Chers amis,

La hausse des cas de Covid en Chine fait l’objet de traitements alarmistes par les médias français depuis quelques jours :

Les médias relaient l’inquiétude des gouvernements et de l’OMS, qui craignent une véritable déferlante de contaminations en Occident avec la réouverture des frontières chinoises.

Mais cette couverture médiatique effrayante occulte deux éléments importants qui éclairent tout à fait différemment la « catastrophe sanitaire » que traverserait la Chine aux dires des TV et journaux.

Une « déferlante »… moins forte qu’en France !

La vague épidémique qui se produit actuellement en Chine est, vous le savez probablement, la conséquence de la fin brutale de la politique « zéro-Covid » du gouvernement chinois.

Cette politique extrémiste de confinement général d’une ville ou d’une province dès qu’un cas de covid se déclarait avait pris des proportions inhumaines : peut-être avez-vous vu passer, il y a quelques mois, ces vidéos d’habitants de Shanghaï cloîtrés chez eux, hurlant de désespoir à leurs fenêtres.

Néanmoins le gouvernement chinois aurait dû apprendre des autres pays du monde que, plus un confinement est radical et long, plus le « rattrapage » épidémique est sévère lorsqu’on y met un terme.

Enfermer à double tour la population empêche effectivement le virus de circuler… mais uniquement le temps que dure cet enfermement (qui, pour de multiples raisons, ne peut se prolonger ad vitam) !

À la réouverture, le virus a donc un terrain immunitaire pour ainsi dire vierge parmi la population. Telle est la situation que vit la Chine, aggravée par le fait que la levée de cette politique zéro-Covid a été décrétée du jour au lendemain, sans préparation d’aucune sorte.

C’est ce qui donne, en valeur absolue, ce spectaculaire pic de contaminations[1] :

La Chine, qui a passé deux ans sans pic épidémique (jusqu’en mars de l’an dernier) alors même que c’est sur son territoire qu’est apparu le virus, est en effet en train de connaître son premier pic épidémique important.

Toutefois… rapporté au nombre d’habitants du pays, ce « pic » est faible, y compris si on le compare aux taux actuels de contamination en Europe et en particulier en France qui ne sont plus, officiellement, en phase épidémique !

Regardez cette carte[2] :

On y voit que, durant tout le mois passé (du 13 décembre 2022 au 9 janvier 2023), les pays qui ont connu le plus grand nombre de contaminations par million d’habitant (en rouge) sont le Pérou, l’Australie, la Mongolie, le Japon et des pays d’Europe de l’ouest : la France et l’Italie ! …

… quand la Chine, elle, affiche un jaune pâlot ! 

Il est donc assez cocasse que les médias français parlent de tsunami épidémique au sujet de la Chine alors que, rapporté à son nombre d’habitants, les contaminations sont 200 fois plus nombreuses en France sur la même période !!!

À ces chiffres vous pourrez cependant me rétorquer à bon droit deux arguments :

Le premier, c’est que la Chine est un territoire gigantesque, et que les zones les plus touchées par le Covid sont très circonscrites : il s’agit de Shanghaï et de la province du Henan, dont quelque 90% de la population aurait été testée positive au Covid (!)[3].

Les cas sont donc « dilués » dans la population d’1,4 milliards de citoyens chinois. C’est vrai.

Le second, c’est qu’on peut soupçonner les autorités chinoises de ne pas être transparentes quant aux données sanitaires qu’elle communique (notamment le nombre de morts du covid), phénomène aggravé par un trait culturel capital en Chine : ne pas perdre la face.

Or, admettre un nombre record non seulement de contaminations, mais encore de décès dus au Covid, serait probablement humiliant aux yeux du gouvernement chinois.

À cet argument je répondrai que les Chinois font vraisemblablement l’inverse des Occidentaux : durant toute la pandémie en France, tout décès « avec Covid » était imputé au Covid, alors que c’était de toute évidence la comorbidité la cause réelle du décès.

Ce système de décompte a artificiellement gonflé le bilan de la pandémie.

