Chers amis,

Pourquoi aime-t-on mettre du beurre dans les épinards ?

Ou rajouter un filet d’huile d’olive sur notre salade ?

Parce que c’est gras. Et que le gras, c’est bon.

Depuis 2016, un petit groupe de chercheurs français est en train de découvrir comment le gras impacte directement notre sensation de plaisir et de bien-être.

Leurs découvertes n’expliquent pas seulement le plaisir que nous éprouvons à manger des repas « riches ». Elles offrent une nouvelle
compréhension de certaines maladies.

Notre cerveau n’aime pas que le sucre : il aime le gras

Notre cerveau est un grand amateur de sucre, son principal carburant étant le glucose.

Le côté obscur de cela… c’est bien sûr l’addiction au sucre, de loin la première addiction au monde[1].

Comme pour les drogues ou l’alcool, la consommation de sucre agit directement, dans le cerveau, sur ce qu’on appelle le circuit de la récompense.

Dès la première bouchée (ou bouffée), notre cerveau produit de la dopamine, ce qui engendre cette sensation bien connue et immédiate de plaisir, de satisfaction… et qui nous pousse à recommencer dès que possible !

Lorsque nous restons maître de ce plaisir, ça va. Mais lorsque nous éprouvons un manque en son absence, et cherchons avant toute autre chose à le retrouver, c’est le début de l’addiction.

D’après les passionnants travaux des chercheurs français dont je vous parlais, on peut ajouter à cette liste de substances addictives le gras.

Ou plus exactement à certains lipides apportés par l’alimentation, les triglycérides, que répondraient directement les neurones impliqués dans le circuit de la récompense.

Les triglycérides : une nouvelle drogue ?

Les triglycérides sont partout, dans les graisses animales et végétales ainsi que dans les produits laitiers.

On les trouve aussi, naturellement, chez l’homme : dans l’embonpoint, c’est-à-dire dans les cellules adipeuses. Elles constituent une réserve d’énergie : ils seront convertis en glycogène en cas de besoin, comme dans le cadre d’un jeûne.

Après un bon repas, on trouve ces triglycérides dans le sang.

Eh bien nos chercheurs français ont découvert qu’une augmentation du taux de triglycérides dans le sang après un repas avait un retentissement direct sur les neurones du circuit de récompense.

Autrement dit : quand vous mangez gras, il se passe la même chose dans votre cerveau que lorsque vous mangez du sucre, vous activez ce circuit de récompense.

Ils ont publié les résultats de leurs recherches dans Cell Metabolism[2] mais ont aussi rédigé une synthèse en français de leurs quatre années de recherche pour The Conversation France[3].

Manger trop souvent trop gras dérèglerait ce circuit de récompense, précisent-ils. Car les taux de triglycérides dans le sang restent alors trop élevés. Cela expliquerait « pourquoi l’accès et la consommation de nourritures riches peuvent contribuer, en déréglant le système de récompense, à l’établissement de comportements alimentaires compulsifs et favoriser le développement de l’obésité. »

Inutile de fuir les triglycérides : mieux vaut bien les choisir

Attention : les triglycérides ne sont pas un poison en soi. Selon la célèbre formule de Paracelse, tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison.

Il en va de même pour les triglycérides : nous en avons besoin. « Triglycéride » est en fait un terme générique pour désigner des molécules composées de trois acides gras et d’un alcool, le glycérol. Parmi ces trois acides gras, vous pouvez par exemple trouver les oméga-3, dont les bienfaits pour la santé ne sont plus à démontrer.

Vous voyez déjà où je veux en venir…

Nous devrions surtout choisir les « bons » triglycérides, c’est-à-dire à faire le tri entre le bon gras et le mauvais gras !

Ce sujet mériterait plusieurs lettres à elles seules.

Laissez-moi en priorité vous rappeler qu’il est préférable :

  • d’avoir une consommation raisonnable d’acides gras saturés, pour la plupart issus des graisses animales, mais parfois aussi des végétaux (comme l’huile de coco et l’huile de palme) et qui ont pour défaut de mal se dégrader dans l’organisme ;
  • de préférer les acides gras mono et poly insaturés, parmi lesquels on trouve les acides gras essentiels : on les trouve dans les produits végétaux… mais pas seulement puisqu’il y en a aussi dans le poisson !
  • de fuir comme la peste les acides gras trans : c’est facile, ce sont les gras de synthèse produits par l’industrie agro-alimentaire.

Plutôt que d’éviter de consommer « gras » il faut éviter les sources de mauvais triglycérides, à commencer par l’alimentation ultra-transformée, la « junk food » et la malbouffe…

Voici pour la qualité.

Et pour la quantité ?

Eh bien sachez que les taux de triglycérides dans le sang sont considérés comme des marqueurs du risque cardiovasculaire bien plus utiles que le cholestérol.

D’après deux études publiées dans la revue médicale JAMA[4], un taux élevé de triglycérides dans le sang augmente fortement les risques de maladies cardiovasculaires et de mortalité.

Ainsi, les femmes ayant les taux les plus élevés auraient 44% de risques de maladie cardiovasculaire en plus par rapport aux femmes ayant des taux plus bas et jusqu’à 5 fois plus de risques de mourir d’une maladie cardiovasculaire (deux fois plus pour les hommes).

Les experts s’accordent à dire qu’un taux de triglycérides qui se rapproche de 1,5 g/l indique… un très mauvais état de santé cardiovasculaire.

Idéalement, votre niveau de triglycérides devrait toujours être inférieur à 1,2 g/l[5].

Une simple prise de sang (à jeun) vous aidera à connaître votre taux à vous… et d’adapter votre alimentation en conséquence.

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] https://www.rtbf.be/lapremiere/article/detail_addiction-au-sucre-le-fleau-d-une-epoque-qui-surconsomme?id=10051105

[2] Berland C., Montalban E., Perrin E., et al. (2020). Circulating Triglycerides Gate Dopamine-Associated Behaviors through DRD2-Expressing Neurons. Cell Metab. 31(4):773-790.e11. DOI: 10.1016/j.cmet.2020.02.010. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32142669/

[3] Luquet, S., Berland C., & Gangarossa, G. (2020). Quand le gras contrôle les neurones du plaisir. Le Point. https://www.lepoint.fr/gastronomie/quand-le-gras-controle-les-neurones-du-plaisir-10-03-2020-2366483_82.php#

[4] Apm news (2007). Les triglycérides, quand ils ne sont pas mesurés à jeun, significativement associés au risque cardiovasculaire. JAMA, 298 (3), 299-308. https://www.apmnews.com/freestory/10/169159/les-triglycerides%2C-quand-ils-ne-sont-pas-mesures-a-jeun%2C-significativement-associes-au-risque-cardiovasculaire

[5] Miller, M., Stone, N. J., Ballantyne, C., et al. (2011). Triglycerides and Cardiovascular Disease: A Scientific Statement From the American Heart Association. Circulation, 123:2292-2333.