Chers amis,
Je reviens d’un petit séjour à Istanbul, que je voulais faire découvrir à ma famille.
Là, je me suis adonné à un plaisir assez rare (chez nous) : celui de commander un café turc.

En réalité, c’est un petit plaisir que je savoure également lors de voyages en Grèce et à Chypre, où on les appelle… café grec et café chypriote ; mais aussi dans les Balkans, notamment en Bosnie où on l’appelle « café bosniaque » !
Autrement dit, le café turc est l’un des rares héritages plébiscités dans des régions ayant fait autrefois partie de l’empire ottoman ; à tel point qu’elles s’en sont approprié la méthode de préparation !
Cette préparation, malgré les différences d’appellation nationale, est rigoureusement identique dans chaque cas.
Et c’est elle qui donne au café turc – mettons au café oriental – non seulement sa saveur, subtilement différente du café que l’on consomme en Europe de l’Ouest, mais aussi ses bienfaits anti-âge et anti-cancer.
Le café de la lenteur, et non de la vitesse
Nous sommes, en Europe occidentale, habitués au café prêt instantanément : soit commandé au comptoir, où il est préparé avec une machine professionnelle, soit même avec ces appareils désormais très répandus qui utilisent des capsules en aluminium.
Le café turc met plus de temps à être préparé ; plus de temps même que si vous utilisez une cafetière à filtre ou italienne.
Il y a à cela deux bonnes raisons :
- La première est que cette méthode de préparation est la plus ancienne connue ; elle remonte au XVIème siècle, à une époque où l’on n’avait ni le gaz ni l’électricité ;
- La seconde est que pour développer ses arômes typiques, il faut le cuire à feu doux (il était, à l’époque ottomane, chauffé avec des braises).
C’est donc un café pour amateurs non pressés !
Le rituel du café à l’époque ottomane, et encore aujourd’hui dans la tradition turque, s’apparente en termes de savoir-faire et d’importance culturelle, à celui de la préparation du matcha et de la cérémonie du thé au Japon.
Il se cuit au moyen d’un cezve, un petit récipient à manche long :

Vous versez la poudre de café – bien plus fine que pour l’espresso – dans le récipient, directement avec le sucre si vous le souhaitez (ce qui fait que le café et le sucre cuisent en même temps), et vous ajoutez une mesure d’eau.
Ce cezve-là est adapté aux plaques à induction de ma cuisine ; il faut, comme je le disais, faire cuire le mélange à feu doux, et commencer à verser le café juste avant le point d’ébullition, quand il commence à faire de la mousse (cette mousse garantissant la bonne qualité et préparation du café) :

