Chers amis,

Depuis votre enfance, vous rêvez dans une langue inconnue.

Cette langue, vous l’avez même apprise.

Non seulement personne dans votre entourage ne la parle, mais même les linguistes que vous consultez – quand ils vous prennent au sérieux – ne parviennent pas à l’identifier.

Êtes-vous fou ? Ou tout simplement doué d’une imagination fertile ?

Non, vous n’êtes pas fou, et cette langue n’est pas le fruit de votre imagination.

Un jour, dans un bar, un marin vous dit qu’il a déjà entendu cette langue. Il vous donne l’adresse d’une femme, vivant dans une banlieue bretonne.

Lorsque vous rencontrez cette femme, vous lui parlez dans la langue de vos rêves. Elle vous répond dans la même langue.

Cette femme vient d’une île lointaine, très lointaine ; une île de Polynésie française à la marge de la Polynésie française, à plus de 1200 km de Tahiti : Rapa Iti, la plus australe de toutes – après, il n’y a que l’Antarctique – et « petite sœur » de l’île de Pâques.

Cette île du Pacifique, loin de tout et de tous, n’est peuplée que de 400 habitants. Eux seuls parlent la langue que l’on vous « enseigne » dans vos rêves depuis vos 6 ans.

Vous partez vivre là-bas, après avoir épousé la femme qui a « reconnu » la langue de vos songes.

C’est une histoire vraie

Aussi invraisemblable et fantastique que puisse vous paraître cette histoire, c’est celle qu’a vécue Marc Liblin.

A la suite d’un choc à l’âge de six ans, il a commencé à entendre une voix, dans ses rêves, qui lui parlait dans une langue inconnue, toute sa vie durant.

Tout s’est ensuite déroulé comme je vous l’ai écrit.

J’ai découvert cette histoire en lisant l’Atlas des îles abandonnées de Judith Schalansky[1].

Je l’ai trouvée fascinante, et trop incroyable pour être vraie.

Et je n’étais pas le seul : lisant cette même histoire dans ce même livre, un auteur français, Éric Viennot, a décidé de mener l’enquête.

Le fruit de ses recherches est paru il y a exactement un an chez Michel Lafon, dans un livre intitulé L’homme qui rêvait dans une langue inconnue[2].

Éric Viennot a d’abord contacté Judith Schalansky, qui a partagé avec lui la source initiale de son texte, un article paru sur Agoravox en 2010[3].

Il est parvenu à entrer en contact avec des membres de la famille de Marc Liblin (mort en 1998) puis avec les différents acteurs de cette histoire, notamment les linguistes qui tentèrent d’identifier la langue de ses rêves avant qu’il ne rencontre sa femme, Meretuini, dans une banlieue bretonne.

L’ouvrage d’Éric Viennot, qui suit l’ordre chronologique de son enquête, est riche de nombreuses photos, qui rajoutent de « l’effet de réel » sur cette histoire invraisemblable.

Ce que démontre le livre d’Éric Viennot, c’est que non seulement l’histoire de Marc Liblin est vraie… Elle est encore plus fantastique et inexplicable, que prévu.

Xénoglossie

Le fait de parler une langue inconnue, sans en comprendre le sens, est un phénomène connu sous le nom de xénoglossie.

La xénoglossie est distincte de la glossolalie, qui consiste à parler dans une langue idiosyncrasique, c’est-à-dire conçue et comprise par une seule personne : dans le cas de la xénoglossie, la langue parlée existe préalablement au locuteur et indépendamment de lui.

Ce phénomène est rarissime mais pas nouveau.

Son occurrence la plus ancienne n’est autre que… le Nouveau Testament. Au moment de la Pentecôte, Jésus donne à ses 120 disciples le « don des langues », c’est-à-dire la faculté de parler dans une langue étrangère afin de diffuser la bonne parole[4].

Dans la Bible, c’est « L’Esprit Saint » qui procure cette faculté aux disciples du Christ.

Et dans un cadre profane ?

Eh bien la xénoglossie se manifeste le plus souvent dans un cadre de médiumnité et de spiritisme ; le parapsychologue italien Ernest Bozzamo a consacré un ouvrage à ce phénomène rare, La Médiumnité polyglotte[5].

D’autres cas documentés se sont produits au cours de de séances d’hypnose.

Dans tous ces cas – médiumnité, spiritisme et hypnose – le locuteur oublie cette langue étrangère après la « séance ».

Marc Liblin, c’est encore autre chose : c’est dans un état de rêve ou différent (j’y reviendrai) qu’il reçoit « l’enseignement » de cette langue, mais il continue de la parler une fois revenu à l’état conscient.

C’est d’ailleurs cet apprentissage conscient qui le poussera à trouver, coûte que coûte, de quelle langue il s’agit.

Réincarnation ?

Ces cas rarissimes de xénoglossie accréditeraient, selon certains, l’existence de la réincarnation.

C’est la thèse du psychiatre américain Ian Stevenson, qui a étudié les cas d’enfants affirmant se rappeler de leurs vies antérieures[6].