De ce que l’on sait du profil des malades en Chine, les patients les plus gravement touchés (placés sous respirateur) sont, comme il y a deux ans en France, des personnes âgées et/ou avec comorbidité.

Lorsque l’un de ces patients décède, on peut supposer que les médecins chinois ont pour instruction, à l’inverse des médecins occidentaux, d’indiquer la maladie préexistante comme cause du décès.

Mais il est temps d’aborder un autre point, tout aussi important : la vaccination.

Plus de 90% de la population chinoise est vaccinée

En Chine, près de 3,5 milliards (oui, milliards) de doses de vaccins anti-Covid ont été administrées depuis décembre 2020[4].

92,4% de la population a reçu au moins une dose, et 90,2 % est complètement vaccinée.

Ce taux avoisine les 100% dans les grandes villes… dont Shanghaï, où l’épidémie fait rage actuellement.

Il serait facile d’adopter un regard condescendant sur ces chiffres, en estimant que les Chinois étant majoritairement vaccinés avec le sinovax (et non les vaccins occidentaux type Pfizer ou Moderna), ils sont moins bien protégés que les Occidentaux.

La réalité est beaucoup plus prosaïque : les Chinois, avec leur vaccin national, ne sont ni mieux ni moins bien protégés que les Occidentaux avec leurs vaccins américains et européens.

Cette réalité, indiscutable vues les proportions du pic épidémique en Chine (on aurait pu, en théorie, s’attendre à ce qu’une population vaccinée à plus de 90% ne connaisse pas un tel pic) a conduit, discrètement, les grands médias français à repositionner leur discours en termes d’immunité.

Ainsi, le journal Le Monde, samedi dernier, a tranquillement écrit noir sur blanc qu’une population généralement vaccinée, sans immunité naturelle, n’était pas protégée[5] :

De tels propos auraient, dans un organe de presse comme Le Monde dont la position est calquée sur celle du gouvernement, été inimaginables il y a un an seulement.

Imaginez-vous en effet Le Mondele FigaroLibération, en pleine période du pass vaccinal, admettre en lettres grasses qu’une population vaccinée dépourvue d’immunité naturelle n’est pas protégée ?

Ils ne l’ont pas écrit, à l’époque ; et pire, ceux qui le disaient étaient au mieux censurés, au pire vilipendés et qualifiés d’antivax.

Les autorités chinoises ne s’y trompent d’ailleurs plus, et admettent publiquement qu’elles mettent désormais l’accent sur les traitements antiviraux plutôt que sur la vaccination pour faire face à ce pic épidémique…

…tandis qu’en France, nous en sommes toujours à ne tabler que sur la vaccination !

Bref, la Chine passe actuellement un sale quart d’heure avec le Covid. Mais elle a au moins eu le courage de renoncer à une politique sanitaire absurde, quand la France et les pays occidentaux restent jusqu’ici accrochés à leur croyance du vaccin comme solution universelle à la maladie.

Autrement dit, ce traitement médiatique du pic épidémique en Chine en dit plus long sur nos erreurs à Nous, que sur celles de la Chine.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet

[1] Our world in data, 10 janvier 2023, https://ourworldindata.org/coronavirus/country/china

[2] Ibid.

[3] “Chine : 90% des habitants d’une province infectés par le Covid-19”, Franceinfo, 9 janvier 2023, https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/chine-90-des-habitants-d-une-province-infectes-par-le-covid-19_5591523.html

[4] Our world in data, “Total COVID-19 vaccine doses administered”, 10 janvier 2023, https://ourworldindata.org/grapher/cumulative-covid-vaccinations?tab=chart&stackMode=absolute&time=earliest..latest&region=World&country=~CHN

[5] “Covid-19 en Chine : les hôpitaux de Shanghaï submergés après l’ouverture soudaine de la Chine”, Le Monde, 7 janvier 2023, https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/07/a-shanghai-les-hopitaux-submerges-par-la-vague-de-covid-19_6156983_3244.html