Chers amis,
Pour vous laver les cheveux, vous utilisez probablement un shampooing.
Vu le nom, ce sont vraisemblablement nos chers voisins britanniques qui ont inventé ce produit figurant aujourd’hui dans toute honnête salle de bain, vous dites-vous peut-être (si d’aventure vous vous posiez la question).
Nenni.
Le mot, comme l’art de se laver les cheveux, viennent en réalité d’Inde.
Mais du shampooing tel qu’on le pratiquait dans l’Inde traditionnelle à celui que l’on trouve aujourd’hui en rayon de supermarché, il n’y a plus que le nom en commun.
Comment les Indiennes ont appris aux Anglais à se laver
Les Anglais arrivant en Inde par le biais de la Compagnie britannique des Indes orientales (qui ouvrirait la voie à la colonisation à part entière du pays au XIXème siècle, mais c’est une autre histoire) apprirent à s’y laver – et notamment les cheveux.
Les Britanniques eux-mêmes reconnaissent ce que leur hygiène nationale doit à la culture indienne, et au métissage encore autorisé au XVIIIème siècle, comme l’écrit l’historien William Dalrymple :
« Alors qu’en Grande-Bretagne on ne manifestait pas un enthousiasme excessif pour l’hygiène, les Indiennes initièrent leurs compagnons britanniques aux bienfaits d’un bain quotidien. Le fait que “shampooing” vienne d’un mot hindi “massage” et que son apparition dans la langue anglaise date de cette période le prouve : pour un Britannique du XVIIIème siècle, se laver les cheveux avec autre chose que du savon était une idée neuve.[1] »
Bien entendu, on se lavait les cheveux ailleurs, et bien avant cela : l’art indien du lavage des cheveux tient en réalité au fait de masser le cuir chevelu avec une préparation grasse spécifiquement prévue à cet effet.
Le terme anglais shampoo, attesté depuis 1762, signifiait en effet à l’origine « masser », emprunté au mot hindi chāmpo, l’impératif de chāmpnā (« huiler, masser les muscles »).
Ce mot, venant du sanskrit, venait lui-même… d’une fleur servant à préparer des huiles capillaires odorantes.
Des magnolias plein les cheveux
Cette fleur, c’est la Michelia champaca, aussi appelée champac ou champa.
C’est une fleur jaune orangé, aux pétales charnus et à l’odeur envoûtante, qui pousse sur un arbre sacré de la famille des magnolias, très répandu dans le sous-continent indien.
Dans la tradition ayurvédique, on faisait macérer les fleurs de champaca dans de l’huile chaude, souvent de sésame ou de coco, pour créer une huile parfumée aux vertus capillaires.
Cette huile était utilisée pour les massages du cuir chevelu, visant à apaiser l’esprit, nourrir la racine et faire briller la chevelure.
Selon la pharmacopée traditionnelle, le champaca aurait des propriétés calmantes, antibactériennes et rafraîchissantes, utiles en cas de pellicules ou de cuir chevelu irrité[2]
C’est donc avec des mains huilées, parfumées à la fleur sacrée, que l’on « shampooinait » une tête.
C’était un vrai soin !
Du soin ayurvédique à l’industrie pétrochimique
C’est un Anglo-Indien, Sake Dean Mahomed, qui introduira cette tradition en Angleterre au XIXème siècle.
À Brighton, il ouvre un établissement de bains inspiré des soins ayurvédiques, où l’on propose des massages du cuir chevelu aux huiles – baptisés « shampooing » dans une orthographe adaptée aux codes anglais[3].
Le succès est tel que Mahomed devient le « shampooineur officiel » du roi George IV !
Mais bien vite, l’Occident, fidèle à ses habitudes, transforme le rituel en produit. Kasey Hebert est le premier à vendre un produit nommé « Shaempoo » en Angleterre, en arpentant les rues londoniennes.
C’est au tout début du XXème siècle que le produit tel que nous le connaissons va s’industrialiser.
À Berlin, un pharmacien du nom de Hans Schwarzkopf vend dans son officine des produits de toilette. Un jour, il importe un shampooing en poudre venu d’Angleterre. Ce produit rencontre un franc succès, mais ses clients se plaignent du prix. Qu’à cela ne tienne : Hans se met en tête de créer sa propre formule.
Et en 1903, il lance le premier shampooing en poudre fabriqué en Allemagne. Son mot d’ordre : « Ein kleines Wunder » : « un petit miracle ».
Puis, en 1927, Schwarzkopf récidive en lançant un produit révolutionnaire pour l’époque : le premier shampooing liquide prêt à l’emploi, vendu sous le nom de Schauma. Finie la préparation manuelle, on presse le flacon, et hop ! ça mousse.
C’est la naissance du shampooing moderne.
Ce shampooing liquide contient déjà les premiers tensioactifs synthétiques : des substances lavantes issues de la pétrochimie, qui moussent bien, lavent fort, mais agressent le cuir chevelu. On est loin des huiles de champaca !