Traditionnellement, avant de boire votre café, vous devez avaler un verre d’eau, afin de nettoyer votre bouche et de préparer vos papilles à la saveur du café.
Une fois bu, il reste au fond de votre tasse la poudre de café, autrement dit le marc, celui-là même dans lequel les femmes orientales vous disaient naguère la bonne aventure.
Et c’est précisément la présence de ce marc – que l’on ne boit pas, évidemment – qui donne tout son intérêt santé au café turc.
Pourquoi vous devriez vous mettre au café sans filtre
Le mode de préparation du café turc a presque un demi-millénaire et il a donc pour particularité, comparé à tous ceux que nous consommons en Occident, de ne pas être filtré.
Cette absence de filtration lui permet de conserver une concentration élevée de composés bénéfiques tels que les acides chlorogéniques, les polyphénols et les diterpènes (cafestol et kahweol).
Je précise que le café turc est toujours préparé à base d’arabica, naturellement plus riche en ces substances, lesquelles ont des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires, contribuant à la protection contre diverses maladies chroniques.
Je vais y revenir.
Là, à ce stade, vous vous dites peut-être : « Ah, mais sans filtration, il doit être encore plus riche en caféine ! »
Eh bien non, c’est l’inverse : il est au contraire moins fort en caféine qu’un espresso, et donc… moins énervant (et sans doute un peu moins addictif aussi).
Vous êtes donc gagnant sur les deux tableaux : + de bienfaits santé et – de méfaits sur le système nerveux.
Ensuite, vous connaissez déjà les bienfaits associés à une consommation modérée mais régulière de café sur la santé, notamment aux niveaux cardiovasculaire, métabolique et cognitif.
Eh bien il semble qu’une partie au moins de ces bienfaits documentés soient plus importants avec le café turc.
Pour ne vous citer que les études les plus récentes, l’une d’elles, intitulée « Acute Cardiovascular Effects of Turkish Coffee Assessed by VO₂ Test: A Randomized Crossover Trial », publiée en février 2025 dans la revue Nutrients, examine les effets immédiats de la consommation de café turc sur la fonction cardiovasculaire et sur certains paramètres psychophysiologiques chez de jeunes femmes en bonne santé.
La consommation de café turc (à raison de 3 mg de caféine par kilo de poids corporel) entraîne des effets significatifs sur la fonction cardiovasculaire (notamment une réduction de la fréquence cardiaque) ainsi que sur les sensations de sommeil et d’appétit.
Ces effets sont probablement liés au profil phytochimique unique du café turc et à sa méthode de préparation traditionnelle non filtrée, estiment les auteurs de l’étude[1].
Une autre étude, publiée en septembre 2024 dans la revue Nutrition & Metabolism, met l’accent sur les propriétés anticancer de la consommation de café turc : les chercheurs ont démontré que l’extrait de café turc exerce un effet antitumoral significatif sur des cellules de cancer du sein, tant in vitro qu’in vivo.
Le café turc contre le cancer du sein
Les scientifiques ont traité des cellules de cancer du sein humain (MCF-7) avec des extraits de café turc à différentes concentrations.
Résultat : une augmentation notable de l’apoptose (mort cellulaire programmée) via l’activation de la caspase-8, une enzyme clé dans ce processus. Parallèlement, ils ont observé une élévation des niveaux de PPAR-γ, un régulateur de la différenciation cellulaire, et de la P-glycoprotéine, impliquée dans la résistance aux médicaments.
Chez des souris porteuses de tumeurs solides de type Ehrlich, l’administration orale quotidienne d’extrait de café turc pendant 21 jours a entraîné une réduction significative du volume tumoral. À dose la plus élevée (10 %), la diminution atteignait 90 % comparativement au groupe témoin !
Les chercheurs ont également observé une baisse de l’expression de la bêta-caténine, une protéine souvent associée à la progression tumorale, et une réduction des niveaux de malondialdéhyde (MDA), un marqueur du stress oxydatif[2].
Une synergie de composés actifs
Le café turc est une infusion complexe, riche en composés bioactifs : caféine, polyphénols, lignanes, mélanoïdines, alkaloïdes, terpènes, minéraux, vitamines… Cette richesse moléculaire pourrait expliquer ses effets anticancer observés.
La caféine et les acides chlorogéniques sont ainsi notamment reconnus pour leurs propriétés antioxydantes.
Il semble donc que la méthode de préparation du café turc, à feu doux et sans filtration, permet de conserver une grande partie de ces composés bénéfiques. Contrairement aux cafés filtrés ou instantanés, le café turc offre une infusion plus concentrée en substances actives.
Le café turc, au-delà de son goût unique, pourrait bien s’avérer un allié inattendu dans la prévention ou le soutien au traitement de maladies chroniques ou de cancers comme celui du sein.
Portez-vous bien,
Rodolphe Bacquet
[1] https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC11901579 – Nour A. Elsahoryi, Mohammed O. Ibrahim et al, « Acute Cardiovascular Effects of Turkish Coffee Asseyed by VO₂ Test : A Randomized Crossover Trial », in Nutrients, 27 février 2025
[2] https://nutritionandmetabolism.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12986-024-00846-4 – Mohamed N. Amin, Usama Ramadan Abdelmohsen & Yara A. Samra, « Turkish Coffee has an Antitumor Effect on Breast Cancer Cells in vitro and in vivo », in Nutrition & Metabolism n°21, 13 septembre 2024
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