum et que la situation vous dépasse, laissez décider un professionnel de santé ou un autre membre de la famille.
Parfois c’est un burn-out, un malaise, un accident ou une maladie qui peuvent vous imposer d’autres priorités.
Dans tous les cas, vous n’avez aucun regret à avoir.
4.Donnez du sens à ce que vous vivez
La maladie et la perte d’autonomie d’un proche retentit toujours sur tous les membres de la famille.
Il faut s’adapter à une réalité qui évolue, qui vous oblige sans cesse à revoir les priorités et à vous recentrer sur ce qui est le plus essentiel.
Mais dans cet accompagnement, il y a souvent des moments inoubliables, de joie, de tendresse, des partages émouvants, et des ressources insoupçonnées qui jaillissent par la force des choses.
Gardez en tête que si la maladie d’un proche peut vous déstabiliser, qu’elle vous oblige à revoir vos priorités et à changer, c’est rarement pour le pire.
Ce sont des moments transformateurs, qui peuvent vous rendre plus authentique, plus conscient de ce qui compte vraiment pour vous, ou encore vous donner l’occasion de vous réconcilier avec le passé.
Peut-être pouvez-vous trouver une certaine sérénité à simplement faire, sincèrement, ce que vous pouvez pour votre proche.
Souvent inconsciemment, les proches très investis dans l’accompagnement et le soin pensent ne pouvoir aller bien que quand leur proche malade « va bien ».
Chercher à ce qu’il aille bien, c’est vous fixer un objectif qui ne dépend pas de vous.
Même s’il « va mal », il peut « se sentir bien » et trouver lui aussi une forme de sérénité dans l’épreuve de la maladie.
Cette différence est fondamentale.
Parvenir à « être bien » même si on « va mal », n’est-ce pas le plus important ?
Car même si votre proche est très malade et sait peut-être qu’il n’ira jamais mieux, rappelez-vous que vous pouvez l’aider à se « sentir bien » malgré tout.
Parce que vous lui cuisinez un bon plat réconfortant, parce que vous arrivez à lui donner le sourire, parce que vous l’écoutez, parce que vous lui prenez la main…
Parce que vous êtes là pour lui, parfois découragé, parfois épuisé, avec vos hauts et vos bas, mais vous êtes là, tout simplement.
Et cela change tout.
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] Dr Stéphanie Marchand-Pansart, Je suis là, éditions Michel Lafon, 17,95€, ISBN : 978-2-7499-4083-0
[2] Matmut (2020). 5 chiffres clé à connaître sur les aidants en France. https://www.matmut.fr/mutuelle-sante-ociane/conseils/cinq-chiffres-cles-aidants-france
Les lecteurs lisent aussi...
Mon réflexe pour calmer mes douleurs d’arthrose
Une tumeur cancéreuse vaincue par… la rougeole
Laisser un commentaire Annuler la réponse
En soumettant mon commentaire, je reconnais avoir connaissance du fait que Total Santé SA pourra l’utiliser à des fins commerciales et l’accepte expressément.
Cher Rodolphe,
Je vous écris car je viens de lire votre très belle lettre sur les aidants . Je l’ai été pendant deux ans et demie pour mon frère , il avait un cancer de la prostate à un stade très avancé, nous nous sommes battus pour qu’il le vive au mieux mais les douleurs qu’il avait me rendait malade , c’était un déchirement horrible car je ne pouvais lui passer ce mal qui le dévorait.
J’ai fait ce que j’ai pu et maintenant il est mort et son absence est terrible car comme un échec pour moi.
J vous remercie pour cette belle lettre et pour penser à nous les aidants.
Que c est donc vrai ce que vous dites. Merci de me réconforter. Bonne Année a vous et votre famille. Et félicitation pour tout ce que vous faites 👏🏻👏🏻👏🏻👏🏻Bravo
bonjour,
Merci pour ce texte très bien décrit.
J’ai accompagné mon père en fin de vie, chez lui, jusqu’à son dernier soupir, c’était le 1er novembre 2020. il était atteint de la maladie d »‘alzheimer. En une semaine, il a perdu ses forces, et s’est éteint entouré de maman et de ses enfants. Pendant la semaine avant son decès, je lui ai apporté tout mon amour et le réconfort possible dans la toilette, les gestes du quotidien qu’il ne pouvait plus faire par manque d’énergie. il cherchait toujours mon regard et j’ai compris l’importance de ses échanges de regard, remplis de complicité et d’amour. Pour rien au monde, j’aurais échangé ma place auprès de lui.