Mais le public est conquis : c’est simple, pratique, rapide. L’usage du shampooing devient hebdomadaire, puis quotidien. Les fabricants rivalisent d’ingéniosité pour proposer de nouvelles textures, de nouveaux parfums, de nouvelles promesses marketing.
C’est ainsi qu’un soin ayurvédique s’est transformé en cocktail de sulfates, de silicones, et de perturbateurs endocriniens !
A vous dresser les cheveux sur la tête
Si vous allez dans le rayon « hygiène » de votre supermarché ou de votre pharmacie, vous vous retrouvez face à des dizaines de flacons aux promesses toutes plus séduisantes les unes que les autres : « force et brillance », « volume XXL », « nutrition intense », « fraîcheur 48 h », « effet kératine »…
Et tout cela pour quelques euros.
Mais avez-vous déjà retourné le flacon ?
Moi oui. Et je vous avoue que j’ai souvent eu envie de le reposer immédiatement.
Car ce qui se cache derrière ces promesses de rêve capillaire relève parfois… du cauchemar chimique.
Les shampooings industriels contiennent souvent une combinaison redoutable de :
- Sulfates (comme le SLS, sodium lauryl sulfate, qui est un puissant détergent) : ils moussent bien, lavent fort… mais décapent aussi la peau et le cuir chevelu. Résultat : cuir chevelu irrité, cheveux plus gras (et donc lavage plus fréquent).
- Silicones : ils donnent un toucher soyeux… mais en réalité, ils enrobent le cheveu d’une pellicule plastique. À long terme, ils étouffent la fibre capillaire.
- Parabènes et phénoxyéthanol : des agents conservateurs soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens.
- Parfums de synthèse : à l’origine d’allergies fréquentes, ils sont rarement détaillés sur l’étiquette.
- Colorants, PEG, EDTA, etc. : une véritable usine chimique miniature !
Le plus troublant ? Certains de ces composants ont été reconnus comme toxiques pour la faune aquatique, irritants pour les muqueuses ou encore sensibilisants au long cours.
Certains sont très discrets : tous les composés finissant par « eth » (ceteareth-20, laureth-4…), au fort potentiel irritant, sont dérivés de l’oxyde d’éthylène, une substance soupçonnée d’être cancérigène, et qui sont polluants.
Autre problème : plus vous lavez vos cheveux… plus leur vitalité s’amenuise. C’est un cercle vicieux, provoqué par le décapage du cuir chevelu qui réagit en produisant plus de sébum.
L’idéal est d’espacer les lavages. Deux à trois fois par semaine suffisent dans la majorité des cas. Et cela demande une période de transition. Oui, vos cheveux auront l’air plus gras au début. Mais ils s’autoréguleront.
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] W. Dalrymple, Le Moghol blanc, Payot poche, 2008, p.75
[2] https://www.ayurtimes.com/magnolia-champaca/#:~:text=Magnolia%20champaca%2C%20also%20known%20as,and%20to%20enhance%20overall%20immunity. – Dr Jagdev Singh, « Magnolia Champaca (Champak) », in. Ayur Times, 21 mars 2024
[3] https://lrdutemps.ch/les-origines-du-shampoing/ – « Les origines du shampoing », in. L’R du Temps, 10 janvier 2022
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merci pour votre article.
Je suis juste un peu surprise que vous disiez : « laver ses cheveux 2-3 fois par semaine est suffisant ». Hééé Hoo !!! Votre article porte sur la toxicité des shampoing et vous nous les conseillez 3 fois par semaine !!!
Cela fait bien longtemps que je ne me lave les cheveux qu’une fois tous les 15 jours, et entre chaque shampoings (low poo, donc sans sulfate) j’applique sur mes cheveux une tisane d’un mélange ortie (la plante chouchou des cheveux de Maria Trebeun)-romarin-menthe poivrée (sans rinçage) : mes cheveux sont épais et ont gardé leur couleur (j’ai 68 ans tout de même !).
J’ai résolu le problème, je suis un no-poo pratiquant.
Bonjour, Merci infiniment pour ces précieuses informations. Je vous souhaite une belle journée.
Bonjour
Je me lave les cheveux tous les jours,
après le footing, uniquement à l’eau, et ce depuis 3 ans !
Sauf rares exceptions, peut-être 4 ou 5 fois par an, pour , par exemple odeur de friture ou crottes d’oiseaux .
Et le résultat est spectaculaire, mes cheveux se sont réépaissis, fini les demangeaisons, pellicules, pertes de cheveux , etc
Probablement la conservation de la flore naturelle du cuir chevelu …
Sauf salissures particulières, a-t-on réellement besoin de perturber ce merveilleux système naturel ?
Qu’en pensez-vous ?
A presque 70 ans je suis no-poo depuis plusieurs années. En sortant du sauna deux fois par semaine je les rince bien sous la douche tiède et le tour est joué. Mes cheveux ne sont pas mal, mais sans teinture, sans baume….. Aucun cosmétique, pas de déodorant, seulement un savon tout simple.