L’essayiste Dominique Lornier, lui, évoque un cas de xénoglossie également spectaculaire :

« Un célèbre médecin de New York, le docteur Marshall Duffie, mort dans les années 1930, raconte comment ses deux fils jumeaux parlaient entre eux une langue étrangère inconnue. Les deux enfants furent emmenés au département de langues étrangères de l’université Columbia, mais aucun des professeurs s’y trouvant ne put identifier leur idiome. On fit venir par la suite un professeur de langues anciennes qui, à son grand étonnement, découvrit que les deux bambins parlaient l’araméen, langue courante à l’époque du Christ. [7]»

Dominique Lornier intègre ce cas à son argumentation en faveur de l’existence du processus de réincarnation.

Je ne prétends pas ici expliquer le cas de Marc Liblin, car personne ne le peut – en tout cas pas de façon cartésienne, c’est évident – néanmoins son histoire me paraît non pas relever de la réincarnation, mais d’un autre phénomène, tout aussi inexplicable.

L’île du bout du monde

Marc Liblin, en effet, ne se contente pas de « rêver » dans une langue inconnue.

Il se transporte également dans des lieux qu’il ne connaît pas. Le livre d’Eric Viennot explique par exemple comment, alors qu’il vit encore à Rennes, Marc Liblin dessine un paysage vu en rêve, qui s’avèrera être la baie de Rapa Iti.

Baie d’Ahurei à Rapa Iti, aut. Sardon

Au fur et à mesure qu’on lit le travail de Marc Viennot, on apprend en effet, preuves troublantes à l’appui, que Marc Liblin détenait certains « dons psychiques », dont celui de décorporation.

C’est lors de ces « sorties du corps » que notre homme aurait visualisé le paysage de cette île perdue dans le Pacifique, qu’il ne pouvait connaître par ailleurs.

Tout aussi troublant, la « voix » qui lui parlait dans une langue étrangère se serait révélée être celle du père de Meretuini, la femme que Marc Liblin a rencontrée en Bretagne, puis épousée sur l’île de Rapa.

Dans un autre rayon « paranormal », Marc Liblin, avant de mourir prématurément en 1998 à l’âge de 50 ans, aurait fait plusieurs prédictions qui se seraient réalisées.

Et il aurait, durant toute la période où il vécut sur l’île de Rapa, soit plus de quinze ans, continué à avoir des visions l’ayant conduit à faire des « trouvailles » archéologiques étonnantes. Je ne vous en dis pas plus à ce sujet, car j’ai déjà pas mal défloré le livre d’Éric Viennot, et je souhaite laisser votre curiosité faire le reste.

Revenons à nos moutons : le phénomène de xénoglossie et, en l’occurrence, de ce qui me semble être un cas de communication télépathique à (très) longue distance.

L’enquête d’Éric Viennot (lui aussi prématurément disparu juste avant la parution de son livre) constitue à mes yeux l’un des dossiers les plus documentés sur une « galaxie » d’évènements inexplicables et pourtant incontestables.

De ceux qui nous forcent à l’humilité, car ils témoignent des limites somme toute très étroites de notre « science » contemporaine.

Pour ma part – et c’est mon interprétation personnelle – j’ai plutôt tendance à voir, dans le cas de Marc Liblin, non pas une « preuve » de la réincarnation, mais plutôt une manifestation probante de ce que le philosophe des sciences Ervin László appelle le « champ akashique »[8].

Dans la tradition des mystiques et des sages, le « champ akashique » est un immense champ d’informations faisant abstraction de l’espace et du temps ; cette vision ancestrale fait aujourd’hui l’objet de recherches et de théories dans le domaine de la physique quantique.

Cela vous paraît sans doute abstrait, voire perché, mais je vous reparlerai bientôt de tout cela en compagnie d’un auteur passionnant. Restez bien attentif !

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] Judith Schalansky, Atlas des îles abandonnées, Arthaud, 2017

[2] Éric Viennot, L’Homme qui rêvait dans une langue inconnue, Michel Lafon, 2023

[3] https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/voyages/article/ile-rapa-l-invraisemblable-79470 – Damien Personnaz, « Île Rapa : l’invraisemblable histoire de Marc Liblin », in. Agoravox, 9 août 2010

[4] https://eu.timesrecordnews.com/story/life/community/2016/12/10/gift-tongues-involved-speaking-foreign-languages/94726224/ – Bill Lockwood, « ”Gift of tongues” involved speaking foreing languages », in. Time Record News, 10 décembre 2016

[5] https://www.fr.fnac.ch/a9588659/Ernest-Bozzano-La-mediumnite-polyglotte – Ernest Bozzamo, La Médiumnité polyglotte, éd. JMG, 2016

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Ian_Stevenson – « Ian Stevenson », fiche Wikipedia

[7] Dominique Lormier, Les Vies antérieures, Éditions du Félin, 2004, p. 102

[8] https://mobile.payot.ch/Detail/science_et_champ_akashique-ervin_laszlo-9782920987975?fp=1 – Ervin Laszlo, Science et champ akashique, Ariane Éditions, 2005