Bonjour et trè bonne année pour vous
Votre article me parle car je suis passé par de très durs moments avec ma mère et mon épouse sans , par moments, savoir me contrôler . Toutes deux sont décédées .
Sincères salutations
Bjr Rodolphe, voila que j’accompagne mon epoux depuis 2013 atteint d’alzheimer, actuellement , son etat se degrade , il à des difficultés à tenir debout, devient incontinent, plus aucun echange, on ne se parle plus, c’est juste impossible pour moi actuellement de gerer cette situation, je suis au bout de ce que je peux lui apporter, je reflechis pour 1 Ehpad, c’est 1 dechirement pour moi, et ça le sera sans doute pour lui aussi, je ne sais pas si je vais y arriver, pourtant, il me faudra prendre 1 decision sinon, c’est ma santé qui va me quitter. en tout cas, Merci pour vos articles, tjrs sensés et agreables à lirent. tous mes voeux à tous de santé et tentons de retrouver nos Libertés
Bonne année nouvelle Monsieur Rodolphe,
Merci de vos conseils,commentaires et conseils,bref,de nous accompagner,il y a toujours quelque chose de bon pour nous dans vos articles.Et celà est précieux,merci encore et prenez soin de vous!
Bonjour
éducatrice indépendante depuis peut, pour soulager les aidants, en proposant des séjours, des aprés-midi des journées, des gardes adapté, pour les personnes vivant au foyer familial. dans un Gite en plein coeur de la nature.
Merci vraiment Rodolphe,cela fait du bien de pouvoir donner sens à cette douleur qui est d accompagner en l occurence ma sœur qui est démente et que parmi les maladies est celle à laquelle personne ne veut se confronter,meme pas moi,et pourtant nous sommes obligées de la garder avec nous!
Je vais acheter ce livre que tu as trouvé!S il t à fait du bien,j espère que cela sera le cas aussi pour moi et mon autre sœur.Depuis ses internements et pour qu il n y en aient plus car elle a ete honteusement traitée,nous vivons ensemble donc toutes les 3!Je souhaite trouver plus de force et de courage car nous ne sommes pas formées pour cela !Ma sœur aînée avait déjà garde chez elle ma mère avec Alzheimer et mon père qui était grabataire mais la démence c est encore un échelon plus haut…Sur ces bonnes paroles,je lis tes lettres avec attention et je te remercie pour le sens que tu as donné à ta vie et ton aide à de simples gens comme nous!
merci pour cette belle lettre mon mari a un cancer et la maladie de Parkinson , pendant ces trois dernières années j’ai vécu enterré dans sa douleur et dans ces dépressions dans sa colère .tous nos amis et nos connaissances nos familles demandaient comme lui il va moi on ne demander pas .
alors oui je comprends mais je me suis pris le temps de faire des voyages de quelques jours et j’ai remarqué que cela nous a aidés dans ces moments difficiles .
gisèle
Tout simplement Merci à vous d’être comme vous êtes
Votre article est plein de vérité et de bon sens un grand merci.Il verbalise la réalité de ce que vit un aidant.
Ayant un mari très malade j’écoute tous les professionnels de santé avec leurs conseils éclairés j’arrive à trouver la sérénité. 50 ans de bonheur conjugal vous permet d’optimiser ces quelques années qui nous restent à partager ensemble. Sachons regarder sentir ces moments privilégiés et mettons surtout la priorité à l’amour que l’on a construit durant toute la vie le malade vous rendra la tendresse et l’amour que vous lui donnez. Je suis très aidée et émerveillée par les intervenants.
Très belle lettre d’Amour
Rodolphe, un immense MERCI pour votre article qui m’a fait venir les larmes aux yeux ! me trouvant dans cette situation, vous m’avez apporté un grande aide à sa compréhension et au comportement à adopter; tous vos articles sont de formidables analyses pleines de bons sens ! Acceptez toute ma reconnaissance !
Je vis la meme situation et cela m’a beaucoup aidé mon mari en soins pallatifs à la maison mes enfants soignants sont d’une aide trés precieuse pour nous tous merci
Votre article m’a ému car j’ai vécu cette situation de souffrance et d’impuissance avec ma mère et ma soeur pour mon père malade d’un cancer et décédé le 7 décembre 2019. Ca a été une épreuve terrible que je souhaite a personne.
Je vous remercie pour vos conseils et j’espère pouvoir les appliquer car mon beau a un cancer et mon épouse doit faire une bi opsie de l’utérus et ensuite se faire opérer merci encore