Chers amis,

Décidément la bactérie E. Coli fait l’actualité en ce moment.

Ayant provoqué l’intoxication d’une vingtaine d’enfants dans l’Aisne à la fin du mois dernier[1], elle est en parallèle utilisée par l’industrie pharmaceutique – ou plutôt par la techno-pharmacie – pour transformer… du plastique en paracétamol.

Oui, vous avez bien lu.

Grâce à une biologie de synthèse, des bactéries Escherichia coli, génétiquement modifiées, convertissent les déchets plastiques (PET issu des bouteilles) en paracétamol pur avec un rendement impressionnant (jusqu’à 92 % en moins de 24 h)[2].

L’enfer est pavé de bonnes inventions

Le PET, c’est cette matière qui compose toutes les bouteilles en plastique que l’on trouve aussi bien en supermarché qu’au fond des océans.

Comment, de cette matière plastique, passe-t-on « miraculeusement » à un médicament générique ?

Le plastique est d’abord converti en un composé intermédiaire, ensuite métabolisé par E. Coli via une réaction chimique rare (réarrangement de Lossen). Celle-ci produit alors un précurseur (PABA), transformé en paracétamol grâce à deux enzymes ajoutées.

En apprenant cette nouvelle, j’ai été à la fois admiratif de l’ingéniosité des chercheurs écossais à l’origine de cette innovation.

Et dans le même temps, mes cheveux (ou ce qu’il en reste) se sont dressés sur ma tête.

D’un côté, on applaudit le génie de ces « usines microbiennes », promesse de recyclage chimique innovant et de réduction de la dépendance aux hydrocarbures.

Ce processus, rapide et à faible impact, illustre un recyclage innovant à haute valeur ajoutée.

… mais d’un autre côté, la perspective de « soigner », ou à tout le moins de soulager de ses douleurs, l’humanité à l’aide de plastique recyclé au moyen d’une bactérie pathogène a quand même quelque chose de glaçant, et en dit long sur la dérive de notre civilisation.

Je précise qu’à ce jour, cette « innovation » de laboratoire n’a pas été testée sur l’être humain.

Mais cela ne tardera pas.

Après vous avoir injecté de l’ARN messager, ils vont vous faire avaler du plastique

La recherche a été financée par l’agence britannique EPSRC (via une bourse CASE) et par la société pharmaceutique AstraZeneca, avec le soutien de Edinburgh Innovations, la structure de valorisation de l’Université d’Édimbourg.

AstraZeneca, oui, l’une des pharmas qui vous ont injecté un produit expérimental à base d’ARN messager durant la crise du Covid.

Ce processus, rapide et à faible coût énergétique semble être la réponse rêvée à deux défis contemporains majeurs : la pollution plastique et la dépendance aux matières premières fossiles.

Mais il y a un hic. Un gros hic.

Car une fois passé l’émerveillement devant l’ingéniosité de la manipulation, il faut se poser une question essentielle :

Avez-vous vraiment envie d’ingérer les résidus de notre société jetable ?

Car même si le produit final est, nous dit-on, « chimiquement pur », il n’est pas certain que notre corps le perçoive comme tel.

L’histoire médicale regorge d’enthousiasmes précoces suivis de désillusions tragiques.

Et ce n’est pas l’innocuité d’un médicament qui est en cause ici, mais l’origine même de sa matière première.

Le message sous-jacent est glaçant : notre corps devient la dernière étape de la chaîne de recyclage des plastiques.

On ne les jette plus à la mer, on les transforme en cachets. Avalés avec un peu d’eau.

Avalés sans sourciller.

C’est la quintessence de notre époque : un problème créé par l’industrie trouve sa solution dans une prouesse technologique… elle-même industrielle.

Le serpent qui se mord la queue. Le « progrès » qui tourne en rond.

La dérive est bien là

Sur le fond, trois mises en garde :

  1. Ce n’est encore qu’un prototype de laboratoire – loin de la production industrielle. Avant d’envisager la conversion de millions de tonnes de plastique en millions de doses, il faudra résoudre des défis techniques, éthiques et réglementaires.
  2. Même si cette prouesse s’avérait viable, elle ne remplace en rien l’urgence absolue : réduire drastiquement notre consommation de plastique et investir massivement dans une vraie transition écologique.
  3. Le paracétamol « classique », si j’ose dire, est issu de l’industrie pétrochimique. L’un dans l’autre, le plastique étant issu du pétrole, le principe reste le même : vous faire avaler un produit ultra-transformé, non-prévu à cet effet.

Qu’il soit issu du pétrole ou, demain, du recyclage de plastique modifié par des bactéries pathogènes génétiquement modifiées (charmant tableau n’est-ce pas !), le paracétamol est une ineptie industrielle d’autant plus scandaleuse qu’il existe des dizaines de solutions anti-douleur naturelles.

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sante/intoxications-par-e-coli-dans-laisne-une-semaine-de-mystere-et-dinquietude-XCLOK6PMS5ELVNKFRDXB5VSKC4/?cmp_redirect=true – Kenza Soares El Sayed, « Intoxications par E. Coli dans l’Aisne : une semaine de mystère et d’inquiétude », in. L’Express, 26 juin 2025

[2] https://www.theguardian.com/science/2025/jun/23/scientists-use-e-coli-bacteria-to-turn-plastic-waste-into-paracetamol-painkiller – Nicola Davis, « Scientists use bacteria to turn plastic waste into paracetamol », in. The Guardian, 23 juin 2025