La réponse dépend du sexe
Chers amis,
Lorsque vous passez devant monsieur le maire, ou monsieur le curé, vous vous engagez « pour le meilleur et pour le pire ».
Néanmoins, vous escomptez bien que « le meilleur » prenne le pas sur « le pire », et pas seulement au début.
Y compris peut-être – y avez-vous déjà pensé ? – en matière de longévité et de santé.
Pour le formuler en termes pharmaceutiques, quelle est la « balance bénéfices-risques » du mariage du point de vue de votre santé ?
Eh bien la réponse dépend de votre sexe.
L’Amérique du nord et le « vieillissement réussi »
L’étude qui répond à cette question, assortie d’une vaste méta-analyse (analyse de recherches précédentes sur le même sujet), a été effectuée par des chercheurs canadiens cette semaine[1].
Ici je fais un aparté qui a son importance pour comprendre la suite de ma lettre.
En France et en Europe on distingue traditionnellement deux critères d’analyse de la santé, d’un point de vue démographique : d’une part la longévité – autrement dit votre espérance de vie totale, de la naissance à la tombe – et d’autre part la longévité « en bonne santé », également appelée espérance de vie sans incapacité (laquelle en France est en baisse[2]).
En Amérique du nord, et en particulier aux Etats-Unis et au Canada, on préfère parler de « vieillissement réussi » (successful aging).
Cela dénote une vraie différence culturelle : la vieillesse, le vieillissement, sont une étape de la vie que l’on peut, à l’instar de ses études, de sa carrière professionnelle ou de son mariage, rater ou réussir.
Ce concept de « vieillissement réussi » repose sur trois critères principaux :
- une faible probabilité de maladie et d’invalidité,
- un haut niveau de fonctionnement cognitif et physique,
- un engagement actif dans la vie sociale.
Autrement dit, le point de vue des chercheurs ne mésestime pas l’existence de maladies chroniques et/ou d’incapacités physiques – c’est le lot de la vieillesse – mais mesure leur impact sur la qualité de vie globale.
Ce qu’ont cherché à analyser les chercheurs canadiens dans leur étude, c’est la manière dont le mariage peut jouer un rôle clé dans chacun de ces aspects.
Le mariage, un facteur de protection… pour les hommes
Les chercheurs, qui ont suivi plus de 7000 Canadiens d’âge moyen et plus pendant environ trois ans, ont découvert que le mariage peut être un facteur de protection, mais principalement pour les hommes.
Ces derniers bénéficient généralement d’un meilleur soutien émotionnel, d’une stabilité financière accrue et d’une meilleure santé physique grâce à leur partenaire.
Les hommes mariés sont souvent plus motivés à adopter des habitudes de vie saines, telles qu’une alimentation équilibrée, l’exercice physique et une moindre consommation d’alcool et de tabac.
J’en ai – hasard de la lecture – eu une belle illustration dans le sympathique dernier livre de la botaniste et biochimiste octogénaire Diana Beresford-Kroeger, La Vie douce, dans lequel elle raconte comment elle a réussi à transformer son mari fumeur en non-fumeur, au point qu’il ne supporte plus l’odeur de la cigarette[3] !
Bref, cela se traduit, pour nous Messieurs, par deux fois plus de chances de vivre un « vieillissement réussi » que pour les hommes célibataires.
En revanche, pour vous Mesdames, les bienfaits du mariage sont… moins évidents.
Pour les femmes, le mariage n’est un avantage que s’il dure
Il n’existe pas en effet, d’après les chercheurs, de « bonus » particulier pour les femmes en termes de santé et de longévité qu’elles soient mariées ou célibataires.
En réalité, il y a deux bémols à cette observation.
D’une, il y a effectivement une plus grande prévalence du « vieillissement réussi » chez les femmes mariées que chez celles qui ne l’ont jamais été, mais cette différence n’est pas considérée comme significative.
En revanche, chez les femmes divorcées ou veuves, les chances de « vieillissement réussi » se retrouvent divisées par deux après la séparation (par la vie ou la mort, donc).
On peut lire ces données de la façon suivantes : le mariage (ou d’une manière générale la vie de couple) est un très fort facteur de longévité en bonne santé pour les hommes, mais un facteur neutre pour les femmes…
… et il devient même un facteur négatif au moment où le mariage cesse.
Comment expliquer une telle différence ?
Derrière chaque homme vieillissant en bonne santé…
Bien que certaines femmes bénéficient du soutien émotionnel et financier du mariage, d’autres peuvent ressentir une charge mentale accrue en raison des responsabilités domestiques et familiales.
Les femmes mariées avec enfants en particulier peuvent être exposées à un stress plus élevé, ce qui peut nuire à leur santé mentale et physique.
Toutefois, les femmes mariées bénéficient d’un réseau social plus dense, ce qui est un facteur protecteur bien connu contre la dépression et l’isolement.
A titre personnel, la conclusion que je tire de tout cela, c’est qu’en termes de longévité santé, c’est l’homme qui a le plus à gagner dans le mariage.
Tout cela n’est sans doute pas très romantique, je vous l’accorde, mais semble assez cohérent : les femmes ont, statistiquement, une plus grande propension à adopter une hygiène de vie saine.
Quand elles sont seules, elles la poursuivent ; quand elles se marient, elles en font bénéficier leur homme, en vertu de la « contagion sociale » désormais bien documentée[4].
Aussi bien pourrait-on adapter l’adage « derrière chaque grand homme se cache une femme » en « derrière chaque homme vieillissant en bonne santé se tient une femme attentive ».
Et vous, que vous a apporté – ou retranché – votre mariage en termes de qualité de vie ?
Votre mariage, ou… votre divorce, votre veuvage ou votre célibat ?
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/00208728241267791 – Mabel Ho, Eleanor Pullenayegum & Esme Fuller-Thomson, « The association between trajectories of marital status und successful aging varies by sex : Findings from the Canadian Longitudinal Study on Aging (CLSA) »,, in. International Social Work, 21 août 2024
[2] https://www.vie-publique.fr/en-bref/292497-esperance-de-vie-en-bonne-sante-quelle-evolution-en-2022#:~:text=En%202022%2C%20l’esp%C3%A9rance%20de,5%20ans%20pour%20les%20hommes. – « Espérance de vie en bonne santé : quelle évolution en 2022 ? », in. Vie publique, 28 décembre 2023
[3] D. Beresford-Kroeger, La Vie douce, éd. Tana, 2024, pp.47-49
[4] https://alternatif-bien-etre.com/developpement-personnel/si-tu-frequentes-quelquun-40-jours-tu-finis-par-lui-ressembler/ – Rodolphe Bacquet, « Si tu fréquentes quelqu’un quarante jours, tu finis par lui ressembler », in. Alternatif Bien-Être, 30 avril 2020
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Nous allons fe^ter nos 53 ans de mariage en novembre.
Avis personnel. Dans notre famille c’est inverse. Depuis mon enfance je suivis le slogan mens sana in corpore sano. Alors, c’est pas toujours que femme influence l’homme…
Merci pour votre article sur les bienfaits du mariage , il m’a fait sourire! Car souvent même de nos jours, la charge mentale est trop souvent portée par les femmes. Et j’ai aussi lu un autre article sur le sujet avec la conclusion d’un psychiatre américain qui affirme que les liens sociaux entre les femmes les rend plus aptes à affronter les difficultés de la vie contrairement aux hommes ! ET j’ai apprécié votre conclusion un tantinet ironique! J’aime bien lire vos petits articles documentés par vos recherches et toujours agrémentés de votre touche personnelle.
Dans le mariage la femme n’est plus « libre » de gérer son temps ! Aller au Yoga à 19 h30 j’ai essayé .. au retour à 21 heures ( trajet en plus) les enfants et le conjoint devant la tv, pas dîner , repas non fait puis ensuite , avec retard tout gérer le ménage, les sacs d’école , le lendemain, la liste de courses ect .. bénéfice ! Aucun stress en plus !
Oui solitude insupportable. Choisir la mort ce matin.
Un loup en rêve m’attend.
Chère Christiane, non vous n’êtes pas seule ! Je vous lis.
Cher Rodolphe,
En effet suite à votre article de longévité homme-femme je peux témoigner ceci: personnellement mon épouse m’a apporté tout le long de ma vie comme un frein sur mon péché de gourmandise, le sucré, la boisson, certes de « qualité » les grands chateaux bordelaismais… le cholestérol devenait plus présent . Pour mon épouse je mesuis résigné. Sa confiance, le respect pour chacun, les sentiments, l’équilibre alimentaire et spychologique évidemment d’être un couple heureux. Nous approchons les 80 ans 54 ans de mariage , à mon tour depuis dix ans de m’occuper de sa santé et de la soulager des taches quotidiennes maintenant que je suis « débarrassé » de James Parkinson! Nous devrions pouvoir vivre encore quelques années en bonne santé pour voir réussir et apprécier nos petits enfants dans leur vie active. Oui le mariage est bon pour la santé!
Cordialement JC Prévost
Cher Jean-Claude, je suis très heureux d’avoir de vos nouvelles !
Passez un bon dimanche,
Rodolphe
Oui, le mariage est, sans avoir à se pencher sur une quelconque étude, une bonne chose, un facteur de bien être autant physique que mental. Néanmoins, il y a des mariages dont le nombre est peut-être marginal, dans lesquels, la vie commune est plus une croix à porter en permanence, voir un enfer quotidien. Ce genre de mariage, jusqu’à preuve du contraire, me semble davantage constituer un facteur de mal être et peut contribuer à un mauvais vieillissement dans la mesure où les époux vivent en permanence dans le stress qui, comme beaucoup le savent, est générateur de maux divers, tant au niveau physique que mental.
Je remarque par ailleurs que le nombre de divorces ne cesse de croître de décennie en décennie. J’en conclus que si le nombre de mariages problématiques est marginal, il augmente suffisamment au point où dans un futur plus très lointain, il sortira de la marge et même prendra le pas sur le nombre de mariages « normaux ».
Par ailleurs, un nombre toujours plus grand de personnes des deux sexes font le choix de ne jamais s’engager dans les liens d’un mariage. Ce qui, avec le nombre de divorces qui augmente, apporte un bémol à la vision d’un mariage apportant beaucoup de bienfaits et contribuant à bien vieillir. Cela étant, je ne plaide pas contre le mariage dont les bienfaits sont nombreux et non négligeables.